13/03/08 (B438) AFP : Affaire Borrel: longue bataille de procédure au procès des dignitaires djiboutiens.

VERSAILLES (AFP) — L’avocat du procureur et du chef des services secret de Djibouti, jugés jeudi à Versailles, près de Paris, en leur absence, pour « subornation de témoin » dans l’affaire Borrel, a mené jeudi une longue bataille de procédure pour tenter de faire annuler le procès.

Après deux heures de plaidoiries et deux heures de délibéré, le tribunal a finalement joint au fond les questions de procédure, soulevées par l’avocat des dignitaires djiboutiens, Me Francis Szpiner, reportant l’examen des faits à vendredi matin.

Les deux hauts responsables djiboutiens sont accusés d’avoir fait pression sur deux témoins clefs pour annuler ou discréditer un témoignage mettant en cause l’actuel président de Djibouti, Ismaël Omar Guelleh, comme le possible commanditaire du meurtre du juge français Bernard Borrel, en 1995 à Djibouti.

Le corps en partie calciné du magistrat avait été retrouvé en contrebas d’un ravin à 80 km de Djibouti où il travaillait, dans le cadre de la coopération, auprès du ministre de la justice.

La thèse d’un suicide a longtemps été privilégiée avant que des expertises n’orientent l’enquête vers un homicide.

La bataille procédurale a été engagée en début d’audience par les avocats d’Elisabeth Borrel, à l’origine de la procédure et partie civile dans ce dossier.

Ils ont contesté à Me Szpiner sa capacité à représenter ses clients absents, le procureur, Djama Souleiman, et le chef des services secret, Hassad Saïd, arguant que les documents fournis au tribunal par Djibouti lui donnaient pouvoir pour les assister et non les représenter.

Sollicités durant une suspension d’audience, les deux prévenus djiboutiens ont dû faire parvenir par fax de nouveaux pouvoirs à leur avocat.

Pendant ce temps, Me Szpiner a longuement pris la parole pour plaider des nullités de procédure.

Il a notamment expliqué que, contrairement aux obligations légales, la fin de l’instruction n’avait pas été notifiée à ses clients à Djibouti.

Il a également contesté la recevabilité de la plainte de Mme Borrel, à l’origine de l’affaire, la jugeant non fondée à agir car « l’infraction a été commise à l’étranger par des étrangers au préjudice d’étrangers ».

L’avocat a également contesté la validité des mandats d’arrêt délivrés contre ses clients et d’un enregistrement téléphonique dans lequel le procureur tente de faire pression sur un témoin.

Le procureur a rejeté ces arguments, à l’exception de la non-notification de la fin de l’enquête judiciaire sur laquelle il ne s’est pas prononcé, demandant au tribunal de poursuivre l’audience et de joindre les incidents de procédure au fond.

Djama Souleiman est accusé d’avoir tenté de faire pression pour obtenir la rétractation d’un ex-membre de la garde présidentielle djiboutienne, Mohamed Saleh Alhoumekani, exilé en Belgique.

L’homme a affirmé devant la justice française avoir entendu, le jour de la mort du juge, cinq hommes rendre compte à Ismaël Omar Guelleh, alors directeur de cabinet du président, de la mort du « juge fouineur ».

Le chef des services secrets est pour sa part accusé d’avoir fait pression sur Ali Iftin, l’ex-chef de la garde présidentielle, pour qu’il rédige une attestation discréditant le témoignage de M. Alhoumekani.

Les deux témoins clef de l’affaire Borrel étaient présents jeudi à Versailles aux côtés d’Elisabeth Borrel et du député PS, Arnaud Montebourg, partie civile, après avoir été faussement accusé d’avoir participé à un « montage » contre Djibouti avec Mme Borrel.