11/03/08 (B438) AFP : Somalie: le quotidien terrifiant des 5.000 enfants des rues de Mogadiscio

MOGADISCIO (AFP) — A 11 ans, Ahmed vit seul dans les rues de Mogadiscio, recyclant des sacs plastiques ou cirant des chaussures. Ils sont environ 5.000 enfants des rues à survivre au milieu des violences extrêmes et des dangers permanents de la capitale somalienne en guerre.

« Je vis dans les rues depuis que mes parents ont fui la capitale pour des raisons de sécurité. Je suis resté ici (…) Je recycle des sacs en plastique trouvés dans la rue et je cire des chaussures », confie à l’AFP Ahmed Mukhtar.

Son travail lui rapporte de 6.000 à 10.000 shillings somaliens (environ 0,3 euros) par jour, juste assez pour s’acheter un plat de riz et une banane.

Balles perdues, violences sexuelles, extrême pauvreté sont parmi les dangers auxquels ces enfants font face à Mogadiscio, capitale en ruines d’un pays en guerre civile depuis 1991 et dont les structures familiales et sociales ont été largement désagrégées par le conflit.

La ville est le théâtre d’attaques meurtrières constantes depuis la débâcle il y a un peu plus d’un an des Tribunaux islamiques qui ont perdu les régions sous leur contrôle au cours d’une offensive des troupes éthiopiennes venues soutenir le gouvernement somalien.

Abdi passe ses journées à ramasser des bouteilles en plastique et des sacs usagés ayant contenu du khat, plante euphorisante prisée dans la Corne de l’Afrique.

Ensuite, avec ses compagnons, ils lavent les sacs et les revendent. « Parfois, le peu d’argent que tu as gagné chaque jour est volé par un enfant des rues plus âgé. Il y a aussi ceux qui veulent abuser des plus jeunes », témoigne Abdi.

Un tee-shirt rouge usé navigue sur ses épaules décharnées. Son visage est couvert de saleté: « Je n’ai l’occasion de me laver que le vendredi. »

Selon l’Unicef et des ONG locales, au moins 5.000 enfants vivent dans les rues de Mogadiscio, une des villes les plus dangereuses au monde.

« 3.000 passent la nuit chez des parents éloignés ou chez des voisins, et les 2.000 autres dorment dans la rue la plupart du temps », explique à l’AFP Amina Mohamed, employée humanitaire spécialisée dans la protection de l’enfance.

« Ils trouvent du travail dans la rue: cirer des chaussures ou ramasser de vieilles feuilles de khat au marché. Ils les revendent ensuite à ceux qui n’ont pas les moyens de s’acheter une botte de khat fraîche », poursuit-elle.

« En plus des difficultés humanitaires, les enfants risquent d’être blessés par des balles perdues et des tirs de roquette », relève Zeynab Mohamud, enseignant retraité.

Dans Bakara, le quartier dévasté du plus grand marché de la capitale, des enfants d’à peine huit ans, vêtus de loques, sniffent de la colle.

Ce marché a pratiquement été déserté par les commerçants à cause des violents combats qui s’y déroulent. Les enfants racontent à l’envie les nuits sans sommeil et perturbées par les tirs de mortier.

Certains des enfants vivant dans les rues ont toujours leurs parents à Mogadiscio, mais ces derniers les utilisent pour ramener une source de revenus supplémentaire au foyer familial.

« Ma mère me réveille le matin, me donne mon petit-déjeuner, puis elle récite une prière pour que je puisse passer la journée en sécurité à Bakara », raconte Ali Sheikh Mohamed, 12 ans.

« Je ramène la majorité de l’argent que je gagne à ma mère pour qu’elle puisse nourrir mes deux soeurs et mon frère », dit-il.

Pour Ali et ses camarades, aller à l’école est un luxe inaccessible. Ils rêvent plutôt d’armes et de dollars.

« Je rêve d’avoir une belle voiture, et plein de gardes du corps dans des véhicules montés de mitrailleuses », lâche ainsi Issak Mohamed, à seulement 11 ans.