12/01/10 (B533) FreeDjibouti -> Faire de la politique à Djibouti

Par FreeDjibouti

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A analyser rétrospectivement la situation politique à Djibouti depuis 1992, il faut admettre que les hommes politiques de l’opposition n’ont pas la tâche facile dans la mesure où pour s’opposer il est nécessaire d’avoir une partie de la population fidèle et prête à supporter son leader pour ses idées et non son ethnie a fortiori son compte en banque.

Raison pour laquelle, nous estimons qu’après la tournure des premières élections, l’opposition aurait dû faire une pause et s’atteler à d’abord éduquer politiquement les électeurs en les sensibilisant sur leurs droits et le jeu démocratique pour espérer avoir plus de militants engagés et décidés à s’opposer aux injustices et « tricheries ». Tout le temps que l’opposition a passé dans l’abstention aurait pu servir à cela de façon plus utile. Il y a un « verrou mental » à faire sauter pour qu’ils adhérent aux exigences de la lutte politique (qui n’implique pas l’affrontement obligatoire).

Beaucoup trop de citoyens estiment, à tort, que l’Etat a toujours raison et que se soumettre est la garantie de survie : peut être mais dans quelles conditions de bien-être ?

Hélas, dans notre pays, les contingences matérielles couplé à un passé de féodalités et de dictature après l’indépendance font que les notions de démocratie, de libertés individuelles et d’expressions sont considérés pour la plupart comme des sources de divisions importées de l’Occident.

La « plupart » signifie majoritairement les générations nées avant les années 60 et vivant à Djibouti (nonobstant les séjours à l’étranger) ; et par conséquent sans éléments de comparaison par expérience personnellement vécue ni la culture de contradiction du chef abusif pour pouvoir réaliser ce que le Pays perd en terme de progrès humain. Cette attitude n’a rien à avoir avec le respect due à une fonction ou une personne : ne voit on pas des pères de famille (mettre leur dignité de côté) ramper pour saluer le Président ? Avec ce genre de comportement, nous sommes les propres artisans de nos dictatures. Que feront-ils devant Dieu alors? C’est encore une mentalité rétrograde du lèche bottes et non du respect !

La peur et la soumission à l’autorité selon leur entendement sont les meilleurs moyens de mener une vie tranquille sans être inquiété bien que l’histoire du Pays ait largement démontré le contraire : tout individu peut être la cible de l’Etat sans en être conscient et n’avoir rien fait de mal pour différentes « raisons d’état »!

Les pays occidentaux où les membres du Gouvernement au Président de la République font face aux invectives quotidiennes des électeurs et des media permettent de rappeler à ces derniers que le vrai patron est le peuple et non eux.

Pour ceux qui suivent les actualités françaises de près se souviennent de l’altercation de Sarkozy avec un membre du public au salon de l’agriculture où cette personne a refusé de lui serrer la main (« elle ne veut pas se salir ») et le « respectable » Chef d’Etat français l’a traité de « (…) con » devant tout le monde : chez nous (à Djibouti) ce monsieur aurait certainement fini en prison pour rien, à tort.

Voilà des pays où démocratie et liberté d’expression ne sont pas des vains mots !

La tradition par l’exemple des parents reste un obstacle énorme à l’émancipation des Djiboutiens et à leur « libération mentale » par rapport au chef et l’autorité pour l’instauration d’une démocratie participative par un acte volontaire : beaucoup la (pour démocratie) subisse sans participer.

En effet, la pratique religieuse et la fatalité servent d’alibi pour tout accepter et remettre son sort entre les mains du « hasard ».

Nous entendons très souvent les gens (plutôt d’un certain âge) dire vouloir la paix et par conséquence condamnent tout acte de contestation : peut on parler de « paix » lorsqu’on a faim, sans travail et sans pouvoir se soigner ? A ce sujet, un internaute mentionnait tantôt en termes de besoins élémentaires.

Le Président Houphouët-Boigny disait : « l’homme qui a faim n’est pas un homme libre (…) ».

Heureusement, ceux qui se sont battus pour notre indépendance n’ont pas eu la même logique de survie !

Dans ce contexte, il est évident que ceux qui ont décidé de descendre dans l’arène politique devaient intégrer cette particularité et trouver les voies et moyens de contourner cette difficulté comme suggéré plus haut.

Profitons-en pour relever une autre spécificité Djiboutienne : être accusé d’enrichissement illicite n’est pas un handicap pour faire de la politique à Djibouti mais plutôt un « avantage » car avoir l’opportunité de s’enrichir avec les deniers de l’Etat et ne pas le faire est considéré comme une malédiction.
Cela peut étonner et choquer certains mais c’est hélas vrai !

