08/12/09 (B528) Le Journal de la Flibuste (2 articles en Français)

______________________ 2 – Le Point

L’armateur français CMA-CGM étudie l’embarquement de gardes armés à bord de ses cargos

Par Jean Guisnel

L’armateur français CMA-CGM, troisième transporteur mondial de containers, étudie actuellement l’embarquement à bord de ses navires d’hommes en armes fournis par des sociétés militaires privées. Pierre de Saqui de Sannes, conseiller institutionnel France, Afrique et Moyen-Orient chez CMA-CGM, l’a annoncé ce matin lors du colloque La piraterie : menace stratégique ou épiphénomène ? , organisé à Paris par la FRS (Fondation pour la recherche stratégique).

Au cours de son intervention, M. de Saqui de Sannes a estimé que les risques pris par les porte-containers de la compagnie de navigation lorsqu’ils traversent le golfe d’Aden ou s’approchent des côtes africaines deviennent trop importants. Il a notamment précisé que les conseils de sécurité donnés par la marine nationale, consistant à faire traverser le golfe d’Aden à pleine vitesse par les cargos, représentaient pour chacun d’entre eux une consommation supplémentaire de 60 tonnes de fuel par voyage, soit 20 millions de dollars annuels pour la CMA-CGM.

Les primes de risque versées aux équipages s’élèvent à 3.500 dollars par voyage.

La route de contournement imposée pour se rendre dans les ports d’Afrique de l’Est (Seychelles, Kenya et Tanzanie) représente un surcoût de 5 millions de dollars par an et les primes d’assurances pour le golfe d’Aden s’élèvent à 0,5 % de la valeur du navire pour chaque voyage. Or la compagnie y passe 720 fois par an… Et l’orateur de préciser : "Oui, nous affectons une surcharge piraterie à nos clients. Mais ce qu’ils regardent, c’est le chiffre en bas à droite de la facture…"

Pour l’ancien général, la solution existe. Elle consiste à "se tourner vers des sociétés de sécurité privées, labellisées par les autorités françaises, dont les compétences seraient vérifiées chaque année". Et de citer les personnels des fusiliers marins ou de la gendarmerie partis en retraite, qui feraient d’excellentes sentinelles à bord des navires. Pour Pierre de Saqui de Sannes, adepte du parler vrai, "les Espagnols le font sur leurs thoniers, les Américains aussi, pourquoi pas nous ?

Soit on fait comme eux, soit on quitte la zone…" On sait que la marine nationale française a accepté d’embarquer sur les thoniers bretons opérant dans l’océan Indien des EPE (équipes de protection embarquées), dont les frais sont pris en charge par les armateurs. CMA-CGM sait que les moyens de la marine ne suffiraient pas à protéger ses bateaux, et ne voit pas pourquoi la France s’interdirait sa solution, dès lors qu’elle reposerait à 95 % sur d’anciens cadres des armées. "Bien formés, ils ont porté des armes toute leur vie, ce ne sont pas des fous furieux." Il a toutefois précisé que ses réflexions engagées avec plusieurs entreprises privées n’avaient pas encore abouti et que leurs conclusions seraient présentées à l’armateur Jacques Saadé, qui tranchera.

Avis "défavorable" du gouvernement

Les sociétés militaires privées sont interdites en France et le Premier ministre François Fillon, tout comme le ministre des Transports Dominique Bussereau auraient fait valoir à CMA-CGM leur "avis défavorable" à cette initiative. En fait, CMA-CGM exploite ses navires sous plusieurs pavillons, et c’est l’État de chacun de ces pavillons qui est maître de la décision. Pour que la France change d’avis, le représentant de l’armateur fait valoir : "On ne cherchera pas le contact avec les pirates.

Il ne s’agit que de légitime défense. Le retour d’expérience des EPE, c’est que les assaillants vont voir ailleurs quand ils constatent qu’ils s’attaquent à un bateau avec des hommes armés." À l’état-major des armées, on fait valoir qu’aucune attaque ne s’est produite dans le golfe d’Aden depuis juillet 2009 et que pour l’ensemble de la zone océan Indien, le taux de "succès" des pirates a baissé de moitié en un an, passant de 30 % d’attaques suivies d’un arraisonnement, à moins de 15 %.

Pierre de Saqui de Sannes, saint-cyrien (promotion "de Linare", 1972) est général de division (2S) issu des troupes de marine. Il a terminé sa carrière au poste de gouverneur militaire de Marseille, où il avait été nommé en août 2005, après avoir été (entre autres) commandant supérieur des forces armées de la Nouvelle-Calédonie, chef de la brigade nord de la force multinationale de paix au Kosovo (KFOR) et chef de corps du 5e régiment interarmes d’outre-mer de Djibouti, déployé en Somalie en 1993 lors de l’opération Oryx.

_____________________ 1 – Marine marchande avec AFP

Seychelles: arrestation de onze pirates somaliens par les gardes-côtes

Onze pirates somaliens présumés ont été arrêtés dimanche soir au large des Seychelles par les gardes-côtes de l’archipel, a annoncé lundi dans un communiqué le gouvernement seychellois.

Les onze suspects ont été interpellés "en possession de diverses armes et munitions" vers 19H45 (15H45 GMT) à 225 nautiques (405 km) au nord-ouest de Mahé, indique ce communiqué, qui cite le ministre de l’Environnement et des transports, Joel Morgan, également président du Haut comité de lutte contre la piraterie.

Suite à une information communiquée par un avion de surveillance de l’opération européenne anti-piraterie Atalante, le "Topaz", navire des gardes-côtes seychellois, "a été dépêché sur zone" et a "détecté plusieurs skiffs suspects approchant à vive allure".

"Peu de temps après, le Topaz a été victime de tir d’intimidation de la part des pirates qui se sont trompés de cible", poursuit le communiqué.

"Les gardes-côtes ont alors répliqué et mis hors d’état de nuire les 11 présumés pirates", ajoute le texte, précisant que l’"incident n’a occasionné aucun blessé".

Le Topaz "sera de retour mardi à Port Victoria, où les pirates seront alors poursuivis" par la justice, a ajouté le gouvernement. "Le fait d’avoir capturé les pirates en flagrant délit avec des armes devrait améliorer considérablement le traitement judicaire de cette opération".

Selon le ministre Morgan, "les opérations militaires entreprises depuis plusieurs mois portent ainsi leur fruit", même si "c’est une tache très difficile pour un petit Etat comme les Seychelles d’effectuer une permanence opérationnelle à la mer 24H/24 et 7jour sur 7".