10/06/09 (B502) Au Yémen, les troubles dans le Sud alimentent le sentiment sécessionniste (Le Monde)

Au Yémen, le régime du président Ali Abdallah Saleh n’est pas seulement aux prises avec une virulente rébellion zaïdite (une branche minoritaire du chiisme) dans les provinces du Nord, et avec les opérations terroristes de la branche d’Al-Qaida pour la péninsule arabique. Depuis des mois, le sud du pays est agité par des manifestations souvent massives, violemment réprimées par les autorités, qui ravivent des revendications séparatistes.

La fusion, en 1990, de deux Yémens longtemps séparés par l’histoire n’a jamais rencontré une franche adhésion populaire. Dès 1994, une tentative de sécession avait été écartée militairement par le président Saleh, contraignant les principaux responsables sudistes à l’exil. Le chef de l’Etat avait reçu à cette occasion le soutien des combattants islamistes yéménites de retour d’Afghanistan, trop heureux d’en découdre avec un Sud tout juste sorti de l’orbite soviétique.

Dans un pays qui compte parmi les plus pauvres du monde, le monopole du pouvoir politique par un président nordiste et le déséquilibre démographique qui pénalise un Sud riche, en revanche, en ressources naturelles, n’ont cessé d’entretenir la frustration dans ces provinces, livrées, selon les contestataires les plus virulents, au "pillage" et à "l’occupation" du Nord.

En 2007, alors que Sanaa fêtait les 17 ans de l’unification, ce conflit larvé s’était cristallisé sur les pensions des milliers de militaires et fonctionnaires sudistes limogés après la tentative de sécession de 1994. La contestation n’a cessé de grandir, alimentée par les difficultés sociales. Depuis le début de l’année, les manifestations se sont succédé, rassemblant ainsi en mars près d’un demi-million de personnes. Le pouvoir a répliqué par la manière forte. En réprimant dans le sang les manifestations et en imposant un black-out à la presse écrite ou électronique.

Renforçant les critiques au lieu de les faire taire, cette politique a montré ses limites, contraignant le président Saleh à limoger certains responsables locaux des forces armés et à appeler au dialogue à l’occasion des festivités organisées dans la capitale yéménite, le 21 mai, pour le 19e anniversaire du Yémen unifié. Le président Saleh dénonce les agissements de "hors-la-loi" à l’origine, selon lui, des troubles du Sud. En dépit des critiques suscitées par le report des élections législatives prévues en mars et renvoyées à 2011, le président du Yémen continue de bénéficier du soutien, vital pour son régime, des Etats-Unis et de l’Union européenne.

Gilles Paris