18/12/09 (B529) Attentat de 2002 à Karachi. Bien plus que des soupçons de corruption, une affaire d’Etat ? (Bouh Warsama)
Retrouvez l’intégralité des chroniques de Bouh Warsama : lien |
Au banquet de la grande corruption, celle à haut niveau de responsabilités, l’or vaut hélas bien plus que la foi et que le respect de la dignité humaine. |
Chronologie
- 8 mai 2002. A Karachi ville du sud du Pakistan – une voiture piégée est lancée sur un autobus transportant des ingénieurs, techniciens et ouvriers de la DCN – Direction des Constructions Navales (aujourd’hui DCNS) – faisant 14 morts dont 3 Pakistanais et 11 Français.
Tous travaillaient à la construction de sous-marins pakistanais.
Le Parquet de Paris ouvre aussitôt une enquête alors que les autorités pakistanaises accréditent immédiatement la thèse d’un attentat qui aurait été perpétré par des hommes d’Al Quaïda - 9 mai 2002. Le Premier Ministre français, Jean-Pierre Raffarin établit un lien officiel entre l’attentat de Karachi et l’engagement militaire français en Afghanistan
- 10 mai 2002. La Police pakistanaise publie les portraits robots de trois suspects susceptibles d’être impliqués dans l’organisation de l’attentat.
- 27 mai 2002. Au niveau de la Justice française, l’enquête est dirigée par deux juges antiterroristes, Marc Trevidic et Yves Jannier.
- 18 septembre 2002. Sept suspects sont arrêtés au Pakistan par les autorités locales dans les milieux islamistes.
- 15 décembre 2002. Arrestation par les autorités locales à Karachi d’un Pakistanais, Asif Zaheer, membre d’un groupe islamiste interdit dans le pays.
- 15 janvier 2003. La Police pakistanaise annonce l’arrestation de Mohammad Bashir, membre d’un autre groupe islamiste interdit.
- 30 juin 2003. Asif Zaheer et Mohammad Bashir sont condamnés à mort par un tribunal pakistanais.
- 19 juin 2009, soit 7 années après l’attentat. Un avocat français représentant les familles des disparus dans l’attentat du 8 mai 2002 à Karachi affirme devant la presse internationale que l’enquête, dirigée par les deux juges français antiterroristes, Marc Trevidic et Yves Jannier, s’oriente vers la piste d’un contentieux franco-pakistanais lié à l’arrêt du versement de commissions par la France en marge du contrat sur la vente de sous-marins.
Cet arrêt aurait visé, par le gouvernement français de Jacques Chirac, à bloquer les réseaux de financement occulte qui « alimentaient » l’association pour la réforme dirigée par M Edouard Balladur - 24 juin 2009. L’ancien ministre français de la Défense, Charles Million, déclare avoir bloqué en 1995 et à la demande du président Jacques Chirac « le versement de commissions pouvant donner lieu à des rétrocommissions ».
- 25 juin 2009. Le journal Libération révèle que la DCN – Direction des Constructions Navales avait écrit au juge d’instruction le 2 septembre 2002 pour se constituer partie civile, soutenant que l’attentat était lié au contrat des sous-marins.
- 7 octobre 2009. Création d’une mission d’information à l’Assemblée Nationale française. Elle a depuis procédé aux auditions des parties civiles, notamment de l’ancien ministre de la Défense, François Léotard, de Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet de M Balladur et de Renaud Donnedieu de Vaivres, ancien chargé de mission auprès de M Léotard.
- 14 décembre 2009. Six familles des victimes de l’attentat de Karachi ont déposé plainte pour corruption contre le club politique, Association créée en 1995 par M Edouard Balladur. Ils dénoncent un « financement politique illicite » étant à l’origine de l’attentat du 8 mai 2002.
Ces familles considèrent qu’elles ont « été trompées par l’Etat français et par plusieurs dirigeants politiques français et pakistanais de premier plan, que leurs proches ont été exposées et tués à la suite d’une sordide affaire de financement politique illicite ».
Les rapports « Nautilus », des informations explicites et qui dérangent .
Deux rapports réalisés par la DCN – Direction des Constructions Navales réalisés en septembre et novembre 2002 par un ancien de la DST – Direction de la Sécurité du Territoire Claude Thévenet, ont été saisis par les deux juges antiterroristes et financiers, Marc Trevidic et Yves Jannier, pour être versés au dossier antiterroriste en octobre 2008.
Ces deux rapports avaient divers objets dont celui d’informer la DCN sur l’état d’avancement de l’enquête.
Ils évoquent la piste de représailles pakistanaises après l’arrêt, sur ordre du président Jacques Chirac, des versements des commissions dont une partie aurait été destinée à financer la campagne de M Edouard Balladur en 1995.
Avec cet attentat « il s’agissait d’obtenir le versement de commissions non honorées et promises au réseau Al-Assir ».
Selon les rapports « Nautilus », Abdulrahman El-Assir est un intermédiaire qui avait été imposé à la DCN par Renaud Donnedieu de Vabres, à l’époque collaborateur de François Léotard, lors de la signature du Contrat des sous-marins en septembre 1994.
Un contrat juteux .
Le contrat de 5,5 milliards de Francs de l’époque (soit 840 millions d’euros) pour la vente de trois sous-marins prévoyait 10,25 % de commissions considérées à l’époque comme tout à fait légales jusqu’en 2000.
Selon l’ancien Directeur Général de la DCN, ces pratiques se sont poursuivies jusqu’en 2008.
Il est à noter que 6,25 % étaient destinés au « Working Level » (non de code de militaires pakistanais).
Le reliquat de 4% étaient destinés au « Political Level » (nom de code désignant les hommes politiques décideurs, dont M Asif Ali Zardari, depuis devenu président du Pakistan).
Ces commissions étaient versées directement par la DCN à des intermédiaires ..
Les plus hauts responsables de l’Etat français savent parfaitement que, là encore, nous sommes en présence d’une affaire d’Etat considérable qui pourrait avoir d’étranges similitudes avec l’affaire du meurtre prémédité du Juge Bernard Borrel, en octobre 1995 à Djibouti.
Au banquet de la grande corruption, celle à haut niveau de responsabilités, l’or vaut hélas bien plus que la foi et que le respect de la dignité humaine.