02/06/09 (B501) Angolagate et affaire de l’assassinat de Bernard Borrel. Sur le fond, ce Diboutigate ne serait-ce pas la même « salade » ? (1 ère partie) (Par Bouh Warsama)


Retrouvez l’intégralité des chroniques
de Bouh Warsama : lien

On croyait avoir tout vu et compris pourquoi l’Etat français dépense chaque année plusieurs milliards d’euros (plus de 8 milliards en 2006) dans le cadre de la très nébuleuse Aide Publique au Développement (APD) alors que ces sommes énormes s’évaporent pour majeure partie.

Rassurez-vous cet argent là n’est pas perdu pour tout le monde, car dans ce milieu là rien ne se perd, rien ne s’évapore véritablement malgré les très fortes chaleurs… mais tout se déplace.

A ceci est venue s’ajouter le fait que l’on croyait avoir tout vu avec l’affaire Elf et l’un des moyens de financement occulte des principaux partis politiques français ; une fois encore on se trompait !

– La sulfureuse affaire SOFREMI

Le 29 mai de cette année, la Cour d’Appel de Paris a jugé le plus consternant dossier politico-financier de la fin du siècle dernier : je veux parler de la sulfureuse affaire SOFREMI (Société Française d’Exportation du Ministère de l’Intérieur) avec tous ses rebondissements et dont on a vraisemblablement pas fini d’entendre parler tant il y a matière à interrogations et surprises.

Un nouvel « embrouillamini franco français », comme diraient certains « avec un parfum bien de chez nous et qui ne sent pas la rose… », un méli-mélo de commissions occultes versées en marge de grands contrats internationaux passés sous silence mais avec les indispensables « dessous de tables ».

Un parcours pour le moins accompagné de manigances, de règlements de comptes eux aussi passés sous silence mais avec les indispensables décès de témoins principaux par crise cardiaque, rupture d’anévrisme…voire suicide ou accident inexpliqué. Bref, on oserait dire des scènes de la vie courante dans un certain milieu le plus souvent conclues par des rétro-commissions occultes versées pour majeure partie à des décideurs français, à des hommes politiques de haut niveau qui ont l’aplomb de vous parler de respect des lois de la république et de grand intérêt porté à la misère humaine pour ce qui les concerne et d’intolérable corruption, en portant alors un doigt accusateur en direction de l’Afrique.

– Des rétros-commissions occultes bien plus que juteuses

L’affaire dite de la SOFREMI s’inscrit dans la plus parfaite opacité au point qu’il a fallu pas moins de 14 années à la Justice française pour bousculer les supposées immunités et les obstacles artificiels placés sciemment sur sa longue route, pour en arriver à comprendre et démêler pour partie l’écheveau afin de savoir « qui a fait quoi ».

Démêler, pour une très petite partie seulement, l’écheveau des complicités dont le but n’était certes pas de servir les pays concernés mais exclusivement et avant toute chose de favoriser des intérêts personnels de « dignitaires » dont nul ne peut citer le nom sans prendre, en préalable, certaines précautions….afin de ne pas se prendre une « balle perdue » au coin d’une rue…ou sur une route de campagne.

– Juge d’Instruction et Justice

Etre juge et intègre est un métier à risques dans lequel on peut y perdre aisément la vie ; le cas de l’assassinat de Bernard Borrel en octobre 1995 à Djibouti est hélas l’un des exemples de ce que nous affirmons.

Par évidence, tout débat sur la Justice est avant tout un débat sur le (la) juge d’instruction, celui (celle) qui a le rôle le plus ingrat au sein du panel des juges, celui (celle) qui dispose de l’autorité pour mettre en examen et qui prononce la mise en détention. Le (la) « véritable juge », celui (celle) qui détient la clé de la liberté, celle l’honneur, de la vie pour chacune et chacun d’entre nous et qui parfois est contraint (e) de « faire spectacle » pour informer l’opinion publique de ses difficultés.

Souvenons-nous de l’épisode au cours duquel le gouverneur militaire du Palais de l’Elysée s’était opposé à la justice dans l’affaire de l’assassinat du juge Bernard Borrel (juges d’instruction et policiers) l’empêchant de procéder à la perquisition de certains bureaux de l’Elysée (cellule Afrique).