A-t-on vu à Djibouti une seule affaire de détournement ou d’abus de biens sociaux poursuivie jusqu’au bout avec condamnation des coupables ou susciter un embarras/honte de ces derniers?

Jamais ! Au contraire, ils/elles affichent fièrement voitures, villas et biens mal acquis avec l’admiration des autres qui utiliserons l’expression typiquement guinéenne de « il/elle a réalisé » pour parler de « réussite ».

Tout au plus, l’Etat menace, inquiète les présumés coupables et le dossier est classé. Même la population ne trouve rien à dire car chacun espère un jour, avant un changement, avoir (ou un proche) l’opportunité d’être aussi en mesure de se servir dans les caisses du Gouvernement.

Il y a aujourd’hui une classe moyenne non négligeable à Djibouti grâce à cet état de fait. Comme nous l’avons déjà dit : le régime de notre dictateur s’est maintenu, principalement, parce que personne ne souhaitait qu’il changeât avant d’avoir eu « son tour ». Ce qu’a très bien compris le Président Guelleh et explique le haut turn over (roulement) de ministres et hauts fonctionnaires à Djibouti.

Adeptes de realpolitik et étant démocrates, nous prenons acte de l’indifférence de la majorité des électeurs en la matière même si c’est moralement choquant et inacceptable comme jurisprudence. C’est cela aussi notre Djibouti en 2009 !

Autrement en pis-aller pour consolation, notre approche est de considérer que ce fut, peut être, involontairement un mal nécessaire pour créer une classe moyenne indispensable dans la structure de toute société moderne : cela leurs a permis de voyager extensivement à l’étranger, apprendre et voir un autre standard de vie et surtout envoyer leurs enfants étudier et éventuellement ramener au Pays une autre façon de faire les choses – pour la proportion de ceux qui acceptent de revenir à Djibouti.

Le prochain gouvernement devra faire un audit et la lumière sur les grands scandales financiers qui ont défrayé la chronique afin de tirer un trait définitif sur cette période de laxisme et rétablir une éthique. Les éventuelles coupables ne devraient pas être emprisonnés mais il faudra plutôt saisir leurs biens à Djibouti et à l’étranger. La prison serait injuste dans la mesure où le Pays n’aura jamais assez de ressources pour poursuivre ni suffisamment de places pour enfermer tous ceux qui se sont enrichis illicitement- fonctionnaires et commerçants- : nous savons tous de quoi nous parlons !

Ceci dit encore, notre sentiment est qu’en 2009 encore, tout candidat issu du sérail est irrationnellement préféré à celui qui pour des raisons objectives a dû vivre et faire une carrière à l’étranger. On en parle peu ou de moins en moins mais être issu de la « diaspora » reste un handicap politiquement parlant même si toutes les familles à Djibouti ont de nombreux parents expatriés.

Pour finir, l’espoir de l’avènement d’un Pays démocratique avec des libertés individuelles débarrassé du culte du Chef et surtout un esprit de contestation face à l’injustice et les abus de pouvoir repose désormais entre les mains des jeunes et ceux de moins de 50 ans principalement. Précisons que les citoyens plus âgés ne sont nullement exclus mais ils sont majoritairement les plus réfractaires aux exigences nécessaires au changement tant souhaité.

Dieu merci, l’avènement de l’Internet a permis de contourner la censure et les libertés d’opinions et d’expression de parvenir à Djibouti même si c’est toujours difficile de visiter les sites de l’opposition.

Pour réussir en politique à Djibouti., il faut impérativement accepter aussi la possibilité de devenir un « héro mort » ; autrement l’alternative est une carrière dans l’opposition: pour preuve, en trente deux ans, le Pays est si stable qu’il n’a connu que deux Présidents avec des partis politiques plus abstentionnistes que participatifs !

Le plus dommage est que les leaders de l’opposition n’aient jamais activement participé à aucun changement à Djibouti., hormis la relative liberté d’expression.

Le moment est pourtant opportun pour qu’ils nous démontrent leur capacité d’intervention et d’influence dans ce climat de blocage et de chienlit sans attendre de monter dans un train en marche comme la dernière fois.

Il y aurait un autre mouvement de contestation populaire en gestation qui viendrait encore de structures « apolitiques ». Finalement, Djibouti pourrait tout aussi bien se passer de partis politiques sans en souffrir car ils n’ont pas encore marqué l’histoire de ce pays : l’initiative viendrait peut-être d’ailleurs! C’est dans les missions difficiles que les meilleurs excellent et se font remarquer.

Vivement les élections de 2011, pour leurs donner une raison d’être !

Sur ce, je vous souhaite une très bonne année 2010 à tous les Djiboutiens.

Djiboutiennement.

FreeDjibouti

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