11/12/09 (B528) Nouvelles de Somalie (3 articles en Français)

_______________________ 3 – JDD

Somalie: Le kamikaze du 3/12 danois ?

Le président du parlement somalien, cheikh Aden Mohamed Madobe, a déclaré vendredi que l’auteur de l’attentat suicide qui a coûté la vie à 22 personnes le 3 décembre à Mogadiscio était un ressortissant danois d’origine somalienne.

"Il est malheureux qu’un enfant dont les parents ont échappé au conflit en Somalie et l’ont élevé en Europe revienne dans son pays avec une idéologie extrémiste et se fasse exploser en tuant des innocents", a déclaré cheikh Aden Mohamed Madobe jeudi soir.

Une version démentie par le père de ce jeune homme de 26 ans. "Comme personne ne le connaissait, ils ont supposé que c’était lui le kamikaze", a déclaré Hassan Hadji au service en somali de la radio Voix de l’Amérique.

_______________________ 2 – Courrier international

La colère monte face au chaos ambiant

Les rebelles islamistes qui contrôlent déjà la majeure partie du pays prennent désormais la population civile pour cible. Lassée de la violence, celle-ci n’hésite plus à descendre dans la rue pour manifester sa colère.

Quelques jours après le carnage qui a fait au moins 23 morts, le 3 décembre à Mogadiscio, désarroi et colère dominaient dans la capitale somalienne. Le massacre perpétré contre des civils a soulevé une vague d’indignation. Les insurgés islamistes sont à l’index dans une atmosphère de désordre généralisé.

Trois ministres, trois journalistes et de nombreux étudiants ont été tués par la bombe qui a explosé durant une cérémonie de remise des diplômes de fin d’études à de futurs médecins. Il s’agit d’un des pires attentats commis dans un pays qui flirte avec la violence depuis 1991.

Le président du gouvernement de transition soutenu par l’Occident, Sharif Cheikh Ahmed, en a fait porter la responsabilité à la rébellion islamiste. Mais les deux principaux groupes rebelles, les chebab présumés liés à Al Qaïda et leurs alliés du Hizb Al Islam, ont nié toute implication.

L’attentat a soulevé une vague d’indignation rarement manifestée auparavant. Les chebab s’en étaient déjà pris aux troupes éthiopiennes, qui occupaient le pays jusqu’en janvier, aux forces de maintien de la paix de l’Union africaine ou aux forces gouvernementales. Mais c’est la première fois qu’ils s’en prennent aux civils. Les chebab prônent un retour à la religion sous une forme particulièrement rigoureuse en rupture avec la tradition somalienne de tolérance.

La lutte courageuse contre les Ethiopiens et leur capacité à maintenir la loi et l’ordre leur avaient assuré un certain respect au sein de la population. Mais depuis l’attentat, la colère est généralisée. Elle ne se limite pas à la capitale. Vendredi dernier, plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans les rues de Dhusamareb, ville située à 500 kilomètres de Mogadiscio, pour condamner l’attaque.

Dans une Somalie qui sombre dans le chaos, le gouvernement en place ne contrôle qu’un quartier autour de la Présidence.

Le reste du pays est véritablement aux mains des islamistes et des pirates du golfe d’Aden. Mutilé, martyrisé, le pays sombre dans l’horreur et le chaos absolus. L’attentat suicide a frappé le coeur de ce qu’il reste d’autorité à un pouvoir factice, dans une ville qui n’a de capitale que le nom.

Les faits : lors d’une cérémonie officielle de remise de diplômes, le terroriste, un activiste, a déclenché la ceinture d’explosifs qu’il portait, provoquant la mort de 19 personnes, en majorité des étudiants, ainsi que de trois ministres.

Le gouvernement de transition somalien vient ainsi de perdre ses ministres de l’Education, de l’Enseignement supérieur et de la Santé. Celui des Sports figure au nombre des 60 blessés, dont certains grièvement, parmi lesquels on relève encore des journalistes. Le quatrième ministre décédera plus tard des suites de ses blessures. L’attaque d’une rare violence intervient à quelques encablures du palais présidentiel de Mogadiscio, la seule zone de quelques kilomètres carrés dans tout le pays, sur laquelle le gouvernement exerce un semblant de contrôle.

