02/10/08 (B467-B) Le Monde : Paris propose à l’ONU un dispositif de lutte contre la piraterie au large de la Somalie

L’affaire du Faina confirme la dangerosité des eaux somaliennes, où 24 actes de piraterie maritime se sont déroulés depuis le début de l’année. La France a été directement concernée, avec la prise d’otages à bord des voiliers de croisière Le Ponant et Carré-d’as, dont les équipages ont pu être libérés à la suite d’opérations menées par les forces spéciales françaises.

Paris doit déposer dans les prochains jours un projet de résolution au Conseil de sécurité des Nations unies qui vise à mobiliser les contributions internationales afin de mettre en place un dispositif pour sécuriser les routes maritimes situées au large de la Somalie. La France a bon espoir que ce texte sera adopté, compte tenu de la réaction favorable de la Russie et de la Chine.

Le projet insiste sur "la prolifération des actes de piraterie" à l’encontre des navires croisant au large de la Somalie, et sur la "grave menace" que posent ceux-ci à la fois pour la livraison rapide de l’aide humanitaire à la Somalie et la "sûreté des routes maritimes commerciales et des activités de pêche" dans la région. Ces actes de piraterie, est-il précisé, sont " de plus en plus violents", se déroulent avec de "l’armement lourd" et en utilisant le système des "bateaux mères" – un bateau de pêche ou un petit cargo qui met à l’eau des embarcations rapides lorsqu’il est proche du navire convoité.

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La France rappelle que 3,5 millions de Somaliens sont dépendants de l’aide alimentaire acheminée par les cargos du Programme alimentaire mondial (PAM) et souligne que les armateurs pourraient se désister faute d’une escorte de navires de guerre. Le Canada a accepté de prolonger jusqu’au 26 octobre sa mission d’encadrement des navires du PAM, mais aucun autre pays n’a, à ce stade, proposé de prendre la suite.

La résolution française souligne par ailleurs que les actes de piraterie dans les eaux territoriales somaliennes et internationales "exacerbent la situation en Somalie, laquelle constitue toujours une menace contre la paix et la sécurité internationale dans la région". La France demande donc que, dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies (qui prévoit l’utilisation de la force armée), les Etats concernés "participent activement à la lutte contre la piraterie" dans la région "en déployant des navires de guerre et des avions militaires" et en "prenant les mesures nécessaires", en conformité avec les lois internationales.

Le texte français demande aux mêmes Etats de coopérer avec le gouvernement transitoire de Somalie et de protéger les convois du PAM. Il insiste sur le fait que ce dispositif, qui respectera les eaux territoriales somaliennes, a été conçu avec l’accord du gouvernement somalien, et qu’il ne peut être considéré comme établissant "une (nouvelle) loi internationale". Cette insistance vise à atténuer les préventions d’Etats, tels la Chine et la Russie, très soucieux de préserver leur souveraineté maritime.

La résolution française n’est pas en soi très contraignante, mais elle vise, en apportant une protection juridique internationale, à vaincre les réticences des pays qui hésitent à apporter leur contribution à cette "police des mers" que le président Nicolas Sarkozy appelle de ses voeux.

Laurent Zecchini