28/01/10 (B535) Yémen Express (4 articles en Français)

______________________________ 4 – Reuters

LEAD 3 Le Yémen inquiète l’Occident, mais s’engage à ses côtés

par Samia Nakhoul

La communauté internationale s’est portée mercredi au chevet du Yémen, l’un des pays les plus pauvres du monde, menacé par un radicalisme islamique qui risque de déstabiliser toute la péninsule arabique.

Une réunion a rassemblé en fin d’après-midi à Londres des représentants du G8, de l’Onu, de l’Union européenne, du FMI et de la Banque mondiale, ainsi que de pays de la région comme l’Egypte, la Jordanie et la Turquie.

S’adressant à la presse à l’issue de cette conférence, les ministres des Affaires étrangères yéménite, britannique et américain ont souligné la nécessité de traiter les causes de la radicalisation.

"Tous les intervenants que nous avons entendus aujourd’hui se sont accordés pour dire que le traitement des problèmes du Yémen ne se limite pas à sa sécurité et sa stratégie antiterroriste", a déclaré le Britannique David Miliband, hôte de la conférence.

"Pour s’attaquer au terrorisme, il est essentiel de s’en prendre à ses causes profondes. Dans le cas du Yémen, elles sont nombreuses: économiques, sociales et politiques", a-t-il poursuivi, annonçant l’ouverture prochaine de négociations entre Sanaa et le Fonds monétaire international en vue de l’élaboration d’un programme de réformes économiques.

Le Premier ministre britannique, Gordon Brown, a proposé la tenue de cette conférence après l’attentat manqué du 25 décembre à bord d’un avion de ligne américain assurant la liaison Amsterdam-Detroit.

L’opération a été revendiquée par Al Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), dont l’activisme croissant au Yémen préoccupe le puissant voisin saoudien et les Etats occidentaux.

Sanaa n’est pas seulement aux prises avec Al Qaïda, mais doit également faire face à des tensions séparatistes dans le Sud et à un rébellion chiite dans le Nord.

"Si les conflits et la violence ne sont pas traités, ils mineront les réformes politiques et la réconciliation qui sont essentiels au progrès du Yémen", a estimé Clinton.

UN ENGAGEMENT SOUTENU ET CIBLÉ

Le ministre yéménite des Affaires étrangères, Aboubakr al Kirbi, a estimé récemment à quatre milliards de dollars par an l’aide nécessaire pour faire décoller l’économie et détourner la jeunesse d’un risque de radicalisation violente.

Plus de 40% des 33 millions de Yéménites vivent avec moins de deux dollars par jour, alors que la population est appelée à doubler en l’espace de 20 ans et que le fléau du chômage pousse les jeunes, désabusés, dans les bras des islamistes radicaux.

En 2006, une réunion de donateurs, qui s’était tenue elle aussi à Londres, avait débouché sur la promesse d’une aide de cinq milliards de dollars, mais seule une petite portion a été versée, par crainte notamment de la manière dont les fonds auraient été dépensés.

Dans le communiqué final, les participants s’engagent cette fois à soutenir sans faille le Yémen face à des "défis croissants, qui, s’ils ne sont pas relevés, risquent de menacer la stabilité du pays et de l’ensemble de la région".

De son côté, "le gouvernement du Yémen reconnaît le besoin urgent de s’attaquer à ces problèmes, qui demanderont un engagement soutenu et ciblé".

Les délégations se félicitent en outre de la naissance d’une assemblée "des amis du Yémen" qui se réunira pour la première fois fin mars dans la région pour évoquer les moyens à mettre en oeuvre pour concrétiser les projets de réformes, "notamment dans le cadre de deux groupes de travail consacrés, d’une part, à l’économie et à la gouvernance et, d’autre part, à la justice et au maintien de l’ordre".

La déclaration finale annonce aussi l’organisation, les 27 et 28 février à Ryad, d’une réunion du Conseil de coopération du Golfe afin d’évaluer les obstacles à surmonter pour aider efficacement Sanaa.

(Version française Marc Delteil,
Jean-Stéphane Brosse et Jean-Philippe Lefief)

______________________________ 3 – CyberPress (Canada)

Délicat rapprochement avec le Yémen


Marc Thibodeau -La Presse

«Corrompu, injuste, primitif, criminel.» Le régime d’Ali Abdullah Saleh, homme fort du Yémen, est sur la sellette. Notre correspondant est de retour d’un reportage dans ce pays. Il nous explique pourquoi les pays occidentaux au chevet de cette nation, aujourd’hui à Londres, ne devraient pas «détourner leur regard» des abus du gouvernement yéménite.

