20/12/09 (B530) Le Journal de la Flibuste (6 articles en Français)

________________________ 6 – Le Quotidien du Québec sur Canoe

Les corsaires échappent aux lois

Jean-Luc Lavallée

L’équipage du navire de guerre portugais Alvares Cabral a intercepté six pirates somaliens à quelques dizaines de milles nautiques de la côte somalienne.

À bord du NCSM Fredericton dans le golfe d’Aden | Arrêter un pirate, c’est bien beau. Mais ensuite? Rien n’est simple. Aucun pays ne veut se commettre en raison du bourbier légal qui lui pend au bout du nez, ce qui envoie un bien mauvais signal aux criminels somaliens, relâchés après une petite tape sur les doigts.

Les Somaliens interceptés ont donc de fortes chances d’être libérés sans être accusés; comme ces 13 pirates arrêtés par le navire de guerre néerlandais Evertsen au début de décembre (voir texte ci-contre). En fait, la plupart des pirates s’en tirent sans aucune conséquence, ou presque. On leur confisque leurs armes, leurs échelles, leurs grappins et on les prive de liberté pendant quelques heures, ou quelques jours tout au plus. Ensuite, on les laisse filer parce que personne n’en veut. Et ils reviendront probablement à la charge avec du matériel neuf, financé par les rançons précédentes, et tenteront de détourner un autre bateau, sachant que s’ils se font prendre, bah…

La logique voudrait que les pirates somaliens (ou les « présumés pirates », car parfois la preuve n’est pas toujours aussi évidente) soient poursuivis… en Somalie. Mais puisque le gouvernement de transition n’a presque aucune autorité, à part sur quelques rues de la capitale, Mogadiscio, il est illusoire de penser que les criminels de ce pays de neuf millions d’habitants (où l’espérance de vie est de 48 ans) pourraient être traduits en justice.

La loi de la jungle La Somalie, c’est le chaos avec un grand C, la loi de la jungle, selon tous les experts qui y ont mis les pieds depuis les 20 dernières années. Faites gaffe et embauchez une dizaine de gardes armés si vous préparez un séjour dans ce pays. Tel est le conseil d’un journaliste américain qui y est allé plus de 10 fois, craignant d’être kidnappé ou tué à chaque coin de rue. Les pirates ont le beau jeu. Ils sont sûrs que personne ne viendra les embêter dans leur contrée.

Aucune cour internationale

Tout devient donc une question de juridiction. « Le Canada a le pouvoir de poursuivre des pirates en vertu de son Code criminel », précise Guy Philippe, avocat militaire à bord du NCSM Fredericton. Encore faut-il qu’un bateau canadien soit attaqué ou que l’attaque survienne dans les eaux canadiennes. C’est ce que prévoit l’article 75.

« Les lois internationales, particulièrement la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, reconnaissent la piraterie comme un des crimes internationaux (mais) aucune cour internationale n’a la juridiction pour poursuivre les pirates », raconte-t-il d’un ton posé, lors d’une entrevue tenue au carré des officiers de la frégate canadienne.

« La Somalie a dit qu’elle laisserait les autres pays s’en occuper dans ses eaux territoriales, parce qu’elle ne peut pas le faire. Mais si un pirate est capable de s’exiler vers les eaux territoriales d’un autre pays à environ 20 milles des côtes, ça ne s’applique plus. Légalement, c’est très compliqué », exprime le conseiller juridique, qui devra venir en aide au capitaine de frégate dans l’éventualité d’une interception de pirates par le NCSM Fredericton. Et si le Canada en arrêtait?

« Si nous devions en capturer (…) nous devrions faire appel aux autorités supérieures canadiennes pour savoir ce qu’on en fait. C’est très hypothétique. Nous avons des espaces dans le navire et nous avons déterminé que des présumés pirates seraient détenus de façon à assurer leur sécurité et celle du navire. Nous les traiterions évidemment en tout respect des standards canadiens en matière de droits et libertés. »

L’avocat refuse de faire des pronostics quant à d’éventuels renforcements des lois canadiennes ou de celles d’autres pays. Et si un nouveau tribunal international était créé pour s’attaquer à la piraterie? Est-ce que les pays de l’OTAN devront essuyer des pertes pour bouger? « Si un marin devait être blessé ou même tué lors d’une intervention avec des pirates, il y aurait sûrement un intérêt accru pour les traîner devant la justice », estime-t-il, sans lancer la pierre à qui que ce soit.

_______________________ 5 – AFP

Somalie: 11 pirates présumés arrêtés par les garde-côtes au Somaliland

Onze pirates présumés ont été arrêtés par les garde-côtes de Somaliland alors qu’ils s’apprêtaient à prendre la mer, a annoncé samedi un ministre de cette région semi-autonome du nord de la Somalie.

