06/09/08 (B464) Somalie. Eyl, le port sauvage où les pirates font la loi

_ A relire l’article précurseur et humouristique de l’ARDHD sur le sujet (Lien)

__________________________ La Dépêche (Toulouse)

Le navire des deux Français pris en otage fait route vers ce village de pêcheurs.

C’est un voilier de ce type qui a été intercepté au large de la Somalie.On pourrait l’appeler le Port de l’Angoisse. Mais il n’y a pas de port. Juste une bande de sable, de la caillasse, des scorpions, quelques baraquements désolés et des pirates.

Eyl, c’est l’Île de la Tortue du XXIe siècle. Un sanctuaire où les écumeurs de la Mer Rouge et de l’Océan Indien viennent entreposer leur butin et faire leur business. C’est vers cette enclave hors du temps et hors des lois que cheminent deux Français, capturés avec leur bateau au large du Yémen. (voir ci-dessous).

Ce petit village de pêcheurs est perdu le long de la côte somalienne, juste sous la Corne de l’Afrique, à 800 kilomètres au nord de Mogadiscio, la capitale. Là, il n’y a rien. Pas de routes, pas d’aéroport, et surtout pas de police, et pas d’armée. Là, ce sont les chefs de guerre locaux qui sont les patrons. Ils jurent leurs grands dieux qu’ils sont opposés à la piraterie. Mais assurent aussi vite qu’ils ne peuvent rien y faire…

Hier, le commissaire du district d’Eyl déclarait : « Nous ne pouvons que prier pour que les pirates relâchent les otages. Nous ne pouvons pas les aider. Nous ne pouvons rien faire et le gouvernement de Puntland (la province somalienne) non plus. Le voilier français arrivera peut-être aujourd’hui pour rejoindre les autres bateaux malchanceux… »

Malchance… Voilà qui en dit long sur l’ambiance qui règne dans ce pays chaotique. Car il y a effectivement sept autres navires au mouillage à Eyl ! Ils sont là depuis des semaines, voire des mois.

Pendant les affaires, la prise d’otage continue. On palabre, on transige, on tergiverse, on négocie. On joue au poker menteur comme dans toute bonne histoire de pirates.

Pendant ce temps, les otages patientent par 40° à l’ombre sur cette plage désolée, qui ne ferait envie à personne. Des prisonniers plus ou moins bien traités par ces ravisseurs qui sont devenus de vrais pros. Car ce sont au bout du compte des millions de dollars qui passent dans les poches des flibustiers d’Eyl.

La plupart du temps, les armateurs, les assureurs, les familles ou les États payent.

Selon le bureau maritime international, au moins 24 attaques ont été perpétrées au large de ces côtes depuis le début de l’année 2008. Ce qu’il y a de sûr, c’est que ce n’est pas le tourisme sous les tropiques qui fait vivre Eyl. Du moins pas le tourisme volontaire.

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Le Quai d’Orsay mobilisé

« Nous sommes mobilisés sur cet événement, nous indiquait hier soir un porte-parole du Quai d’Orsay. Dès que la sécurité de nos ressortissants à l’étranger est en danger, cela devient pour nous une priorité absolue. »

Paris suit donc avec attention les péripéties en mer de ces deux Français qui ont été capturés par des pirates mardi. Apparemment, le bateau est en train de cheminer vers le village d’Eyl, sur les côtes somaliennes.

« Nous sommes en train de solliciter tous nos réseaux diplomatiques et notre ambassade au Kenya », poursuit le Quai d’Orsay.

Car la Somalie est en guerre depuis des années, et il n’y a pas d’ambassade de France à Mogadiscio. Tout passe donc par le Kenya, et beaucoup d’informations transitent par Mombasa, deuxième ville et principal port du Kenya, situé en fait au sud de la Somalie et de sa capitale. C’est par le bureau kenyan du programme d’assistance aux marins basé à Mombasa que l’on a appris jeudi qu’une demande de rançon de plus d’un million de dollars avait été réclamée pour libérer le yacht.

Jeudi, le capitaine de vaisseau Christophe Prazuck, porte-parole de l’état-major des armées, a averti depuis Paris que les moyens militaires français présents dans la région étaient « prêts à remplir les missions qui leur seront confiées ». Les militaires sont stationnés tant à Djibouti où la France dispose d’une importante base militaire, que dans le golfe d’Aden.

Le capitaine Prazuck a cependant souligné que « l’on n’est pas du tout actuellement dans la configuration » de l’intervention menée en avril pour Le Ponant. « Il s’agit d’un tout petit voilier » précise le Quai d’Orsay. Mais dire le contraire, ce serait aussi avertir des forbans qui, contrairement à Jack Sparrow, disposent de radios, de radars et d’internet.

D. D.