Les deux juges furent contraintes de mentionner ce refus sur leurs documents en prenant appui sur un conteneur poubelle.

Ceci confirme-t-il l’estime dans laquelle l’Elysée de l’époque tenait la justice française ?

Nous attendons de lui (d’elle) qu’il (qu’elle) applique les lois et assure le maintien de l’Etat de Droit au sein de la République, ce qui nous semble une grande évidence.

Qu’il (qu’elle) soit le gardien et protège les libertés individuelles, ce que prescrit la Constitution.

Nous exigeons de lui (d’elle) qu’il (qu’elle) soit plus parfait (e) que nous ne le sommes. Un (une) juge indépendant (e), libre, impartial (e) ; qu’il (qu’elle) soit la première garantie d’une vraie Justice.

Un (une) juge neutre qui jamais ne préfère une partie à l’autre, l’homme (la femme) porteur (se) des lois qui observe l’éthique du travail et l’éthique de la compétence. Un (une) juge dont l’éthique soit aussi la soumission à la loi et commande le respect des Droits de l’Homme, de la dignité humaine, de la présomption d’innocence.

Nous avons à l’esprit la théorie sur la « Séparation des pouvoirs » exprimée par Montesquieu qui défendait l’idée selon laquelle « Les juges s’affirmant représentants de la nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi ». Idée qui ne comportait nulle sublimation de la fonction judiciaire… mais eut un retentissement considérable dans la lutte contre le despotisme royal…de l’époque.

Le Juge d’Instruction, véritable chirurgien de la Justice

Le juge Philippe Courroye, opiniâtre chirurgien de justice chargé des réseaux Pasqua, a instruit cette affaire de détournements de fonds entre 1993 et 1995 à la SOFREMI (Société Française d’Exportation du Ministère de l’Intérieur). Il a poursuivi ensuite 9 personnes pour des détournements d’argent lors de la vente d’équipements de police à l’étranger.

Bernard Dubois, ancien président de la SOFREMI nommé par le Ministre de l’Intérieur d’alors, Charles Pasqua, a résumé avec lassitude cette vaste foire aux capitaux off-shore et évaporés dans des paradis fiscaux : «Je ne trouvais pas normal que le ministre de l’Intérieur me demande de piller la trésorerie, mais je n’ai pas voulu m’y opposer.».

La SOFREMI sentait la poudre…, depuis sa création

Créée en 1986 pour aider les industriels français à obtenir des contrats auprès des polices étrangères, le capital de la SOFREMI était réparti entre l’Etat et les principaux fabricants, mais c’est le Ministre de l’Intérieur qui en nommait les dirigeants et en assurait la tutelle directe.

Cette société a toujours senti le souffre, pour ne pas dire la poudre, car son domaine d’activité étant pollué par des intermédiaires en tous genres ; des commerçants et d’autres alors que chaque nouveau ministre de l’Intérieur tentait de se couvrir et avait pour premier réflexe de commander un audit sur la gestion de la SOFREMI par son prédécesseur à la tête dudit Ministère.

Après de multiples audits qui se sont succédés, c’est la seule période Pasqua qui a été visée par la Justice car caractérisée par une véritable explosion des commissions (plus de 170 millions de francs de l’époque), dépassant 15 % du montant des marchés visés (avec une pointe à 24 % en Colombie).

Cette société ne se donnait même plus la peine de préserver les apparences : une commission fut versée à l’occasion d’un marché brésilien alors qu’elle n’était même pas candidate. Dans cette gloutonnerie ambiante, la SOFREMI sera allée jusqu’à emprunter des sommes d’argent – en Suisse – afin de rémunérer un intermédiaire impatient ; l’usage étant de verser la commission à la signature du contrat (success fee).

Le procès a été concentré sur trois contrats (Argentine, Colombie et Koweït) alors que lors des investigations menées par la justice française la procédure aurait mis en évidence l’existence d’une société fantôme d’Import/Export implantée à Djibouti appartenant à « JCM » et qui disparaîtra bien vite après l’assassinat du Juge Bernard Borrel.

Société dont il n’existe plus de trace dans les archives de l’administration djiboutienne.

Pourquoi ?

(à suivre)