Le président cheikh Sharif Ahmed, au pouvoir depuis janvier 2009, contrôle à peine un petit quartier avec le soutien de 5 300 soldats de l’Union africaine en Somalie (Amisom). Le reste de la capitale n’est qu’un vaste coupe-gorge soumis aux milices de tout acabit : chebab, Hizb Al Islam… Le gouvernement n’a pas plus d’autorité sur le reste de ce grand pays d’Afrique. L’Union européenne, qui a fermement condamné l’attentat, envisage d’envoyer début 2010 une centaine d’instructeurs afin de former jusqu’à 2 000 soldats de la future armée gouvernementale somalienne, pour la porter à terme à 6 000 hommes.

Les membres du gouvernement sont régulièrement la cible d’attentats, en particulier des chebab qui se réclament d’Al Qaïda. Les mêmes ont revendiqué le rocambolesque enlèvement de deux membres des services spéciaux français l’été dernier. La Somalie est surtout devenue le repaire d’où partent la plupart des attaques de pirates qui écument le golfe d’Aden.

Les eaux territoriales somaliennes sont devenues un véritable danger pour la marine internationale.

20 000 bateaux croisent chaque année au large de la Corne de l’Afrique, qui voit transiter 30 % du pétrole à destination de l’Europe. Devant le risque permanent, l’Union européenne s’est résolue à lancer sa première mission navale, baptisée Atalante, et qui vient d’être reconduite pour douze mois.

Objectif : sécuriser ces eaux troubles et combattre un phénomène qui menaçait de limiter sérieusement le mouvement maritime. Depuis, les pirates n’ont pas renoncé à leurs lucratifs coups de force contre les navires qui se risquent dans la zone. La piraterie maritime est devenue une véritable marque déposée pour la Somalie. Entre ce phénomène et les chebab fondamentalistes, le peuple souffre.

Des centaines de personnes ont manifesté, le 7 décembre, dans la capitale Mogadiscio pour dénoncer la violence dantesque qui s’est emparée du pays. Le rassemblement était sans précédent dans la capitale somalienne. Les manifestants se sont regroupés dans la matinée devant l’hôtel Shamo, lieu du carnage du 3 décembre.

Les protestataires ont notamment brûlé le drapeau noir et blanc, bannière adoptée par les chebab.

"A bas les chebab", "assez de violence", ont scandé les manifestants, qui ont accusé la milice islamiste d’être responsable de ce "massacre d’innocents". Le cortège s’est arrêté quelques instants devant l’université de Banadir, à la faculté de médecine où étudiaient la plupart des victimes.

La manifestation s’est déroulée dans la petite partie de la capitale somalienne encore sous contrôle du gouvernement de transition (TFG). Un îlot assiégé par les chebab et leurs alliés locaux du Hizb Al Islam. Un tel rassemblement contre les mouvements fondamentalistes reste sans précédent dans Mogadiscio.

La dernière tuerie a choqué de nombreux Somaliens et porte la marque des habituels attentats suicides commis par les insurgés islamistes.

Les chebab se sont empressés de démentir toute implication dans le massacre. Ces derniers ont mené de nombreux attentats suicides contre les membres du TFG et la force de paix de l’Union africaine en Somalie (Amisom).

Cette dernière, déployée à Mogadiscio pour y soutenir le gouvernement, semble complètement désorientée dans le chaos généralisé qui désagrège la Somalie.

_______________________ 1 – City.dz (Algérie)

Somalie: Comment les puissances coloniales maintiennent le pays dans le chaos

La Somalie avait tout pour réussir: une situation géographique avantageuse, du pétrole, des minerais et, fait plutôt rare en Afrique, une seule religion et une seule langue pour tout le territoire. La Somalie aurait pu être une grande puissance de la région. Mais la réalité est toute différente : famine, guerres, pillages, pirates, attentats…

Comment ce pays a-t-il sombré? Pourquoi n’y a-t-il pas de gouvernement somalien depuis presque vingt ans? Quels scandales se cachent derrière ces pirates qui détournent nos navires? Dans ce nouveau chapitre de notre série « Comprendre le monde musulman », Mohamed Hassan nous explique pourquoi et comment les puissances impérialistes ont appliqué en Somalie une théorie du chaos.

Comment la piraterie s’est-elle développée en Somalie? Qui sont ces pirates?

Depuis 1990, il n’y a plus de gouvernement en Somalie. Le pays est aux mains de seigneurs de guerre. Des navires européens et asiatiques ont profité de cette situation chaotique pour pêcher le long des côtes somaliennes sans aucune licence et sans respecter des règles élémentaires. Ils n’ont pas respecté les quotas en vigueur dans leurs propres pays pour préserver les espèces et ont employé des techniques de pêche – notamment des bombes! – qui ont créé d’énormes dégâts aux richesses des mers somaliennes.