Les pays occidentaux qui se réunissent aujourd’hui à Londres pour discuter de la meilleure façon d’aider le Yémen à lutter contre Al-Qaeda s’engagent en terrain glissant en accroissant leur soutien au gouvernement en place.

Le régime d’Ali Abdullah Saleh, qui tient les rênes du petit pays arabe depuis plus de 30 ans, est en effet régulièrement écorché par les organisations de lutte contre la corruption et les défenseurs des droits de la personne

.«Dans un monde idéal, le président Saleh n’est pas quelqu’un avec qui nous aimerions faire affaire», souligne dans une récente analyse la journaliste anglaise Victoria Clark, qui a séjourné plusieurs fois là-bas.

«Corrompu, injuste, primitif, criminel sont quelques-uns des adjectifs que les Yéménites instruits sont susceptibles d’utiliser» pour décrire le gouvernement en place, souligne-t-elle.

Comme dans nombre de pays de la région, la photo du chef de l’État est omniprésente à l’aéroport, dans les hôtels ou dans les rues de la capitale, Sanaa, où sont installés plusieurs panneaux d’affichage géants à son effigie.

Gangréné par la corruption

Le dirigeant de 67 ans, pour bien marquer son domaine, a aussi donné son nom à une spectaculaire mosquée située près d’une large avenue aménagée pour les défilés militaires.

Selon un site de tourisme local, le bâtiment, ouvert en 2008, a été construit au coût de 60 millions de dollars américains «aux frais du président».

Un journaliste local a indiqué que la somme – une fortune dans un pays où plus de 40% de la population vit dans la pauvreté – avait été puisée à même l’argent généré par la vente des ressources pétrolières du pays.

Un représentant du gouvernement a assuré, de son côté, que la construction avait été essentiellement financée par de riches Saoudiens.

L’érection de la mosquée, quoi qu’il en soit, a soulevé l’ire d’une partie de la population, comme en témoignent les commentaires laissés sur le site de la BBC.

«Nommer la mosquée du nom d’un dictateur corrompu est indigne», a écrit un résidant d’Aden, qui parle d’un «réel gaspillage» de ressources.

Le petit pays d’une vingtaine de millions d’habitants, de l’avis de nombre d’analystes, est gangréné par la corruption, qui s’étend à tous les échelons.

La Presse a pu le constater de visu peu après son arrivée à Sanaa lorsqu’un agent affecté à la circulation routière a menacé de saisir son véhicule. «Il veut un pot-de-vin», a expliqué notre interprète. Selon Transparency International, il n’est pas rare que des fonctionnaires affectés à des ministères-clés accumulent rapidement de véritables fortunes.

Structure de népotisme

Malgré les promesses d’action du gouvernement, les risques de poursuite demeurent minimes. «Ceux qui détiennent le pouvoir ne permettront jamais aux dominos de tomber, de crainte que chacun d’eux en entraîne un autre dans sa chute, et un autre, jusqu’à ce que plus rien ne tienne debout», indique l’organisation.

Dans un récent rapport, Chatam House, un centre de recherche de Londres, souligne que la véritable priorité du président Saleh est d’assurer sa propre survie dans un pays marqué par une instabilité croissante.

L’homme fort du Yémen, souligne l’organisation, a aménagé il y a longtemps une «structure de népotisme élaborée», reposant sur les revenus pétroliers, pour s’assurer la loyauté de chefs de tribus, de leaders de l’opposition et d’extrémistes religieux, ce qui mine le fonctionnement des institutions gouvernementales.

Sarah Philips, une chercheuse de l’Université de Sydney qui est spécialisée sur le Moyen-Orient, souligne qu’il ne sert à rien de donner plus d’argent au régime si ces sommes sont utilisées pour renforcer le système existant.

Malheureusement, dit-elle, toute ouverture progressiste visant à accroître la voix des Yéménites dans le système politique risque d’être freinée par la petite élite au pouvoir.

L’emprise du régime sur le pays est reflétée par les résultats électoraux du président, qui a été réélu avec près de 80% des voix en 2006 après avoir reçu officiellement l’appui de plus de 90% de la population en 1999.

Les membres de la famille du chef de l’État occupent nombre de postes-clés dans l’administration, y compris les principaux postes en matière de sécurité. Son fils Ahmed, pressenti comme son possible successeur en 2013, dirige la garde républicaine et les forces spéciales.

