11/08/09 (B511) Le Journal de la Flibuste. (3 articles en Français)

___________________________ 3 – Nord-Eclair

Piraterie en Somalie : les experts inquiets

Malgré une surveillance accrue des eaux, les pirates somaliens se sont emparés de plus de 130 navires en 2008, soit 200 % de plus qu’en 2007. Pour les experts internationaux, la piraterie en Somalie risque de perdurer faute de volonté ou de possibilité d’intervenir à terre contre les pirates, car c’est à partir du continent que naît ce banditisme.

Multiplier les patrouilles de navires de guerres au large, les escortes armées à bord des bateaux de commerce ou modifier les routes maritimes ne fera que déplacer le problème sans le régler, car c’est dans les provinces somaliennes que se trouvent ses racines, estiment des experts de la piraterie.

Pour Anna Gilmour, spécialiste du crime organisé à la Jane’s Intelligence Review de Londres, « une approche basée uniquement sur ce qui se passe en mer ne réglera par le problème. Elle pourra simplement le masquer pendant un certain temps. Pour faire vraiment reculer la piraterie, il faut s’y attaquer à terre. »

Malgré la présence d’une armada internationale au large de la Somalie, les pirates somaliens se sont emparés de plus de 130 navires marchands l’an passé, une hausse de plus de 200 % par rapport à 2007, d’après le Bureau maritime international.

Ils détiennent actuellement au moins onze bateaux et quelque 200 marins, dont la garde, la surveillance et le ravitaillement ont donné naissance à une petite industrie locale, qui fait vivre, grâce aux millions de dollars de rançons versés par les armateurs, des milliers de personnes dans des régions où aucun autre emploi n’existe.

Réuni en juin à Rome, le Groupe de contact international sur la Somalie (GCI) a demandé à la communauté internationale de combattre la piraterie en « s’attaquant d’abord à ses racines », que sont la pauvreté et une quasi-absence de gouvernement.

Créer des emplois

« Nous sommes tous d’accord pour estimer que les racines de la piraterie sont à rechercher à terre : dans la pauvreté, l’absence de contrôles et le manque d’un gouvernement capable de contrôler la situation », a déclaré le président du GCI, le Mauritanien Ahmedou Ould-Abdallah.

Pour Rashid Abdi, spécialiste de la Corne de l’Afrique au centre de réflexion International crisis group (ICG), il faudrait « une aide internationale pour permettre au gouvernement du Puntland de démanteler les groupes de pirates.

Mais il n’y a pas de solution miracle » , ajoute-t-il depuis Nairobi où il est basé : «
Cela implique de créer des emplois pour les jeunes, d’améliorer l’économie, d’aider les communautés de pêcheurs pour leur permettre à nouveau de vivre de la pêche.

» Ce qui est certain, estime David Hartwell, spécialiste de la région au Jane’s, c’est qu’il ne faut pas compter sur une intervention militaire extérieure d’envergure.

« Il y a un certain nombre de facteurs qui expliquent cette réticence internationale à s’impliquer en Somalie, dit-il. Regardez les problèmes qu’éprouve l’Union africaine à lever assez de troupes pour intervenir : ils devaient être 8 000, et deux ans plus tard il n’y a que 4 000 hommes, d’Ouganda et du Burundi ».

Quant aux pays occidentaux, il estime que « la référence reste le fiasco de l’opération Restore Hope en 1992. Au cours des dernières semaines, ils ont accru leur assistance au gouvernement somalien de transition, par des livraisons d’armes et de la logistique, mais les possibilités de déploiement militaire sont tellement éloignées qu’elles sont inexistantes »

___________________________ 2 – Armées.com

Le retour des pirates

On les a appelés successivement flibustiers, boucaniers, ou tout simplement pirates. Ils ont sévi pendant des siècles sur toutes les mers du globe : Jules César lui-même fut capturé au large de l’Asie mineure en 75 avant notre ère, puis libéré contre rançon, et Pompée se rendit célèbre en nettoyant la Méditerranée des pirates siciliens.

Par Michel Tatu www.frstrategie.org
Avec l’aimable autorisation de Camille GRAND Directeur Fondation pour la recherche stratégique 27, rue Damesme 5013 Paris – FRANCE

Or les voici de retour, au moins dans certaines mers et avec des moyens modernes : un record historique a été battu à la mi novembre avec la capture du pétrolier Sirius Star, un géant des mers (318.000 tonnes, 330 mètres de long), lancé quelques mois plus tôt pour le compte d’Aramco, et qui était chargé de 2 millions de barils de brut – un tiers de la production quoditienne de l’Arabie saoudite.

Fait significatif, le pétrolier a été pris d’assaut par des vedettes lourdement armées embarquées à bord d’un « navire amiral » qui les avait acheminées jusqu’à 450 mille des côtes en haute mer, au sud-est du port kenyan de Mombassa.

Auparavant, le 25 septembre, d’autres pirates avaient pris en otage le cargo ukrainien Faina, chargé d’armes, dont 33 chars de fabrication russe. Compte tenu de l’importance de cette cargaison, la marine américaine s’est chargée d’encadrer le batiment qui reste détenu au large du port somalien d’Obbio. Elle a pour cela dégarni sa « task force » antiterroriste qui croise depuis longtemps dans le golfe d’Aden et la mer d’Oman.

Signe de désordre international, le piratage maritime est resté pratiquement inconnu pendant les années de guerre froide ; il le reste encore aujourd’hui dans les zones « policées », telles que l’Atlantique nord et la Méditerranée occidentale, où l’on ne relate que deux incidents : un yacht cambriolé dans le port de Porto Novo en Corse en août dernier, une tentative du même genre – mais déjouée – à Liverpool l’année précédente.