Ce n’est pas tout ! Profitant également de cette absence d’autorité politique, des compagnies européennes, avec l’aide de la mafia, ont déversé des déchets nucléaires aux larges des côtes somaliennes.

L’Europe était au courant, mais a fermé les yeux car cette solution présentait un avantage pratique et économique pour le traitement des déchets nucléaires. Or, le tsunami de 2005 a déposé une grande partie de ces déchets jusqu’aux terres somaliennes.

Et d’étranges maladies sont apparues pour la première fois au sein de la population.

Voilà le contexte dans lequel la piraterie s’est principalement développée. Les pêcheurs somaliens, qui disposent de techniques rudimentaires, n’étaient plus en mesure de travailler. Ils ont donc décidé de se protéger ainsi que leurs mers. C’est exactement ce que les Etats-Unis ont fait durant la guerre civile contre les Britanniques (1756 – 1763): ne disposant pas de forces navales, le président Georges Washington passa un accord avec des pirates pour protéger les richesses des mers américaines.

Pas d’Etat somalien depuis presque vingt ans! Comment cela est-il possible?

C’est le résultat d’une stratégie américaine. En 1990, le pays est meurtri par les conflits, la famine et les pillages, et l’Etat s’effondre. Face à une telle situation, les Etats-Unis, qui ont découvert quelques années auparavant des réserves de pétrole en Somalie, lancent l’opération Restore Hope en 1992. Pour la première fois, des Marines US interviennent en Afrique pour essayer de prendre le contrôle d’un pays. Pour la première fois aussi, une invasion militaire est déclenchée au nom de l’ingérence humanitaire.

Le fameux sac de riz exhibé sur une plage somalienne par Bernard Kouchner ?

Oui, tout le monde se souvient de ces images soigneusement mises en scène.

Mais les véritables raisons étaient stratégiques. En effet, un document du département d’Etat US préconisait que les Etats-Unis se maintiennent comme seule et unique superpuissance mondiale suite à la chute du bloc soviétique.

Pour accomplir cet objectif, il recommandait d’occuper une position hégémonique en Afrique, très riche en matières premières.

Restore Hope sera pourtant un échec. Le film hollywoodien La chute du faucon noir a marqué les esprits, avec ses pauvres G.I.’s « assaillis par de méchants rebelles somaliens »…

En effet, les soldats US seront vaincus par une résistance nationaliste somalienne. Depuis lors, la politique des Etats-Unis a été de maintenir la Somalie sans véritable gouvernement, voire de la balkaniser. La vieille stratégie britannique, d’ailleurs appliquée en de nombreux endroits : mettre en place des Etats faibles et divisés pour mieux tirer les ficelles. Voilà pourquoi il n’y a pas d’Etat somalien depuis presque vingt ans. Les Etats-Unis ont une espèce de théorie du chaos afin d’empêcher toute réconciliation somalienne et maintenir le pays divisé.

Au Soudan, suite à la guerre civile, Exxon a dû quitter le pays après y avoir découvert du pétrole. Alors, laisser la Somalie plongée dans le chaos n’est-ce pas contraire aux intérêts des Etats-Unis qui ne peuvent y exploiter le pétrole découvert?

L’exploitation du pétrole somalien n’est pas leur objectif prioritaire.

Les Etats-Unis savent que les réserves sont là et n’en ont pas besoin dans l’immédiat.

Deux éléments sont beaucoup plus importants dans leur stratégie. Tout d’abord, empêcher les compétiteurs de négocier avantageusement avec un Etat somalien riche et puissant. Vous parlez du Soudan, la comparaison est intéressante. Le pétrole que des compagnies pétrolières y ont découvert il y a trente ans, le Soudan le vend aujourd’hui aux Chinois. La même chose pourrait se produire en Somalie. Lorsqu’il était président du gouvernement de transition, Abdullah Yusuf s’était d’ailleurs rendu en Chine, bien qu’il fût soutenu par les Etats-Unis.

Les médias US avaient vivement critiqué cette visite. Le fait est que les Etats-Unis n’ont aucune garantie sur ce point : si un gouvernement somalien voit le jour demain, peu importe sa couleur politique, il pourrait très bien adopter une stratégie indépendante des Etats-Unis et commercer avec la Chine.

Les impérialistes occidentaux ne veulent donc pas d’un Etat somalien fort et uni. Le deuxième objectif poursuivi par cette théorie du chaos est lié à la situation géographique de la Somalie, qui est stratégique pour les impérialistes des Etats-Unis et de l’Europe réunis.

Lisez la suite sur le site: michelcollon.info

Article proposé par Cédric Rutter
pour Investig’Action