La manière forte

La mainmise du régime sur le pays et ses ressources alimente l’indignation dans le Nord, où l’armée lutte depuis des années contre des rebelles chiites, ainsi que le mouvement sécessionniste du Sud.

Dans les deux cas, le gouvernement n’hésite pas à utiliser la manière forte, y compris pour faire taire les médias trop critiques. Reporters sans frontières affirme que le gouvernement «profite du soutien apporté par les puissances étrangères dans sa lutte antiterroriste… pour violer délibérément les droits de la personne».

Le journal Yemen Times a prévenu la semaine dernière que les pays occidentaux auraient tort de «détourner leur regard» de ces abus sous prétexte de lutter contre Al-Qaeda.

______________________________ 2 – Le Monde

Le Yémen et le monde doivent "faire plus" contre l’extrémisme (Clinton)

Le Yémen et la communauté internationale doivent "faire plus" contre l’extrémisme, a déclaré mercredi à Londres la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, reconnaissant que les défis que doit affronter Sanaa étaient "impressionnants".

"Les Yéménites méritent d’avoir l’opportunité de déterminer leur propre avenir, plutôt que de laisser leur sort entre les mains d’extrémistes qui incitent à la violence et infligent le mal", a dit Mme Clinton, selon le texte d’un discours transmis à la presse.

"Pour aider le peuple du Yémen, nous — la communauté internationale — pouvons et devons faire plus. Le gouvernement yéménite également".

Mais "les défis multiples que doit affronter le Yémen sont impressionnants", a reconnu la responsable.

Hillary Clinton est arrivée à Londres mercredi pour une réunion ministérielle visant à mieux aider le Yémen à lutter contre la menace d’Al-Qaïda, après l’attentat manqué contre un vol Amsterdam-Detroit le jour de Noël.

Elle devait participer jeudi à la conférence sur l’Afghanistan également à Londres qui réunira quelque 70 pays pour convenir d’une stratégie pour le pays.

______________________________ 1 – Le Monde

Yémen: les USA impliqués dans les attaques menées contre Al-Qaïda (presse)

Les militaires et agents du renseignement américains sont étroitement impliqués dans des opérations secrètes menées avec les forces yéménites contre la branche d’Al-Qaïda dans la région, qui ont conduit à la mort de 6 de ses 15 chefs, a rapporté mercredi le Washington Post.

Le président américain Barack Obama a approuvé ces opérations, qui ont commencé il y a six semaines et impliquent plusieurs dizaines de soldats américains d’une unité spécialisée dans la traque des chefs d’Al-Qaïda, indique le quotidien, citant des responsables sous le couvert de l’anonymat.

Selon le Washington Post, les efforts combinés des Américains et des Yéménites ont conduit à plus de deux douzaines d’opérations terrestres et de raids aériens.

Les Américains ne participent pas aux raids lancés au Yémen mais préparent les missions et fournissent armes et munitions, ajoutait le Washington Post.

Dans ce cadre, les Etats-Unis partagent avec les forces yéménites des informations sensibles, comme des cartes en 3D, des vidéos ou leurs propres analyses concernant la situation d’Al-Qaïda.

Les Etats-Unis ont reconnu qu’ils apportaient un soutien au Yémen, en termes de renseignement et d’entraînement, mais n’ont jusqu’à présent fourni aucune précision sur leur rôle concernant les offensives menées contre des militants d’Al-Qaïda.

Le Pentagone a refusé mercredi de commenter cet article mais a fait valoir que Washington répondrait présent si le gouvernement yéménite demandait la poursuite, voire le renforcement, du soutien américain, qu’il soit financier ou militaire (formation et renseignement).

"Si le gouvernement yéménite continue à trouver utile (l’aide américaine), nous étudierons les manières de la maintenir, si ce n’est de l’élargir", a déclaré le porte-parole du Pentagone, Geoff Morrell, lors d’une conférence de presse.

Il a en outre salué Sanna pour sa "réponse offensive et vigoureuse à la menace terroriste" sur le sol yéménite.

L’intérêt de Washington pour le Yémen s’est accru depuis l’attentat manqué contre un avion américain le jour de Noël, perpétré par un jeune Nigérian ayant séjourné au Yémen. L’acte a été revendiqué dans un premier temps par Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), puis par Oussama ben Laden, le chef de l’organisation extrémiste.

Les Etats-Unis et une vingtaine d’autres pays se sont retrouvés mercredi à Londres pour une réunion visant à mieux aider le Yémen à lutter contre la menace d’Al-Qaïda. Les grandes puissances se sont engagées à soutenir le pays en échange d’efforts de bonne gouvernance.