07/11/09 (B524) Nouvelles de Somalie (4 articles en Français)

___________________ 4 – AEUD

Somalie : un homme lapidé à mort pour adultère

En Somalie, un homme de 33 ans a été lapidé à mort pour avoir commis un supposé crime d’adultère.

Selon ce que rapporte BBC News vendredi, Abas Hussein Abdirahman a en effet été lapidé par des membre d’un groupe islamiste devant 300 personnes rassemblées dans la ville de Merka, au sud du pays. Un témoin soutient que l’homme a été atteint de nombreuses pierres et saignait abondamment avant d’arrêter de bouger après plusieurs minutes de ce supplice.

La petite amie de l’homme, enceinte, doit être épargnée jusqu’à ce qu’elle donne naissance à son enfant. Selon un représentant du groupe al-Shabab, dont les propos sont rapportés la BBC, elle devra aussi être tuée suite à son accouchement.

Le président de la République de Somalie Sheikh Sharif Sheikh Ahmed, dont le gouvernement ne contrôle qu’une partie du pays, soutient que ce genre d’action et des groupes comme al-Shabab salissent l’image de l’Islam. Le président est un islamiste modéré qui est en poste depuis la fin de janvier 2009.

___________________ 3 – AFP

Somalie: les shebab imposent de nouvelles conditions drastiques aux ONG

Les insurgés islamistes shebab ont rendu public une nouvelle réglementation imposant des conditions drastiques aux organisations humanitaires travaillant dans les zones sous leur contrôle dans le centre-sud de la Somalie, comme licencier tout leur personnel féminin.

Obtenu vendredi par l’AFP, ce document, rédigé par les autorités shebab de la région de Bay et Bakol (centre-sud), a été transmis jeudi aux représentants des ONG nationales et internationales opérant sur place.

Il exige en particulier de toutes les organisations humanitaires qu’elles se séparent d’ici trois mois de leurs employés femmes et que ces dernières soient remplacées par des hommes, sauf dans les hôpitaux et les centres de santé.

Les ONG doivent « prendre leur distance avec tout ce qui est susceptible de d’interférer avec la religion islamique », comme « prêcher des valeurs chrétiennes, promouvoir le sécularisme, la démocratie, et toute valeur opposée aux enseignements de l’Islam ».

Il leur est strictement interdit « d’importer de l’alcool, tout type de films, de promouvoir l’adultère ou d’appuyer la création d’associations de femmes ».

Les samedi et dimanche ne pourront pas être considérés comme des jours de repos hebdomadaire. Les célébrations de fêtes nationales étrangères, de Noël, du jour de l’an, ou par exemple des « journées de la femme » ou « de la lutte contre le sida » sont également proscrites.

Les ONG, qui ne doivent plus arborer leurs habituels logos et drapeaux, doivent également s’abstenir de distribuer de l’aide alimentaire « quand les agriculteurs sont en train de faire leurs récoltes ».

Enfin, chaque organisation humanitaire devra s’acquitter d’une somme de 20.000 dollars (13.400 euros) tous les six mois pour « s’accréditer auprès des autorités » régionales de Bay et Bakol, ainsi que « pour des raisons de sécurité ».

Interrogées par l’AFP, plusieurs ONG ont confirmé avoir reçu ce document, frappé du logo officiel des shebab.

Des responsables islamistes s’exprimant sous couvert d’anonymat ont confirmé son authenticité, mais précisé cependant qu’il pourrait être amendé, certains leaders shebab le jugeant trop sévère.

___________________ 2 – Bivouac avec Reuters

Corânerie du jour : en Somalie, les sonneries téléphoniques musicales doivent être remplacées par la voix d’un imam.

Les sonneries musicales doivent être remplacées par la voix d’un imam. Ce qui pose un dilemme : comment répondre à un appel sur son téléphone alors qu’il est interdit d’interrompre la lecture d’un hadith ? Décidément, on peut toujours compter sur les adeptes d’Allah pour repousser les limites de la corânerie.

NAIROBI (Reuters) – Sacdiyo Sheeq adorait écouter les chansons des films de Bollywood sur son téléphone portable.

