01/04/08 (B441) Lettre ouverte de Mme de Vaivre à Madame R. Dati, Garde des Sceaux avec copie au Ministère français des affaires étrangères pour saluer la décision du Tribunal pénal de Versailles, rendue le 27 mars, espèrer que ce jugement soit un prélude au jugement des assassins de Bernard Borrel et demander que les textes disciplinaires de l’Ordre de la Légion d’Honneur soient appliqués à M Hassan Saïd, condamné à un an de prison ferme. (ARDHD)

Lettre ouverte pour féliciter la justice française de son indépendance

Paris, le 31 mars 2008

MADAME RACHIDA DATI
Garde des Sceaux
Ministre de la Justice
13, Place Vendôme
75001 PARIS

Par fax et par courrier

Objet : jugement du 27 mars 2008 du Tribunal de Versailles
dans l’affaire de subornation de témoin / Assassinat du Juge Borrel


Madame la Garde des Sceaux
et Chère Madame,

Permettez-moi, en tant que Vice-Présidente de l’ARDHD, Association pour le Respect des Droits de l’Homme à Djibouti, et en tant que telle, appui de longue date à la cause de la vérité sur l’assassinat du juge Borrel, de porter à votre connaissance le jugement récent rendu par le Tribunal de Versailles sur « l’affaire dans l’affaire », la tentative de subornation de témoins cruciaux dans la révélation de la vérité sur l’assassinat de Bernard Borrel.

Le tribunal de Versailles a rendu ce 27 mars un jugement qui honore la France et la justice française, par son indépendance, comme par la précision de ses motivations. Le jugement acte clairement que les deux témoins djiboutiens cruciaux dans la recherche de la vérité sur l’assassinat du juge Borrel ont bien fait l’objet de pressions, d’intimidations et de menaces, de la part de hauts fonctionnaires du régime djiboutien.

Nous avons accueilli ce jugement avec satisfaction, et avec respect pour l’institution placée sous votre tutelle.

Permettez-nous, madame la Garde des Sceaux, avec vous, de nous féliciter de cette avancée cruciale sur ce dossier, comme de cette tangible preuve d’indépendance et de courage de notre justice.

Les attendus du jugement sont clairs, en voici pour rappel quelques extraits :
– « Les faits de subornation commis par Hassan Said Kaireh et ceux commis par Djama Souleiman Ali s’inscrivent dans un projet concerté d’entrave à la justice française dans le dossier d’information ouvert contre X du chef d’assassinat du juge Borrel. »

– « Djama Souleiman Ali et Hassan Said Kaireh ont de façon constante refusé de fournir la moindre explication sur les faits de la prévention,se soustrayant systématiquement aux convocations des magistrats instructeurs ,ne déférant pas en personne pour l’audience et cherchant à transformer la présente procédure en procès des témoins qui, pour leur part, affirment avoir agi en leur âme et conscience par obligation morale à l’égard de la famille Borrel parce que la thèse du suicide était retenue. »

– « La qualité de magistrat de Djama Souleiman Ali, formé sur les bancs de l’université de Toulouse …exige qu’il soit fait une application plus sévère de la loi que pour Hassan Said Kaireh, chef des services secrets de Djibouti »

– « En effet Djama Souleiman Ali a commis des actes déloyaux et indignes au regard de sa qualité de magistrat…Il a pris le parti de provoquer l’echec d’une information judiciaire du chef …d’assassinat en faisant usage des pouvoirs liés à ses fonctions de procureur de la République pour exercer une pression sur le témoin Alhoumékani en le menaçant de représailles sur sa famille ,en lui proposant de l’argent et un poste diplomatique. … »

– «Au regard de la gravité des faits et de leurs conséquences, il y a lieu de condamner Djama Souleiman Ali a la peine de 18 mois d’emprisonnement ,et Hassan Said Kaireh à 1 an. »

En juin dernier, lorsque le Président Sarkozy avait reçu Elisabeth Borrel, – premier geste d’ouverture et d’écoute d’un président français depuis plus de 12 ans que dure cette action de recherche de la vérité, alors qu’aucun ministre des précédents gouvernements n’avait jamais effectué un tel geste, et a fortiori pas non plus le précédent président -, nous nous étions félicité de ce signe, et j’avais personnellement remercié le président.

En matière diplomatique, des contacts autres avec le régime en place nous avaient depuis quelque peu interrogés sur l’attitude du gouvernement, et nous suivons ces évolutions avec grande vigilance.

Le jugement récent, quoi qu’il en soit, met clairement en lumière l’indépendance et le travail de la justice française dans cette affaire, et nous espérons qu’il préfigure le jugement sur le fond des assassins du juge Borrel.

A un moment où je viens moi-même d’être honorée de cette distinction, – aussi sans doute pour mes engagements en faveur des droits de l’homme – ; j’ose espérer que l’Ordre de la Légion d’Honneur appliquera effectivement son règlement, et retirera officiellement à Hassan Said Kaireh, condamné à 12 mois de prison ferme, le bénéfice et l’honneur de se prévaloir de cette haute distinction française qui lui avait été remise à notre grand étonnement il y a quelques années.

Recevez, Madame la Garde des Sceaux, avec l’expression de notre satisfaction de ce jugement, l’expression de notre très haute et très cordiale considération.

Anne-Marie de Vaivre

Copie pour information à M Bernard Kouchner, Ministre des Affaires Etrangères.