13/07/10 (B560) Dikkirissa, gardienne de la tradition pluriséculaire. Quand deux Fi’ma s’associent … (Ecouter aussi la chanson interprétée par Fatouma)

En langue Afar, La fi’ma* est un terme générique qui désigne une classe d’âge. Dikkirissa en est un exemple moderne assez singulier. Composée d’une cinquantaine de membres, cette fi’ma se distingue des autres classes d’âges par l’originalité de ses initiatives, pour le moins innovantes, qui caractérisent ses règles de fonctionnement.

A la base, toutes les fi’ma, dans la société Afar en général, et à Tadjourah en particulier, se reconnaissent dans une devise commune : SOLIDARITE, LOYAUTE en toutes circonstances entre leurs membres.

Chaque fi’ma est dirigée par un malak* dont le sens de la conduite des affaires de la structure sociale et celui des responsabilités sont plus qu’aiguisés.

Dini, le malak de Dikkirissa et Mohamed, son second, sont fidèles aux valeurs qui font la fierté de leur classe d’âges.

Parmi les membres de Dikirissa, l’on retrouve toutes les catégories sociales et professionnelles. Elles correspondent à un condensé de la société : des plus hauts fonctionnaires de l’administration djiboutienne, en passant par des policiers, des gendarmes, des pêcheurs, des enseignants, des ouvriers de tous secteurs d’activités, sans oublier des demandeurs d’emploi et autre chauffeurs de bus… mais aussi des hauts magistrats de la famille judiciaire…

Tous ces jeunes gens – trentenaires pour la plupart – entourent le malak qui s’emploie vaille que vaille à organiser le mieux-vivre ensemble au travers des projets d’insertion professionnelle pour ceux d’entre eux qui sont en quête d’emploi durable ou d’emploi tout court.

Pour ce faire, le malak n’hésite pas à solliciter les mieux lotis d’entre eux, à monter des dossiers de financements de projets pour tels autre membres de Dikkirissa. Il est important de noter au passage, que tous les membres de cette «famille», quel que soit leurs fonctions, sont tous considérés de façon égalitaire.

Lorsqu’ils se retrouvent (tous les jours à partir de 14h) dans un local situé dans un quartier modeste de la capitale djiboutienne, tout statut social disparaît. Le terme convenu qualifiant les membres de la fi’ma est d’ailleurs « Les Egaux ».

Les autres structures sociales du même genre qui s’élèvent à plus de vingt (20) pour Tadjourah, ne sont pas moins sensibles au principe de la solidarité et de la loyauté, mais ne les mettent pas en pratique au quotidien.

Très souvent, comme dans le passé, leurs membres se contentent de se retrouver à l’occasion d’une cérémonie de mariage ou de décès d’un de leurs membres.

La famille Dikkirissa n’entend pas uniquement partager sur le plan théorique cette vision de la solidarité et de la loyauté, mais elle invite, plutôt impose, à ses membres de croire à cette valeur au quotidien…

Aden, membre influent de Dikkirissa, proche collaborateur du malak, qui demeure pour sa part, la cheville ouvrière de sa fi’ma, croit dur comme fer à la nécessité impérieuse, de sauvegarder ce grand héritage culturel.

« Nous sommes dans une société de plus en plus individualiste et nous faisons de notre mieux pour ne pas sombrer dans ce phénomène qui sévit en ce moment », affirme Aden fièrement.

Son ami Mérito ajoute en substance « je pense que nous sommes en train de montrer un très bon exemple à la fois à nos aînés et à nos benjamins…qui sont de plus en plus prisonniers des soucis de la vie citadine…!».

Mieux encore, pour donner du crédit et du sens aux propos de Mérito, Dikirissa a scellé en ce début d’année 2010, un accord de partenariat fondé sur la solidarité et l’entraide avec une fi’ma sœur, appelée Aw’e kala.

Cette dernière comprend les aînés de Dikirissa (quadragénaires). Leur malak, l’imperturbable’ Houmed-Gaba incarne la force tranquille et le dialogue. Il est à la tête de sa classe d’âges depuis plus de vingt ans.

Sur l’initiative de leurs malak, les deux classes d’âges organisent des réunions en commun dans le but de se concerter et discuter de tout ce qui touche aux intérêts des membres de Dikkirissa et d’Aw’é kala.

Pour illustrer et pour fêter cet accord historique et pour le moins singulier, Fatouma, l’étoile montante de la musique djiboutienne a prêté sa voix, pour interpréter un texte, écrit par ce même Houmed-Gaba. qui vante les mérites des deux structures.

Nous leur souhaitons courage et plein succès.

Houmed Daoud

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______________________________ (*) Traduction

En afar : fiqma, Dikkiirisa, Awqe kala, malaak

En français : fi’ma, Dikkirissa, Aw’e kala, malak

– la fi’ma désigne à l’origine une classe d’âges. Elle peut être définie aujourd’hui comme une association à mission multiple : entraide, promotion du folklore culturel, etc.

Dikkiirisa (en afar) : non de baptême d’une fi’ma. « Dikkirisiyya » veut dire « plein d’énergie vibrante », « être portée par une dynamique », etc.