29/02/08 (B437) LIBERATION : Sarkozy donne un coup de pied dans le pré carré africain
Elysée. Au Cap, il a déclaré quil fallait revoir les relations militaires entre Paris et le continent.
JEAN-DOMINIQUE MERCHET
«Obsolète.»
Cest ladjectif que Nicolas Sarkozy a employé, hier devant le parlement sud-africain au Cap, pour juger les relations militaires entre la France et lAfrique.
Estimant que la France «navait pas vocation à maintenir indéfiniment des forces armées en Afrique», quelle navait pas non plus «à jouer un rôle de gendarme», le chef de lEtat a annoncé la «renégociation de tous les accords militaires de la France en Afrique». Leur «rédaction» est «obsolète», a-t-il indiqué, car «la présence militaire française repose sur des accords conclus au lendemain de la décolonisation [ ] Ce qui a été fait en 1960 na plus le même sens aujourdhui». «Il nest plus concevable que nous soyons entraînés dans des conflits internes», a-t-il précisé. «Contrairement à la pratique passée, a-t-il promis, ces nouveaux accords seront intégralement publiés.»
Pour rassurer les inquiets, Nicolas Sarkozy a cru bon de préciser quil ne croyait pas «quil faille faire table rase et tout effacer dun seul trait de plume. [ ] Il ne sagit pas dun désengagement de la France, mais la sécurité de lAfrique, cest dabord laffaire des Africains».
Rwanda.
Ces déclarations préfigurent-elles un repli des 9000 soldats français présents sur le continent africain ?
Pas si sûr. Ce qui est certain, cest que la France ne veut plus rester en tête-à-tête avec ces anciennes colonies. Cette politique nest pas entièrement une rupture sarkozyste. Née du traumatisme causé par le Rwanda, elle date dune dizaine dannées (sommet africain du Louvre en 1998). Elle consiste à associer, aussi systématiquement que possible, les pays africains et les partenaires européens à la gestion des crises, toujours dans le cadre de résolutions internationales. Ce concept baptisé Recamp (Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix) a été mis en place progressivement.
Il a toutefois subi un sérieux contrecoup avec la crise en Côte-dIvoire, dans laquelle la France sest directement impliquée.
La France vient dailleurs dachever, durant lété 2007, la réorganisation de son dispositif militaire en Afrique. Quatre pôles correspondent à quatre «sous-régions» et dessinent ce que pourrait être la future carte des implantations françaises.
Il sagit de Dakar (Sénégal), Libreville (Gabon), Djibouti et La Réunion.
Dans chacun de ses pôles, la France a créé un petit état-major et prépositionné du matériel. Ils participent à lentraînement des armées des pays de la région et sont censés accueillir des officiers européens. Pour lheure, on ne compte quun Britannique et un Belge
La Côte-dIvoire ne fait pas partie des sites retenus et les militaires français ne cachent pas leur volonté de quitter le pays aussi vite que possible. Les effectifs y ont été sérieusement réduits (1 800 hommes) et les militaires y seront désormais affectés au titre des opérations extérieures, et non plus des forces de «présence», rendant leur départ beaucoup plus aisé.
«Bac à sable» (*).
Au Tchad, la France est linitiatrice – et, bien malgré elle, la principale contributrice – de la Force européenne (Eufor) qui a repris son déploiement, après les récents événements, au cours desquels la France sest retrouvée en première ligne.
Lannonce de louverture dune base à Abou Dhabi a relancé les spéculations sur lavenir de Djibouti.
Mais rien nindique, pour lheure, que les militaires sapprêtent à renoncer à leur «bac à sable» préféré en Afrique. Même si les effectifs (2 900 hommes) y seront réduits.
(*) Désigne généralement les environs de Djibouti (NDLR)