27/06/10 (B558) NouvelObs / Djibouti : l’homme à abattre (Info lecteur – A noter que Me Morice avait fait allusion à cet article lors de la conférence de presse du 24 juin)

Un homme d’affaires franco-djiboutien porte plainte contre le président Guelleh et son épouse

Il se passe toujours quelque chose en République de Djibouti.

Après la trouble affaire de la mort du juge Borrel, qui impliquait des personnalités au plus haut sommet de l’Etat, voici le scandale Boreh, un dossier qui pourrait bien déstabiliser l’actuel président de la République, Ismaïl Omar Guelleh, et son épouse Odette Haïd. Charles Boreh, ancien proche conseiller de ces derniers, les accuse des pires turpitudes.

Homme d’affaires franco-djiboutien, maître du port et propriétaire foncier richissime, Boreh, qui durant des années était resté dans l’ombre de ce couple sulfureux, a décidé en 2007 de se présenter à l’élection présidentielle de mars 2011.

L’imprudent s’en mord les doigts. Depuis, prétend-il, il est l’objet de toutes les turpitudes. Pour neutraliser l’ambitieux, le pouvoir en place aurait organisé sa ruine, spolié ses biens, torturé certains de ses collaborateurs, jeté en prison plusieurs membres de sa famille et même commis des assassinats. Un neveu de Charles Boreh aurait été retrouvé pendu dans sa cellule, ainsi qu’un cousin, alors qu’ils avaient été incarcérés sans aucun motif.

Sous le feu des menaces et des intimidations, Charles Abdourahman Boreh n’a eu d’autre choix que de fuir le pays.

Il vit entre Paris et Dubai et persiste dans sa volonté de jouer un rôle politique dans son pays. Il jure qu’il ne cédera pas aux pressions. A Djibouti, il est sous la menace d’un mandat d’arrêt.

L’exilé, de passage à Paris, protégé en permanence par des gardes du corps, vient de déposer une plainte, avec son avocat Olivier Morice, au tribunal de grande instance de Paris.

Sa chance ?

La femme du président Guelleh a, comme lui, la double nationalité franco-djiboutienne. La plainte est donc recevable à Paris. Charles Boreh attaque ses anciens amis et les accuse d’« extorsion de fonds en bande organisée, enlèvement et séquestration ; torture, acte de barbarie et assassinat ». Pas moins.

Ce dossier diplomatico-judiciaire sent la poudre et inquiète sérieusement le Quaid’Orsay, qui ne souhaite pas voir resurgir une polémique entre Paris et ce pays de la Corne de l’Afrique, stratégique pour nos intérêts militaires. Problème : il est pratiquement impossible d’éviter l’ouverture d’une information dans ce cas de figure.

« La seule chose qui pourrait empêcher la manifestation de la vérité dans ce scandale, souligne Me Morice, est le statut du président Guelleh. Il est protégé par son immunité présidentielle pendant la durée de son mandat. Mais sa femme, Odette Haïd, qui est française, ne bénéficie pas de ce privilège.

L’enquête peut donc démarrer dès aujourd’hui » Charles Boreh, en visite à Paris, ne cache pas sa détermination et attend avec impatience la désignation d’un juge d’instruction.

Il ira jusqu’au bout dans cette affaire d’Etat. Au risque d’agacer Paris. De son côté, Omar Guelleh, qui a déjà effectué deux mandats, ne peut logiquement se représenter en 2011.

Il vient d’annoncer qu’il envisage de réformer la Constitution pour rempiler une troisième fois. Pour échapper à la justice française ?

Serge Raffy