« Nos garde-côtes ont arrêté au cours d’une opération de sécurité onze pirates avec leur équipement sur un petit bateau », a déclaré à la presse Abdulahi Ali Osmail Iro, ministre de l’Intérieur du Somaliland.

« Il semble que ces pirates soient originaires du Puntland », a ajouté le ministre, précisant que les arrestations avaient eu lieu vendredi.

La plupart des pirates somaliens ont pour base des ports du Puntland, une autre région semi-autonome de Somalie, nettement plus instable que le Somaliland, qui bénéficie pour sa part d’une relative tranquillité depuis sa déclaration d’indépendance proclamée en 1991, mais reconnue par aucun Etat à ce jour.

Les pirates présumés ont jeté leurs armes à la mer et ont tenté, en vain, de s’enfuir au moment de l’arrivée des garde-côtes, a précisé un des responsables de ce corps, Abdi Qeyre Dugsiye.

Ils ont été incarcérés dans la localité de Berbera en attendant leur jugement, selon ce responsable.

___________ 4 – CRI (Chine) avec XINHUA

Des pirates somaliens rendent leur liberté à 14 marins philippins

Quatorze marins philippins à bord d’un cargo grec ont été libérés par leurs ravisseurs, des pirates somaliens, cette semaine, a confirmé vendredi l’Ambassade des Philippines à Nairobi.

Tous les membres d’équipage du cargo grec, MV Delvina, sont « sains et saufs et en bonne santé ». Le cargo et son équipage se dirigent vers Mombasa (port dans l’est du Kenya).

Leur libération a réduit le nombre des marins philippins enlevés au large des côtes somaliennes à 56, à bord de cinq bateaux. Les responsables philippins du ministère des Affaires étrangères et de celui du Travail et de l’Emploi sont en train de s’organiser avec les services connexes et leurs responsables chargés du transport maritime sur la libération et le rapatriement des marins philippins.

Le gouvernement philippin a déjà intensifié ses efforts pour contrer la fréquence de la piraterie et des enlèvements des marins philippins au large des côtes somaliennes.

Le Département du Travail des Philippines demande aux marins philippins de suivre une formation anti-piraterie visant à leur apprendre comment réagir dans les situations de piraterie et les éviter. Il a également publié les directives de sécurité pour les services, dont des bateaux fréquentent le golfe d’Aden.

Les Philippines sont le principal fournisseur mondial de membres d’équipage, avec leurs 350.000 marins, soit un cinquième du nombre mondial des marins servant sur des pétroliers, des paquebots de luxe et des navires de passagers à travers le monde, les exposant à des attaques de pirates.

___________ 3 – Portail des sous-marins avec Radio Nederland

Les pirates somaliens ne craignent qu’une seule chose

Par Rédacteur en chef.

La libération de pirates par la marine néerlandaise souligne l’impuissance des marines européennes et de la communauté internationale face à la piraterie au large de la Somalie. Tant qu’il n’y aura pas une coopération effective avec les autorités locales, la piraterie ne cessera pas.

La seule chose que craignent les pirates, c’est de se retrouver face à la marine nationale, célèbre pour ses méthodes musclées.

« Si vous posez la question à un pirate, il répondra : Nous avons seulement peur des Français” explique Mahad Mussa, une figure bien connue de la communauté somalienne aux Pays-Bas.

_____________ 2 – Le Quotidien du Québec sur Canoe

Une sécurité bien provisoire

Jean-Luc Lavallée

Le personnel naval se sent plus vulnérable dans des ports avec beaucoup de trafic, à cause des attentats.

Dans l’état actuel des choses, ce corridor utilisé par la marine marchande est relativement sécuritaire puisque les pirates ont étendu leur terrain de jeu à des centaines de kilomètres en raison de la présence de la marine canadienne et de celles des autres pays. Les attaques surviennent maintenant beaucoup plus loin des côtes.

«Nous verrons dans le futur ce qui arrivera. S’il n’y a plus de bateaux de guerre ici, les pirates vont revenir. S’ils ont un gouvernement qui ne fonctionne toujours pas (…) et qui n’est pas en mesure de fournir des garde-côtes et des forces policières partout dans le pays pendant que les communautés vivent le long des côtes dans des camps avec de l’équipement et du carburant financé par les rançons des otages, ils vont continuer de venir, c’est de l’argent facile», estime le commandant du NCSM Fredericton, le capitaine Steven Waddell.

Mission à long terme ?