Même en Asie, les mesures de protection prises à partir de 2005 par les Etats riverains du détroit de Malacca (où transite 30% du commerce mondial, dont 9,5 millions de baril de brut chaque jour) ont conduit à une forte baisse des actes de piraterie dans cette zone, et il en va de même autour de Singapour.

Seul le Bangladesh reste considéré comme une zone à risque, avec de nombreuses attaques dans la rade de Chittagong et ses approches.

C’est en tous cas dans les zones de non droit que la piraterie s’est développée le plus fortement ces derniers mois, essentiellement dans le golfe d’Aden et au large de la Somalie, en proie depuis dix-sept ans à une guerre civile et sans gouvernement central digne de ce nom.

Plus de 90 navires y ont fait l’objet d’attaques en 2008 : ce n’est qu’une petite partie des 20.000 à 30.000 batiments qui transitent dans la région chaque année, mais tout de même le double des incidents signalés l’année précédente. En outre, l’escalade a été géographique en même temps que technique.

La piraterie sévit maintenant non plus seulement dans les ports ou contre des navires au mouillage dans une rade – le cas encore le plus fréquent – mais dans une zone beaucoup plus large et avec des moyens plus importants.

Sur les actes commis en 2008, 36, soit plus d’un tiers, se sont traduits par la capture des navires et leur immobilisation pendant de longues périodes, des demandes de rançon et, le plus souvent, l’impunité pour les pirates. La France est un des rares pays à en avoir capturé, d’abord les coupables du rapt du voilier Ponant en avril dernier, puis une dizaine d’autres pirates en septembre.

A la différence de la piraterie aérienne, la piraterie maritime n’est ni politique ni idéologique.

Certes les islamistes y ont eu recours parfois (comme au Yemen, avec l’attentat contre un navire de guerre américain), mais elle est essentiellement le fait de pirates « à l’ancienne » mus par le seul appât du gain. Elle est aussi moins meurtrière : les équipages finissent par être libérés après des délais variables (quelques semaines ou quelques mois), le plus souvent contre rançons versées plus ou moins discrètement, mais sans problème majeur : les cargaisons des navires piratés représentent pour l’armateur et le propriétaire une valeur importante, et l’immobilisation des bâtiments un coût très supérieur à la somme demandée.

Cela constitue un stimulant pour les malfaiteurs, mais en même temps ce type de piraterie est relativement plus facile à combattre. Elle n’est soutenue par aucun gouvernement de par le monde, pas même par les « autorités » fantomatiques de Somalie. Pour peu qu’un navire de guerre d’un quelconque pays soit dans les parages et menace d’intervenir, les pirates n’insistent pas et disparaissent, comme cela s’est produit à diverses reprises ces dernières semaines.

Encore faut-il que les marines nationales y mettent les moyens.

C’est le cas pour l’Europe, qui, après le lancement par l’Otan de l’opération Allied Provider (trois navires italien, grec et britannique), vient de mettre en route au large de la Corne de l’Afrique l’opération Eunavfor Atalanta, forte de sept batiments avec l’appui d’avions de patrouille aérienne.

L’Allemagne, le Royaume Uni, l’Espagne et la France (déjà présente dans la région avec sa base de Djibouti) vont y participer, officiellement pour escorter les navires du Programme alimentaire mondial (PAM) à destination de la Somalie, en fait aussi pour prévenir tout acte de piraterie en général.

Il s’agit là d’une première à plusieurs égards : d’abord par les délais record de mise en route (la force doit être opérationnelle début décembre), ensuite par la participation de la Grande Bretagne à une opération menée dans le cadre de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD), laquelle n’avait donné lieu jusqu’ici qu’à des opérations terrestres. C’est d’ailleurs l’amiral britannique Philip Jones qui en prendra le commandement à partir de sa base de Northwood, le commandement tactique étant confié à un officiel espagnol.

D’autres Etats se sont déclarés disposés à lutter contre la piraterie maritime, et il est à prévoir que cette menace ira en diminuant au fur et à mesure des précautions prises, comme cela a été fait, à un coût bien supérieur, pour la menace terroriste, au moins en Europe et en Amérique du nord. Jusqu’à l’apparition d’autres menaces et d’autres défis…

___________________________ 1 – EuroInvestor avec Reuters

Somalie – Le navire italien Buccaneer libéré contre rançon ?

Les pirates somaliens affirment avoir reçu une rançon de quatre millions de dollars pour laisser repartir dimanche le remorqueur italien Buccaneer, qu’ils avaient capturé en avril dans le golfe d’Aden avec ses 16 membres d’équipage.

"Nous avons pris la rançon de quatre millions de dollars et nous avons laissé repartir le remorqueur italien. Il est déjà parti", a déclaré lundi à Reuters l’un des pirates, nommé Aden.

Andrew Mwangura, coordinateur du Programme d’assistance aux marins en Afrique de l’Est (EASAP), a évoqué, lui, une rançon de cinq millions de dollars.

Le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, a déclaré dimanche soir que la libération du remorqueur était le résultat du "travail exceptionnel" des autorités somaliennes et des services de renseignement italiens.

Le Buccaneer avait été capturé le 11 avril et détourné vers le village de pêcheurs de Las Qoray, à la frontière entre la région semi-autonome du Puntland et la région sécessionniste du Somaliland.

Son équipage est composé de dix Italiens, cinq Roumains et un Croate.

Le navire est en route pour Djibouti sous l’escorte de bâtiments militaires, a déclaré Silvio Bartolotti, un responsable de la société propriétaire, Micoperi Marine Contractors. Il a affirmé qu’aucune rançon n’avait été versée pour obtenir cette libération.

(Abdiqani Hassan et Duncan Miriri,
version française Guy Kerivel)