25/06/10 (B557) Somaliland (1 article) Election historique le 26 juin.
_____________________ 1 – La Croix
Election présidentielle historique, le 26 juin au Somaliland
En quête de reconnaissance internationale, cette république autoproclamée de quatre millions dhabitants veut sortir de son isolement
Grosse cohue dans le centre de Burao. La ville du nord de la Somalie, perchée dans les montagnes, est en effervescence. Cest la deuxième ville de la république sécessionniste du Somaliland. Ahmed Mahamoud Silanyo, candidat de lopposition à lélection présidentielle du 26 juin, est en campagne. À la tribune, il sempare dun bouquet de microphones scotchés ensemble pour haranguer la foule.
Et ils sont venus nombreux pour écouter leur candidat. Des femmes voilées se sont maquillé le visage de jaune et de vert, les couleurs du parti. Des enfants agitent drapeaux et pancartes. Un homme a grimpé au sommet dun mât, à dix mètres de hauteur, pour pouvoir mieux regarder, tandis que dautres sont perchés dans des vieux acacias, tels de gros oiseaux de brousse.
Le président actuel, Dahir Riyale Kahin, a repoussé à plusieurs reprises la date du scrutin pour prolonger son mandat. Ce samedi 26 juin est un jour historique pour les quatre millions dhabitants. Ils fêteront le 50e anniversaire de leur accession à lindépendance, accordée par les Britanniques (le Somaliland fusionnera quelques jours plus tard avec lancienne colonie italienne pour former la Somalie, puis fera sécession en 1991) et ils éliront un président dont ils attendent beaucoup : amélioration des services publics, fin de la corruption, et surtout reconnaissance internationale.
Jour historique pour les quatre millions dhabitants
En attendant, le Somaliland doit se débrouiller comme il peut. Les ressources de lÉtat sont maigres. Les impôts et taxes sont difficilement perçus et plus de la moitié du budget est englouti par lappareil sécuritaire. Dans le port de Berbera, les gardes-côtes ne peuvent compter que sur leurs propres forces pour tenir à lécart les pirates venus du Puntland voisin.
« Voici les vedettes rapides quon a réussi à capturer », explique Ahmed Salah, commandant en second, flottant dans un treillis trop grand du haut de ses 60 ans bien tassés. Les deux vedettes des gardes-côtes accusent elles aussi leur âge. Mais les bateaux des pirates sont, eux, équipés de puissants moteurs tout neufs.
Dans son bureau, le gouverneur de la province, Mohamed Abdillahi, soupire de lassitude. « Vous savez, ça fait cinq ans environ que ça a commencé, que je vois défiler les délégations dans ce bureau. Des diplomates, des agents secrets, des entreprises de sécurité. Tout le monde me tient de beaux discours, me fait plein de promesses, mais au bout du compte, quest-ce que je vois ? Rien.
Plus de la moitié du budget est englouti par lappareil sécuritaire
Aucune des personnes venues me voir na même jamais repris contact. » Pour le gouverneur, le Somaliland est pourtant un allié naturel dans la lutte contre les pirates : la région somalienne autonome du Puntland, foyer des pirates, entretient depuis toujours des relations tendues avec les Somalilandais.
Dans la prison de Mandera, que nous navons pas été autorisés à visiter pour des raisons de sécurité, une centaine de détenus « sensibles » purgent leur peine, dont environ 70 pirates, la plupart attendant dêtre jugés, non sans difficultés juridiques. Les autres détenus sont des « shababs », des insurgés islamistes liés à Al-Qaida qui mettent en difficulté le gouvernement de transition installé à Mogadiscio et menacent de faire des émules dans le reste du pays.
La semaine dernière, à Burao, trois dentre eux ont été arrêtés en possession de matériel pour fabriquer des ceintures explosives. Ces militants islamistes ne sont pas une nouveauté ici. Lun de leurs chefs, connu sous le nom de guerre de Godane, est originaire du Somaliland. Il a exigé la libération des militants détenus à Mandera comme lune des conditions pour la libération de lagent français de la DGSE détenu depuis près dun an par les shababs après son enlèvement à Mogadiscio.
Personne nest sûr que le résultat du scrutin sera accepté
En visite à Paris fin mai, le président Kahin avait été reçu par Bernard Kouchner au Quai dOrsay, afin dévoquer le sujet. Mais, fier de sa souveraineté naissante, le Somaliland a résisté aux pressions. « Il ne pouvait faire autrement », analyse un proche de Kahin.
La reconnaissance internationale sera le principal sujet au programme du prochain président. Elle sera dautant plus aisée que lélection se déroulera paisiblement. Et sur ce plan, rien nest gagné. Certains jeunes excités considèrent la campagne électorale comme un prétexte pour parcourir les rues en se défoulant, tels des hooligans. Les insultes ne sont pas rares.
Les pierres volent parfois. Personne nest sûr que le résultat du scrutin sera accepté par les perdants. Mais si des violences éclataient, le Somaliland est plutôt bien armé pour un retour au calme. Les structures traditionnelles danciens, appelées « Gurtis », sont respectées, alors quelles ont échoué à restaurer la paix civile dans le reste de la Somalie. Cette tradition de conciliation est un élément précieux qui doit être préservé.
Nicolas HENIN,
à Hargeisa (Somaliland)