19/04/09 (B495) Courrier des lecteurs ….. deux contributions envoyées par M Hassan Abdi Aden (Ancien fonctionnaire de l’éducation nationale, résidant au Canada)

_______________________________ 1 – Contribution N°1

J’ai lu un article publié sur votre site, le 9 avril, sous le titre «  »Un dernier conseil à IOG ». Comme l’auteur a signé Hassan Aden établi au Canada, je vous demande simplement de publier cette mise au point afin d’éviter toute confusion.

En effet, je m’appelle Hassan Abdi Aden et j’habite aussi au Canda, mais je ne suis pas l’auteur de l’article concerné. Je suis un ex fonctionnaire de l’Education nationale.

Afin de réduire les risque d’homonymie et de confusion, pourriez-vous demander à vos lecteurs, lorsqu’ils signent un article, d’utiliser leurs trois noms, selon la coutume en vigueur dans notre pays ?

Cela dit, j’appartiens à ceux pour qui l’histoire de notre pays n’a pas commencé avec l’indépendance (ou un peu avant). Vivant en exil
(surtout en Europe) vous devez comprendre toute l’importance que j’attache à ce que les articles soient plus incisifs.

En effet, abstraction faite des personnes impliquées dans cet article, les mêmes problème se posent
depuis l’indépendance (un groupe au dessous de tous, de tout, tout
court). En somme, rien de nouveau. Tout est comme avant! IOG ou les
autres, c’est du pareil au même.

Selon moi, ce qu’il faut changer, ça ne doit pas être un groupe parce que celui qui le remplacera fera comme lui. C’est qu’il faut changer, c’est le système qui l’a enfanté: le système afar-issa qui exclut tous les autres. Si on accepte un système comme celui-là, qui exclu d’office, les autres composantes de notre communauté, il faut accepter la suite logique: les exclusions internes !

Pour remédier à cela, avant de changer IOG, il faut changer le mentalité de la majorité de ceux se disent opposants, à qui moi, je donne un seul conseil. Il faut changer le système colonial afars et issas au pouvoir et les autres, à Loyada par le système suivant : ceux qui ont du mérite au pouvoir et les autres au travail.

Qui veut changer ça ?

Qui veut élever le débat et lui donner cette nouvelle dimension? Oups… Je pense que je dois me taire (et rester la cinquième roue de la carrosse).

_________________________________ 2 – Contribution N° 2

Je me présente un plus mieux.

J’ai écrit
3 publications qui ont toutes été classées comme
‘subversives’
– feu Horizon de feu UDD,
– feu
L’Enseignant de feu SYNESED,
– feu L’Éducateur de feu SEP.

Je suis
aussi (entre autre) le maquettiste de la 1ère page (La Une) de la 1ère
version du Renouveau et d’un périodique que DAF a sorti, je crois deux
fois…

Juste pour préciser de quel bord je suis.

Je suis retourné, moi aussi, comme mon ‘mougag’ dans notre pays, il y a
un peu plus d’un an…

J’ai rencontré certains syndicalistes et vieux
compagnons de lutte. J’ai vu quelques ‘loosers’ qui ruminaient dans
l’alcool et le khat, la défaite de leur idéal d’égalité et de justice.
Ça crève le cœur de voir ses compagnons et amis devenus méconnaissables,
car mal compris et méprisés par leurs semblables. Ça crève le cœur de
voir la défaite d’un idéal de justice.

J’ai vu aussi quelques ‘winners’ qui ont changé de bord ! Quelle ironie
du sort !

Ces ‘winners’ nous traitaient (dans le temps) de quelque chose
entre le ‘faible’ et le ‘lâche’, quand on essayaient de modérer le
discours. Aujourd’hui, ils utilisent le même zèle pour servir le régime.
Pas de modération, ni de retenue!

J’ai vu aussi un certain Khaireh Allaleh Hared (Khaireh Pakistan),
ministre de l’intérieur lors du 1er génocide post-colonial des
gadabourcis (1988-1991).

Celui-là même qui jetait en pâture aux milices
issas de Guestir (tiens tiens: ‘Guestir’) des jeunes filles pieds nus
(car raflées dans leur sommeil) après les avoir gardées une semaine au
sinistre ‘Centre de Transit’ de Nagad.

Celui-là même qui a dit à la télé
‘abeesadii farta loo taaga, fanaxay u booda’ (très sommairement : la
vipère à qui on présente un doigt voudra engloutir le reste de la main).
Traduisons: la vipère ce sont le gadabourcis, le ‘on’ qui donne
généreusement son doigt, c’est son clan (les issas, par extension).

Ils
traversaient à pied la place ‘Mililig’ sans escorte, sans courtisan…
à côté de l’un des trois gars contre qui les tortionnaires, en guise de
torture, ont utilisé les fameuses bouteilles de Coke.

Est-ce le visage
de la pax djiboutiana ? Question ouverte.

Chers compatriotes, notre pays a connu plusieurs génocides. Certaines
sont imputables aux puissances coloniales. Deux autres le sont, à ceux
qui les ont remplacés.

Un troisième se prépare.

Quel dommage, quand on
pourrait être un petit Dubai ou un Hong-Kong ou autre Monaco d’Afrique.
Quel dommage et quel manque de vision! C’est triste de voir la situation
d’état d’urgence se répéter en boucle…

Revenons aux génocide.

Le premier génocide a ciblé les Gadabourcis entre
1986 et 1991.
Au moment où papa Mittérand demandait à ses enfants
africains d’instaurer le multipartisme, Hassan Gouled et tous ses
sbires ont jugé bon de réveiller la vieille animosité ‘gada’ / issa
pour détourner l’attention.

