14/10/08 (B469) L’Expression (Algérie) PRÉSENCE US DANS LE CONTINENT NOIR
LAfrique aux… Américains
Ils ont rencontré des autorités politiques et militaires en Algérie, au Maroc, en Libye, en Égypte et à Djibouti.
Dans une totale discrétion et loin des projecteurs de lactualité, le drapeau du nouveau commandement des États-Unis en Afrique (Africom) a été déployé, le 1er octobre dernier, lors dune cérémonie officielle organisée au Pentagone et à laquelle ont assisté des dignitaires africains et des membres du Congrès.
Loccasion était la célébration de la naissance officielle de lAfricom, tant décrié par certains dirigeants et organisations africains. Aucune précision na été donnée sur le nom de ces «dignitaires» qui ont assisté à la naissance dun projet qui suscite encore une grande réticence. Ainsi, cest dans la discrétion que larmée américaine a inauguré son 6e commandement géographique, qui est consacré exclusivement à lAfrique.
Cest également dans la discrétion la plus totale quont été entamées les consultations au sujet de ce commandement. Pendant deux mois, avril et mai derniers, une délégation gouvernementale américaine conduite par le sous-secrétaire dEtat américain à la Défense, Ryan Henry, a effectué deux tournées en Afrique. On a appris, de source sûre, quà lissue de sa tournée, le responsable américain a rencontré des autorités politiques et militaires en Algérie, au Maroc, en Libye, en Egypte et à Djibouti ainsi que des responsables de lUnion africaine.
Les Américains ne se sont pas limités à ces rencontres. M.Henry sest également entretenu avec de hauts responsables français lors de son escale à Paris, où il a également eu des entretiens avec les attachés militaires dune quarantaine de pays. Une autre série dentretiens a eu lieu avec des représentants du Royaume-Uni, de la France et dautres pays européens.
De ce fait, le projet américain aux contours très peu clairs, devient une affaire internationale qui regroupe les grandes puissances. Sinon, comment expliquer le fait dassocier la France et la Grande-Bretagne à un projet élaboré et pensé par les Américains? Cela étant, M.Henry a tenté de convaincre les pays africains qui ont ouvertement émis des réserves, dont lAlgérie, en rassurant que lAfricom «ne signifie pas linstallation de bases militaires en Afrique» de même que «cette structure nest pas destinée à faire la guerre».
Théoriquement destiné à prévenir la guerre, et non pas à la faire, ce nouveau commandement, dont le quartier général est à Stuttgart, en Allemagne, a été créé afin de «renforcer la sécurité des partenaires africains des États-Unis, et non pas pour établir une présence militaire américaine sur le continent africain». Cet du moins ce que soutiennent les responsables de cette structure. Mais plusieurs raisons, parfois subjectives, légitiment la réticence et la perplexité des Etats africains.
A commencer par la formulation même de ce projet où laspect militaire, même camouflé, déteint sur le reste des objectifs annoncés. Echaudés par lexpérience de larmée américaine en Afghanistan et en Irak, les dirigeants africains, poussés par leurs oppositions internes, affichent une opposition envers une présence militaire même symbolique. Une crainte dautant plus justifiée que lun des premiers objectifs de cet Africom est dabord dordre sécuritaire, à savoir la lutte implacable contre le terrorisme islamiste même si, dans le pacte que propose lOncle Sam, il y a dautres préoccupations: le général William Ward, qui est responsable de cette structure, a déclaré quil se concentrerait sur un large éventail de programmes, notamment la lutte contre le trafic des stupéfiants et le terrorisme ainsi que le renforcement des capacités des forces maritimes et terrestres des pays africains. Si lon croit les responsables américains, cet Africom jouera également un rôle sur le plan de la prévention des conflits, ce qui contribuera à la protection de précieuses ressources.
Selon une étude réalisée par luniversité dOxford, un conflit dans un pays à faible revenu coûte environ 64 milliards de dollars. Or, au cours des 25 dernières années, 21 pays africains ont vécu un conflit. Ce qui donne un argument de taille aux Américains pour asseoir leur stratégie même si les doutes et les réticences persistent.
Brahim TAKHEROUBT