Mais depuis que les rebelles radicaux des Shebab ont pris le contrôle du port de Kismayu dans le sud de la Somalie, la vie de la jeune femme de 25 ans a changé.

« Les Shebab veulent que les sonneries des téléphones soient remplacées par la voix d’un imam lisant un hadith ou un verset coranique. », explique-t-elle à Reuters.

« J’écoutais mes chansons indiennes préférées sur mon téléphone portable, mais je viens de supprimer tout cela de sa mémoire. »

« Nous ne tolérons rien qui puisse corrompre les gens » déclare à Reuters le porte-parole des Shebab à Kismayu, le cheikh Hassan Yaqub. « Nous ne permettons rien qui aille à l’encontre de notre religion, plus particulièrement ce qui a trait à la musique et aux vidéos sexys »

Ali Mahamud Yusuf, 19 ans, a fui son domicile de Kismayu après s’être fait fouetter en public la semaine dernière par des hommes armés des Shebab qui l’avaient surpris en train d’écouter de la musique et de regarder des vidéos sur son téléphone.

« Je souffre toujours des 25 coups de fouet », explique Yusuf. « Ils m’ont accusé de rejeter la religion. Je ne veux pas vous dire où je me trouve pour des questions de sécurité. Je suis effrayé. »

Selon les habitants de Kismayu, les dernières règles des rebelles sur les sonneries de téléphone portable posent un autre dilemme encore. Étant donné que les fidèles ne sont pas censés interrompre la lecture d’un hadith (paroles ou actes du prophète Mahomet), comment sont-ils censés faire pour répondre à un appel téléphonique ?

__________________________ 1 – Magharebia

L’instabilité en Somalie inquiète ses voisins du Maghreb

Alors que les groupes radicaux en Somalie gagnent en importance, le Maghreb s’interroge sur la manière d’empêcher les jeunes d’embrasser des idéologies extrémistes.

Safa Salah Eddine à Alger, Siham Ali à Rabat, Jamel Arfaoui à Tunis et Mohamed Wedoud à Nouakchott ont contribué à cet article

Les spécialistes de la sécurité au Maghreb sont inquiets de la récente flambée de violence en Somalie. Face à la croissance du fondamentalisme qui menace les droits des femmes et des minorités religieuses dans ce pays, les associations de la société civile du Maghreb prennent des mesures pour empêcher une propagation des idéologies extrémistes dans la région.

Le guide libyen Moammar Kadhafi a qualifié l’instabilité en Somalie de « critique » lors du récent sommet de l’Union africaine en août. S’exprimant lors des cérémonies d’ouverture, il avait souligné « la nécessité de résoudre les conflits qui existent entre les nations soeurs africaines, car ils constituent une menace pour la paix et la sécurité mondiale ».

Une vidéo publiée par le groupe milicien radical Al-Shabab à l’occasion de l’aïd al-Fitr montre un serment d’allégeance à Oussama ben Laden. Ces dernières semaines, Al-Shabab s’est est pris aux femmes dans les villes de Somalie, y compris par la fermeture, le lundi 1er novembre, de trois associations féministes dans la ville de Balad Hawa, à la frontière kenyane. Selon l’agence Reuters, ces organisations sont l’Organisation des femmes d’affaires Halgan, l’Organisation Sed Huro pour les droits de l’Homme, et l’association Femmes de Farhan pour la paix.

Les femmes musulmanes dans les zones de Mogadiscio contrôlées par la milice ont été contraintes par des membres d’Al-Shabab de porter des bas pour couvrir leurs pieds, et de retirer leurs soutien-gorges, que ce groupe juge destinés à séduire les hommes. De plus, les hommes de ces quartiers ont été invités à ne pas se raser la barbe. Les contrevenants risquent la détention et le fouet.

Pour les femmes, choisir de sortir sans un voile peut même signifier la mort ; cela est particulièrement vrai parmi la faible population de Somaliens non musulmans.

De nombreux habitants du Maghreb ont été profondément choqués par les récents événements survenus en Somalie.

Le journaliste Abdelaziz Dahmani de Jeune Afrique a décrit ce pays comme vivant dans le chaos complet en l’absence d’un gouvernement stable. « A la place, la Somalie est gouvernée par une multitude d’autorités et de responsables aux niveaux local et régional », écrit-il.

