09/12/08 (B477) AFP / Les contentieux judiciaires pèsent sur la diplomatie française en Afrique

Procès de l’Angolagate, une dignitaire du régime rwandais inculpée à Paris, une nouvelle plainte contre Omar Bongo: sensible et ambiguë, la relation entre la France et l’Afrique se complique encore du fait de nombreuses affaires judiciaires mal perçues sur le continent noir.

Djibouti, Rwanda, Angola, Côte d’Ivoire, Sénégal, Gabon, Congo… Ces dernières années, la justice française a été saisie de plaintes de natures différentes, mais qui mettent toutes en cause les chefs d’Etat des pays concernés, leur entourage ou de hauts responsables.

Autant de procédures qui ont tendu leurs relations avec la France. Kigali est allé jusqu’à rompre en 2006 ses liens diplomatiques avec Paris après l’émission de mandats d’arrêt contre des proches du président Paul Kagame, dans l’enquête sur l’attentat contre l’ex-chef d’Etat Juvénal Habyarimana en 1994.

La dernière affaire en date est une plainte déposée par des ONG contre les présidents Omar Bongo (Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo) et Teodoro Obiang Nguema (Guinée Equatoriale), accusés de posséder en France des biens financés par de l’argent public détourné.

Tous ces dossiers "polluent la politique africaine de la France", constate Antoine Glaser, rédacteur-en-chef de la Lettre du Continent.

D’autant que certains pays africains n’hésitent plus à contre-attaquer. La justice sénégalaise a ainsi lancé un mandat d’arrêt contre un juge français qui venait de faire de même à l’encontre de deux ex-ministres, pour leur responsabilité présumée dans le naufrage du Joola en 2002.

Lors d’une récente visite à Paris, le président burkinabé Blaise Compaoré se faisait le porte-parole de la "colère" de l’Afrique. "Il faut éviter que cette justice internationale soit une jungle où chaque juge d’un pays souverain puisse inculper telle ou telle personne sans coopération, sans entraide", a-t-il déclaré.

Ces réactions sont "symptomatiques de nouvelles relations entre la France et l’Afrique", estime Antoine Glaser. "Avant, les contentieux et conflits se réglaient dans le village franco-africain, dans les antichambres de l’Elysée. Et compte tenu des rapports de force et de l’influence française en Afrique, il n’y avait aucun dossier qui s’envenimait comme actuellement".

Selon Me William Bourdon, avocat des ONG qui ont porté plainte dans l’affaire des biens immobiliers, "il y a un passif global de l’Europe et des pays riches vis à vis de l’Afrique qui crée chez les populations africaines un sentiment de défiance et de discrédit par rapport aux juges du nord". Pour autant, selon lui, les dirigeants africains crient facilement au "néo-colonialisme judiciaire" pour "échapper à leur responsabilité et désigner des boucs émissaires".

Au sein de la diplomatie française, on ne cache pas l’inquiétude que suscite cette évolution, alors que le président Nicolas Sarkozy s’est fixé comme objectif de normaliser les relations de la France avec les pays africains. "Il y a une judiciarisation croissante des relations internationales qui va susciter des réactions. Il y a un équilibre à trouver", commente une source proche de l’exécutif.

"Dès que Nicolas Sarkozy est arrivé au pouvoir", rappelle Antoine Glaser, "il a dit qu’il voulait régler toutes les affaires judiciaires pour les déconnecter totalement des relations d’Etat à Etat", notamment pour les trois dossiers les plus sensibles: Djibouti et l’affaire du juge Borrel, l’Angola et le Rwanda.

Le procès de l’Angolagate, vaste affaire de vente d’armes à l’Angola dans les années 90, est en cours à Paris. Et la récente inculpation à Paris de Rose Kabuye, chef du protocole rwandais, pourrait enfin permettre, selon Paul Kagame, "de percer l’abcès" qui empoisonne les relations avec la France. Quelques jours plus tôt, un conseiller du président Sarkozy se trouvait à Kigali pour discuter des moyens de faire avancer la procédure judiciaire.