Impossible de prédire l’avenir, mais on peut se demander si des bateaux canadiens seront déployés encore longtemps dans les eaux les plus dangereuses de la planète, où les pirates ont réalisé près de 200 détournements et pris en otages plus de 500 personnes en 2009.

«C’est très hypothétique. Il y a une volonté de déployer d’autres navires et la force aérienne (…), mais c’est au gouvernement de décider», ajoute le capitaine Waddell, qui est un des plus jeunes capitaines de la marine canadienne, à 39 ans.

Environ de 60 à 70 cargos du monde entier, transportant des milliers de conteneurs, empruntent le corridor du golfe d’Aden et croisent au large de la Somalie chaque jour. «Il y a entre quatre et six navires (de l’OTAN) dans le corridor pour maintenir la surveillance et, pour l’instant, ça travaille très bien. Il n’y avait pas eu d’attaque depuis le mois de juillet dans le corridor avant celle de la semaine dernière. »

Treize pirates arrêtés

«Nous étions le bateau le plus proche à l’est, à environ 200 milles nautiques (environ 360 kilomètres) et nous avons navigué à la vitesse maximale pendant six heures pour couvrir la distance. Au même moment, un navire hollandais, l’Evertsen, quittait le port de Salalah (Oman) et il était à environ 150 milles, donc plus près que nous. Nous sommes arrivés 20 minutes plus tard… Les Hollandais ont arrêté les pirates et les détiennent toujours. Il y a plusieurs défis légaux. C’est un processus très compliqué. Le bateau devait revenir à la maison pour Noël, mais ils ne pourront pas à cause des 13 détenus.»

Un avocat à bord

La marine, ne voulant courir aucun risque, a à son bord un avocat pour s’assurer de respecter les lois internationales dans l’éventualité d’une interception. Des cellules peuvent être aménagées sur le NCSM Fredericton s’il le faut. «Je devrais utiliser toute l’information à ma disposition comme des preuves d’une attaque contre un bateau.

_____________ 1 – Le Quotidien du Québec sur Canoe

Les pirates s’ajustent à la présence armée

Jean-Luc Lavallée

La présence des frégates et des destroyers de l’OTAN a considérablement changé la donne pour les pirates, qui ont su s’adapter au fil des derniers mois.

Au-delà du fait qu’ils s’exilent de plus en plus loin pour commettre des actes de piraterie, les criminels somaliens ont modifié leur approche et attendent de trouver le bon poisson. «Je ne peux pas dire qu’ils sont nécessairement plus agressifs, mais ils ont changé leurs méthodes. Ils essaient de cibler des navires commerciaux plus vulnérables, avec des ponts extérieurs plus bas et facilement accessibles, et ils sont à bord en quelques minutes», explique le capitaine de frégate du NCSM Fredericton, Steven Waddell.

«Les pirates utilisent des petits bateaux qui ne peuvent pas aller très loin, mais ils rejoignent ensuite un bateau mère. C’est énorme comme étendue d’eau, et ils sont vraiment très difficiles à trouver. Ils peuvent passer des semaines dans un secteur.»

Mission dangereuse ?

«Il n’y a pas eu d’attaque depuis longtemps dans le corridor maritime, alors sur le plan du danger en ce moment, ce n’est pas différent pour nous que n’importe quelle journée en mer. Mais il y a un danger assurément si on parle strictement des pirates. L’équipe d’arraisonnement (celle qui s’approche des bateaux suspects à bord d’une plus petite embarcation) est certainement la plus vulnérable», explique le capitaine Waddell, lors d’une longue entrevue donnée dans ses quartiers personnels du NCSM Fredericton.

En 2002, un attentat suicide a fait 17 morts au Yémen sur un bateau de guerre américain, et le capitaine de frégate a toujours ça à l’esprit. «J’y pense souvent. Ce n’est pas vraiment inquiétant lorsque nous sommes en mer. Ça nous concerne davantage quand nous sommes dans des ports où il y a beaucoup de trafic et que nous ne connaissons aucun des bateaux. Il faudrait prendre une décision très rapide si ça devait arriver. Ce sont les risques du métier», répond celui qui en est à son cinquième déploiement dans cette région du monde.

Le capitaine Waddell ne cache pas sa frustration par rapport à la couverture médiatique très faible des activités de la marine canadienne, comparativement à la mission en Afghanistan et le manque de reconnaissance des citoyens canadiens.

«Je pense que les Canadiens ne se rendent pas compte que nous avons une nation maritime. Quelque 90 % de nos biens sont importés. Nous tentons de nous faire connaître, de raconter nos histoires et d’expliquer aux gens ce que nous faisons