Surtout celle des issas qui commençaient à
réclamer des comptes (avec différentes motivations) pour d’une part,
retarder au maximum l’échéance et, d’autre part, pour préparer le terrain.

Des hommes (certains déchus aujourd’hui et n’ayant eu d’autre choix que
de réjoindre/infilter l’opposition) circulaient avec du khat, de
l’argent et des armes.

Du Quartier 6 à Guestir, de Douda à Dikhil, ils
répetaient inlassablement: ‘innagu waan isku dambaynaaye, horta cadawga
han iska ridno’ (occupons-nous de nos ennemis d’abord, on reviendra à
nos affaires ensuite).

‘L’ennemi, je pense que tout le monde comprend,
quant à ‘nos affaires’ il s’agit de la chose publique dont ils faisaient
et font toujours ‘leur’. Pour la plupart de ces hommes dont Hassan
Gouled, cet ‘ennemi’ est le frère de la mère, le mari de la soeur, le
frère de la mère de ses propres enfants (l’épouse), etc.

Il est tout à fait normal que des éléments faibles d’un groupe ou, des
opportunistes politiques ‘tentent leur chance’ en divisant pour régner.
C’est un recette très populaire utilisée depuis la nuit des temps par
ceux qui n’ont rien à offrir.
Une chose est toutefois plus inquiétante:
le silence du reste!

Complicité ? Peur ?

Allez savoir… Aucune
personnalité connue (intellectuels, politiciens, religieux, médecins,
avocats…) ne s’est élevée contre ce nettoyage ethnique. Je n’irais pas
jusqu’à dire que tous les djiboutiens manquaient de compassion envers
nous.

Loin de là.

Même certains bourreaux le jour protégeaient leurs
proches le soir (ils se reconnaitront). Même Gouled aurait proposé à
ses oncles du sous-clan Abraïn de venir se réfugier à Baït-el-wali pour
fuir la persécution !

Je me rappelle aussi le visage embarrassé de
certains amis qui voyaient en moi un ami, pas vraiment un ‘vrai
djiboutien’, un ‘fils du pays’ comme eux (ils se reconnaitront).
Toujours est-il que personne ne s’est prononcée sur la place publique…
Personne ne nous a soutenu publiquement, en ces jours sombres.

Passons au deuxième génocide.

Celui des afars. Au plan médiatique, il a
eu (et a toujours) toute la couverture requise. Au plan populaire,
beaucoup de djiboutiens non-afars ont publiquement manifesté à Arhiba
pour soutenir le peuple afar.

Personnellement, j’ai participé à deux
manifestation. À ce propos, même si je n’ai jamais bien compris qui voulait
quoi au sein du FRUD (mes amis afars ont toujours été eux-mêmes divisés
sur cette question et le sont encore) il était cependant primordial de
soutenir ceux et celles qui ont perdu un être cher.

Apporter son soutien
(ne serait-ce que un peu de chaleur humaine et de réconfort) à ses
compatriotes en deuil est pour moi un devoir citoyen, minimum. Mais ce
devoir ne s’arrête pas là… J’en conviens.

Passons enfin au génocide qui se prépare.

Celui qui sera dirigé contre une autre
composante importante de la communauté djiboutienne, les issacks.
Pourquoi la colère des issas se dirige-t-elle contre un petit groupe de
ce clan qui profite (comme tout le monde) des largesses du régime ?

Parce
qu’ils sont ‘allogènes’ ?

Plus révoltant encore, pourquoi un pauvre
gargotier ou autre kirishbooy du quartier 3 qui ne s’occupe que de ses
affaires doit-il payer ‘son crime’? Quel crime?

Je crois que le bon
peuple de la ‘Place chameaux’ se trompe encore de cible. Le pouvoir se
trouve au palais présidentiel. Pas au Q3.

Qui aura le courage d’attaquer
ce palais?

Dans les tracts incitants à la haine qui ont été publiés, je
reconnais certains mots, je reconnais leurs auteurs. Certains étaient
mêmes des amis, dans le temps… et je peux garantir une chose: ils ne
sont pas innocents. Ils n’appartiennent pas au ‘bon peuple du quartier 6’.

Parce ‘le bon peuple’ qu’il soit du Q1, du Q2, du Q3, du PK12 ou de
Koutabouya, il a autre chose à faire. Ce bon peuple a besoin de leader
visionnaires et inclusifs. Des leaders qui puissent véhiculer et
orienter les énergies de tout un chacun afin de faire, de ce petit bout
de désert qui est nôtre, rien de moins qu’un Dubai… Le bon peuple du
Q6, comme les autres, a besoin de toute son énergie pour construire
demain. Pas de défouler sa frustration sur plus démuni que lui.

Un dernier point, je pense qu’accuser un régime est une chose, se perdre
dans la commérage en est une autre. J’ai beaucoup de mal à lire le
discours de certains opposants parlant de Kadra Haid à toute les sauces.
C’est vrai que, d’un côté, cette femme est un personnage publique. On
peut s’attaquer à ce qu’elle fait ou inspire mais jusqu’à une certaine
limite.

Parce que de l’autre, c’est une femme. C’est une mère… Qui
sait ce que deviendront ses enfants ? De grâce, modérerez vos propos sur
elle. Notre sagesse ancestrale a toujours fait preuve de retenue à
l’égard des femmes mariées.

Qu’est-ce qui se passe ? La colère ne doit
pas nous faire perdre la raison. Le fait de vider sa bile sur elle ne
fera pas avancer Djibouti. Ça ne fera que nous diviser. Pendant ce
temps, le monde, lui avance.

Amicalement.

Hassan A. Aden
hassan.aden@ncf.ca