Il suggère que les régimes arabes interviennent. « Nous sommes face à un immobilisme dans plusieurs pays arabes mieux organisés, qui ne font rien », explique-t-il.

« Je ne sais pas pourquoi le monde arabe n’exporte rien d’autre que des nouvelles de meurtres et de massacres », déclare Bouchra Belhaj Hmida, avocate et ancienne présidente de l’Association des femmes démocratiques de Tunisie.

« Notre image est une image de honte dans le monde », poursuit-elle. « Nous donnons l’impression d’avoir été privés de notre humanisme. Cela est dû aux actes commis par certains groupes religieux qui ont leur propre interprétation de la religion, et qui ont reçu l’attention des médias dans notre région. Ces groupes s’attirent un soutien populaire important parce qu’ils basent leurs discours sur le Coran. »

Elle met en garde contre ce qu’elle qualifie de danger imminent. « Le phénomène frappe à la porte de tous les pays, y compris de ceux qui pensent être protégés contre l’extrémisme religieux », explique-t-elle. « Ils ne doivent pas se considérer à l’abri – même s’ils disposent de législations progressistes – parce que le risque de tomber dans le jeu de la religion et de ne pas la distinguer du discours officiel de l’Etat et de ses pratiques a des conséquences fatales. »

« Ce qui se passe en Somalie est l’exemple de ce qui peut se produire partout où les facteurs de l’extrémisme religieux, du despotisme politique, du retard économique, de l’analphabétisme et du colonialisme se combinent », explique Sami Ibrahim, un spécialiste des groupes politiques islamiques.

Pour la journaliste Faten Ghanmi, les gouvernements du Maghreb doivent faire plus pour sensibiliser les jeunes de la région aux dangers de l’extrémisme. « Le Maghreb n’est pas protégé à cent pour cent contre ce phénomène… lutter contre les idées empoisonnées nécessite d’instiller des idées contraires chez nos enfants ».

La façon d’y parvenir, suggère-t-elle, consiste à « instiller les valeurs d’humanité en général, et les valeurs prêchées par le véritable Islam ».

Une approche intégrée impliquant les groupes de la société civile et les institutions d’enseignement est nécessaire pour donner aux jeunes les outils dont ils ont besoin pour combattre l’extrémisme, explique-t-elle. « Le fondamentalisme a trouvé un terreau fertile sur lequel croître, nous devons protéger ce terreau et l’immuniser contre toute idéologie extrémiste. »

Le professeur mauritanien d’études islamiques Alda Ould Mohammed s’interroge sur l’identité religieuse de ces groupes miliciens somaliens. « J’ai été personnellement choqué par l’exécution d’Amina Mous Ali [une Chrétienne tuée à Galkayo pour avoir refusé de porter le voile] en Somalie », explique-t-il. « Je n’imaginais pas que certaines parties de notre monde musulman puissent être aussi noires. Je crains que ce type d’idées religieuses destructrices ne parvienne à d’autres pays musulmans. Je ne sais pas de quelle ‘charia’ parlent ces groupes en Somalie, ni à quelle religion ils croient. »

L’Imam Mohammed Al Moustafa Ould Ali, de la mosquée Al Hoda en Mauritanie, a également réagi à l’exécution d’Amina Mous Ali. « J’ai entendu dans les médias l’exécution d’Amina en Somalie le mois dernier par ceux qui se baptisent eux-mêmes ‘Jamat Al Sunna wal Jamaa’. J’ai été atterré par cet acte odieux qui ternit l’image de l’Islam… Je suis abasourdi par ceux qui se qualifient de Musulmans et exécutent de sang froid une personne innocente. »

Son compatriote prêcheur Al Mukhtar Ould Ahmed a expliqué à Magharebia que « l’ignorance de la religion et le manque de compréhension de la réalité sont deux causes à ces massacres au nom de la religion ».

« Le véritable Islam est fondé sur un principe, » poursuit-il. « La religion n’a rien d’obligatoire, chacun est libre de choisir ses propres croyances… Le terrorisme et le meurtre au nom de la religion n’ont donc aucune justification. »