22/06/08 (B453) Le Matin (Maroc) Les réfugiés de l’Ogaden jurent de ne jamais rentrer chez eux

Entre 650.000 et un million de civils se sont déplacés

Halimu, Ethiopienne de 20 ans, a fui en janvier les violences dans sa région de l’Ogaden après que sa famille eut soudainement disparu.

Réfugiée dans le camp de Dadaab (nord du Kenya), elle pense qu’elle ne « rentrera jamais chez elle » pour ne pas revivre cette épreuve. « Les soldats (éthiopiens) ont attaqué un jour notre village de Garbo, en nous accusant tous de soutenir les rebelles (du Front national de libération de l’Ogaden, ONLF). Je me suis réveillée ce matin là et toute ma famille avait disparu », raconte à l’AFP Halimu, cachant sous une tunique l’un de ses pieds atteint d’une malformation.

Malgré son handicap, elle a fui Garbo en janvier, à pied et en véhicules, avec trois amis: « nous avions vu et entendu ce que les gens subissaient, et nous avions peur de tout le monde, c’est pourquoi nous nous cachions pendant la journée et marchions la nuit ». Son odyssée a duré trois mois avant qu’elle n’atteigne Dadaab. Garbo, à environ 600 km de Dadaab, a été attaqué en janvier 2007 par l’ONLF et a été au centre de violences après le lancement en avril/mai d’une vaste offensive de l’armée éthiopienne contre la rébellion.

L’ONLF, créé en 1984 et qui réclame l’autonomie de l’Ogaden, région du sud-est de l’Ethiopie, frontalière de la Somalie et riche en ressources naturelles, a revendiqué plusieurs attaques en 2007 contre l’armée et contre une installation pétrolière chinoise. Les opérations militaires dans l’Ogaden ont provoqué les déplacements d’entre 650.000 et un million de civils.

Le 12 juin, Human Rights Watch (HRW) a accusé l’armée d’Addis Abeba d’avoir eu massivement recours aux « exécutions, au viol et à la torture contre les civils » dans sa lutte contre l’ONLF. Addis Abeba a rejeté ces accusations.

« Je ne sais toujours pas où est ma famille. Je suis à Dadaab pour être en sécurité, mais je ne pense pas que je rentrerai un jour chez moi, je ne peux pas supporter l’idée de subir la même épreuve une deuxième fois », dit Halimu. Dadaab, planté dans un environnement semi-aride du nord-est du Kenya, accueille environ 200.000 réfugiés, en majorité originaires de Somalie voisine et ayant fui la guerre civile ravageant leur pays depuis 1991.

Le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Antonio Guterres, a visité Dadaab cette semaine à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés vendredi. Depuis début 2008, 40.000 personnes, essentiellement des Somaliens, se sont réfugiées à Dadaab. La plupart des Somaliens espèrent rentrer chez eux bientôt, contrairement à la majorité des réfugiés de l’Ogaden.

Abdidahir Osman, 42 ans, habitant de l’Ogaden, se considère presque chanceux d’avoir atteint Dadaab vivant, après sa fuite en février, accompagné de sa femme et de ses huit enfants. « Nous sommes des pasteurs. L’armée a commencé à limiter l’accès à l’eau pour notre bétail, qui est mort peu à peu.

Ensuite, plusieurs personnes ont été arrêtées et notre terre a été saisie », témoigne-t-il. « J’avais une boutique dans la localité de Laasoole. Environ 400 familles y vivaient. Les soldats nous ont forcés à regarder la ville entièrement brûler », dénonce-t-il. »Je ne pense pas que je rentrerai un jour dans mon pays.

Et même si j’avais la volonté, j’ai tout perdu là-bas », déplore-t-il.

Nasra Ali Adan et ses six enfants avaient fui l’Ogaden fin 2007 pour rejoindre sa soeur à Mogadiscio, mais ont été à nouveau jetés sur les routes par les combats dans la capitale somalienne. « Je me considère toujours éthiopienne, mais je ne rêve jamais pas à mon retour en Ogaden (…). Mon mari a été tué devant moi par des soldats. Maintenant que je suis au Kenya, je peux vivre sans la peur au ventre de voir mes enfants tués », lâche-t-elle.