05/01/10 (B532) FreeDjibouti -> La question du pouvoir et les limites de l’opposition démocratique à Djibouti

Par FreeDjibouti

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Djibouti est bloquée dans une phase pré-démocratique ou l’accès à la scène politique est réservé aux seuls thuriféraires du régime ; plus que jamais aujourd’hui l’exercice des droits citoyens est le privilège – l’exception – réservé aux clientèles du pouvoir.

La bureaucratie qui s’est installée depuis aux commandes de l’état, à Djibouti, limitée aux rares lettrés de l’époque a ensuite, et en permanence, reproduit les mêmes formes d’organisation et le même appareil d’état. Pour être menée à bien cette reproduction bégayante a eu besoin d’instruments idéologiques, d’instruments économiques et de règles de gestion de la société.

Les instruments économiques n’ont pas manqué : dans la période qui a suivi l’indépendance, avec les biens vacants et propriétés nationalisées.

Au plan idéologique, la bureaucratie a capté l’héritage du mouvement national et de la guerre d’indépendance en se présentant comme une classe politique de libérateurs, faisant valoir le danger extérieur représenté par l’ancienne puissance coloniale et les voisins immédiats du pays tout en développant un chauvinisme autour des appareils d’état. L’idée centrale étant de fabriquer l’image d’une citadelle assiégée en permanence dont la survie passe par la soumission unanime de la société à un ordre autoritaire.

Au plan des règles de gestion sociale, l’état d’urgence et les lois d’exception constituent la norme continue de régulation juridique de la société

La nature du pouvoir

Soumis à l’extérieur, corrompu à l’intérieur ; le système de pouvoir n’est rien d’autre qu’une sorte de féodalité prédatrice et inculte fondée sur le clanisme. La bureaucratie prélève des prébendes les distribue à ses obligés et asservit le corps social ; elle empêche les conditions d’autonomie des organisations comme des individus. De fait, l’action continue du pouvoir consiste dans l’émiettement du front social et la désintégration de toutes les institutions et organisations manifestant des velléités d’autonomie.

Le maintien du statu-quo étant sa seule perspective, elle n’a d’issue constante que dans la gestion des fausses contradictions et l’exacerbation des fractures sociales, linguistiques, culturelles et régionales. Ce pouvoir ne se situe pas dans les cadres institutionnels, il est aux commandes de structures policières qui instrumentalisent les institutions en dévoyant leurs statuts à celui de simples appareils. Cet état de fait se vérifie de manière caricaturale dans le fonctionnement de la justice à Djibouti, réduite selon moi à un appareil servile.

Cette organisation a pour effet d’étouffer les initiatives et de surreprésenter les dimensions les plus conservatrices de la société. Le débat interdit a pour conséquence de stériliser toute avancée et toute remise en cause du statu-quo, ceci dans tous les domaines. C’est ainsi qu’au plan économique, l’ouverture en trompe l’œil profite d’abord aux affairistes improductifs installés dans les groupes d’intérêts dirigés par les maîtres effectifs du pouvoir et au plan politique les seules voix habilitées à s’exprimer sont celles qui couvrent les revendications populaires.

En bout de course, la bureaucratie se réduit à sa seule dimension de police clanique chargée de gérer le désordre structurel pour maintenir son hégémonie sur la société.

Comment une opposition peut elle se manifester ?

Comment influencer ce pouvoir, leitmotiv de l’action politique autonome ?

L’opposition à Djibouti, démocratique ou non, (il faut s’entendre sur les mots), ne connaît des conditions favorables d’émergence qu’à condition que l’un ou l’autre des instruments cités vienne à faire défaut.

L’opposition réelle, celle qui agit sur le contrôle démocratique des trois instruments, ne peut émerger sans être éliminée. Le pouvoir utilise pour cela, les techniques éprouvées des systèmes totalitaires :

  • le refus d’autorisation d’existence (en agissant par la politique sécuritaire et de terreur, les moyens financiers, les lois d’exception)
  • la dénaturation systématique du message de l’opposition réelle (contrat de Rome) en créant de pseudo-mouvements d’opposition et une fausse presse indépendante, en utilisant l’infiltration policière et la corruption sur une large échelle, en décrédibilisant, y compris par l’élimination physique les militants sincères …
  • l’enfermement du débat politique autour de la seule question de dénigrement

Il réussit ainsi à affaiblir et isoler les oppositions à l’intérieur et à l’extérieur et à récupérer graduellement ceux et celles qui ne s’opposent pas sur le fond, c’est à dire sur la nature du régime.

L’action politique autonome est donc très difficile, à la pleine satisfaction d’un système obnubilé par l’idée de refermer la parenthèse ouverte en 1992.

L’expression des malaises sociaux ne s’exprime plus que par des faibles émeutes.

Quelles perspectives ?

Dans ce contexte peu enthousiasmant, le pouvoir djiboutien bénéficie d’un soutien international déterminé par les intérêts bien compris et la confusion autour de l’anti-terrorisme : la scène politique est strictement verrouillée.

Il est donc nécessaire aujourd’hui pour tous ceux qui pensent qu’un avenir démocratique est possible à Djibouti de maintenir la veille critique et la construction intellectuelle d’alternative sociale et politique crédibles.

L’irrésistible effondrement de l’Etat augure de lendemains très complexes, loin d’être résolue par des artifices sans prise sur la réalité, la crise politique Djiboutienne s’aggrave chaque jour. Il importe à ce stade d’envisager la formation de réseaux d’animation du débat politique sur les questions concrètes, l’analyse et l’information de l’opinion sur les conditions et opportunités de modification des équilibres politiques .

En effet, les déséquilibres structurels de la société Djiboutienne ne peuvent en rien être améliorés par un système d’un autre âge se situant à contre-courant de l’évolution historique mondiale.

Djiboutiennement

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