30/08/09 (B514) Yémen Express (1 article en Français)

_______________________________ 1 – L’Express avec Reuters

La tentative d’attentat sur un membre de la famille royale saoudienne jeudi laisse penser que le réseau d’Al Qaïda souhaite faire du Yémen sa nouvelle base arrière dans la région.

Le prince saoudien Mohamed ben Nayef, haut responsable de la sécurité en Arabie saoudite, qui a échappé à une attaque perpétrée jeudi par Al Qaïda. La tentative d’attentat sur ce membre de la famille royale saoudienne laisse penser que le réseau d’Al Qaïda souhaite faire du Yémen sa nouvelle base arrière dans la région. (Reuters/Agence de presse saoudienne/Handout)

Al Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), fusion des branches yéménite et saoudienne d’Al Qaïda, s’est installé au Yémen, chassé par la lutte antiterroriste du gouvernement saoudien, et Washington craint que le groupe islamiste n’en fasse un nouvel Afghanistan.

La discrétion d’Al Qaïda dans la région depuis le début de l’année était en fait consacrée à sa consolidation et à la préparation d’attaques et AQPA, en s’attaquant directement à la famille royale d’Arabie saoudite, a voulu montrer de quoi il était capable, estiment les analystes.

L’attaque contre le prince Mohamed ben Nayef, haut responsable de la sécurité en Arabie saoudite, était la première visant un membre de la famille royale depuis qu’Al Qaïda a déclenché en 2003 une campagne de violences contre la monarchie.

La seule victime de l’attaque a été le kamikaze, un activiste recherché par les autorités qui insistait pour rencontrer le prince afin de lui annoncer sa reddition.

« Si elle avait réussi, cela aurait été une victoire incroyablement significative dans la propagande d’Al Qaïda dans la péninsule arabique », dit Christopher Boucek, associé du Programme Carnegie pour le Moyen-Orient.

REFUGE

AQPA est dirigé par un Yéménite, Nasser al Wahayshi, mais a nommé comme commandants deux Saoudiens libérés du camp de détention américain de Guantanamo et passés par le programme de réhabilitation des anciens islamistes en Arabie Saoudite.

Même si l’un d’entre eux s’est rendu ensuite aux autorités, cela a constitué un revers considérable pour ce programme souvent cité en exemple et dont la monarchie saoudienne dit que les succès sont plus nombreux que les échecs.

Pour Christopher Boucek, ce programme mis sur pied par le prince Mohammed n’aurait servi à rien sans la chasse intensive de rebelles islamistes à mettre au crédit de l’Arabie Saoudite.

« Toutes ces mesures souples de l’antiterrorisme n’ont été possibles que parce qu’il y a eu des victoires sur le plan sécuritaire auparavant. Cet (attentat) ne va que revigorer ceux qui mènent cette lutte sécuritaire », dit-il.

Au début du mois, les autorités saoudiennes ont annoncé l’arrestation de 44 rebelles et la saisie d’explosifs, de détonateurs et d’armes.

Ryad craint qu’Al Qaïda, considérablement fragilisé sur son territoire, n’aie trouvé refuge dans les régions recluses du Yémen, dont les forces de sécurité sont déjà mobilisées par les révoltes tribales au nord et les violences séparatistes au sud.

« On ne peut pas dire avec certitude s’il y a un lien direct entre le Yémen et l’attaque contre le prince Mohamed mais les problèmes de sécurité au Yémen vont affecter la région », dit Christopher Boucek.

Les inquiétudes saoudiennes sont largement partagées par les Etats-Unis, qui doutent de la capacité de Sanaa à gérer le retour des prisonniers de Guantanamo.

« Nous craignons que le Yémen ne devienne un abri sûr pour Al Qaïda », a dit la conseillère antiterroriste du secrétariat d’Etat américain, Shari Villarosa, lors d’une conférence organisée par Carnegie en juillet dernier.

« Le Yémen collabore vraiment avec les Etats-Unis à améliorer son arsenal juridique antiterroriste mais il y a encore beaucoup de progrès à faire », a-t-elle ajouté.

« NOUVEL AFGHANISTAN »

La Maison Blanche s’attache à empêcher que le Yémen ne « devienne un nouvel Afghanistan », selon Shari Villarosa, qui constate que l’instabilité au Yémen nourrit le chaos en Somalie.

« Juste derrière le duo Afghanistan-Pakistan, la Somalie et le Yémen sont nos deux objets d’inquiétude majeurs en ce qui concerne l’antiterrorisme », a-t-elle dit.

Sanaa s’est engagé dans la lutte antiterroriste aux côtés des Etats-Unis après le 11 septembre 2001 mais a été embarrassé lorsque le Pentagone a révélé qu’une attaque de drone avait tué le chef local d’Al Qaïda sur son territoire en 2002.

Le chef de la diplomatie yéménite Aboubaki al Qirbi a dit à Reuters au début du mois que ses ressources pour combattre Al Qaïda étaient limitées et a prié les Etats-Unis de partager davantage de renseignements.

Le gouvernement yéménite ne semble pas prendre au sérieux la menace d’AQPA et accuse les médias et ambassades occidentales de l’exagérer.

« Leur refus de reconnaître qu’Al Qaida est un problème local, qui ne soit pas importé d’Irak ou d’Afghanistan ou créé par les Américains, est surprenant », dit Gregory Johnsen, spécialiste du Yémen à Carnegie.

La pauvreté et la corruption font du Yémen un paradis pour les recruteurs d’Al Qaïda. La terre natale du père d’Oussama ben Laden compte 23 millions d’habitants dont deux-tiers de moins de 24 ans.

« Les messages idéologiques d’Al Qaïda trouvent très peu d’écho ici mais on peut radicaliser les gens en faisant appel à leur sens de l’injustice », dit un diplomate occidental à Sanaa.