29/01/10 (B535) Affaire Borrel / France 3 Sud / A Toulouse satisfaction de la veuve du juge Borrel. Le Conseil d’Etat vient au secours de la veuve du juge Borrel

Par Michel PECH

Le Conseil d’Etat a annulé une décision du Garde des Sceaux refusant la protection statutaire à la veuve du juge Borrel, mort à Djibouti en 1995, dans une instruction visant l’ex-monsieur Afrique de l’Elysée ²Michel de Bonnecorse pour "pression sur la justice".

Dans sa décision rendue le 28 décembre, le Conseil d’Etat estime que l’Etat, à travers la ministre de la Justice Rachida Dati, avait une "obligation de protection", c’est-à-dire qu’il devait prendre en charge les frais de justice d’Elizabeth Borrel, elle-même magistrate, dans la plainte qui l’oppose à Michel de Bonnecorse, ancien patron de la cellule Afrique de l’Elysée sous la présidence de Jacques Chirac. Le Conseil d’Etat accorde par ailleurs 3.000 euros à Mme Borrel.

Celle-ci avait déposé plainte et obtenu, contre l’avis du parquet qui n’y voyait aucune pression sur la justice, l’ouverture d’une information judiciaire après des déclarations de M. de Bonnecorse qui avait affirmé dans un entretien à Jeune Afrique au printemps 2007: "contrairement à ceux qui préjugent de l’assassinat de Bernard Borrel sur ordre des autorités djiboutiennes, je préjuge, moi, qu’il s’est suicidé". L’enquête française a privilégié dans un premier temps la thèse du suicide avant de retenir celle d’un meurtre après de nouvelles expertises. Le procureur de la République de Paris avait officiellement confirmé le 19 juin 2007 l’origine criminelle de la mort du juge.

Dans ses conclusions devant le Conseil d’Etat, le rapporteur public a considéré qu’il est "manifeste" que M. de Bonnecorse avait conscience d’exercer une pression par ses déclarations, et que "sa position donn(ait) un poids important à ses propos, et aurait dû l’inciter à porter particulière attention à l’obligation de mesure et de discrétion qui s’impose à tous les serviteurs de l’Etat, y compris les plus éminents".

Pour Me Olivier Morice, avocat de Mme Borrel, "le procureur de la République de Paris devrait s’inspirer de la liberté de ton et de l’indépendance du rapporteur public du Conseil d’Etat qui n’a pas craint de fustiger les pressions politiques du chef de la cellule africaine de l’Elysée dans l’affaire Borrel." Dans ses conclusions, le rapporteur public constate que "les progrès de l’instruction (sur la mort du juge Borrel) sont tributaires de la coopération entre les autorités judiciaires française et djiboutienne, et plus généralement de la volonté et de la capacité de certains témoins à apporter leur concours à l’enquête.

Quelques jours après les déclarations de M. de Bonnecorse, deux juges chargées d’une autre information judiciaire pour pression sur la justice en marge de l’affaire Borrel avaient tenté sans succès de perquisitionner à l’Elysée. En juillet 2007, elles avaient perquisitionné les domiciles parisien et provençal de Michel de Bonnecorse.