04/08/10 (B563) VERITE : Souvenir d’un soldat démobilisé

Abdi Bouh est un garçon très intelligent, robuste avec beaucoup de savoir faire. Il a servi l’Armée dans le nord, sous les ordres d’un sous-officier, le Sergent Guerissa,

Ce sergent avait été recruté dans le camp des réfugiés d’Ali-Adde. Certes illettré, il était issu du clan au pouvoir et il assumait toutes les missions spéciales : crimes, viols, confiscation des biens des nomades sur son secteur. L’objectif étant de faire fuir le maximum de familles vers l’Ethiopie.

Cette guerre avait été fabriquée et orchestrée par IOG, au seul motif d’anéantir la population Afar du nord en s’attaquant aux vieillards, aux faibles, aux femmes et aux enfants.

Cela se passe durant le ramadan. Un jeune berger nommé HOUMED venait d’être arrêté par des éléments avancés qui râtissaient le secteur. Au retour de la patrouille au camp, le jeune a été présenté au sergent Guerissa qui se trouvait sous sa tente.

Aussitôt le gradé ordonna d’attacher solidement le pauvre Houmed et de le placer sous surveillance jusqu’à la nuit. La garde du berger a été confiée à Abdi Bouh.

Celui précisera ensuite : "Comme l’on savait ce qui se passait dans le camp lors des arrestations d’innocents et les méthodes inhumaines et barbares du Sergent Guerissa, J’étais très malheureux d’assurer la garde de ce jeune qui n’avait commis aucune faute. J’ai aussitôt sympathisé avec le jeune. Parlant le français, il me raconta que durant cette guerre, il avait perdu ses parents et que son grand frère avait fui vers la frontière. A lui seul il devait assurer l’entretien de son grand père aveugle qui vit dans un toukoul.

Plus j’écoutais les malheurs de ce jeune citoyen sans defense, qui attendait la mort, plus j’ai eu pitié de lui. J’ai pris la plus grande décision de ma vie. Je me suis dit, tu es un homme, et tu dois sauver Houmed avant l’arrivée des bourreaux.

Je demandais au jeune, s’il connaissait bien le secteur et l’emplacement de son campement. Etonné il me confirma qu’il connaissait bien la topographie. C’est alors je lui proposai un plan pour s’évader.

Avant de me quitter, il m’a demandé mon adresse à Djibouti. Je lui ai dit. Je suis né au quartier 6, en face de la rue des Issas. Tu pourras me trouver facilement en cas de besoin, car je serai démobilisé bientôt. Les forces vives de l’Armée sont détournées par IOG pour satisfaire des intérêts personnels.

Je suis vraiment déçu de constater que l’AND est sous l’ordre directe du seul IOG qui manipule tout selon son bon vouloir. c’est lui seul qui nomme les officiers, qui limoge, qui détourne les missions. Il privilégie les officiers inhumains et incompétents sélectionnés au sein de son clan. Voici ce qu’est devenue notre Armée ?????"

Vers 19h30, le jeune Houmed escorté par son nouvel ami- sentinelle quitta le camp en direction vers son campement situé a une vingtaine de kilomètres. Il avait emporté quelques provisions, du pain et une bouteille d’eau. Il s’enfonça dans le noir, ayant retrouvé sa liberté et sa fierté d’être un bon berger compétent, aimé et reconnu par ses proches.

Entretemps, le Sergent Guerissa qui dort durant la journée et qui devient un diable et un ogre pendant la nuit préparait son plan pour éliminer le jeune Houmed.

Mais Houmed était libre comme le vent et il courait en chantant < IKITIMO> vers son village au milieu de sa famille et de sa population.

Vers 11h00, Guerissa préside la réunion des bourreaux. Il ordonne d’amener le jeune Houmed dans la salle d’interrogatoire.

Des crapules qui ne montaient même pas la garde, ont confirmé qu’ils avaient appris par des collègues qu’Houmed s’était évadé grâce à la complicité d’Abdi Bouh.

Aussitôt le Sergent tomba sur moi. Il m’a fait attacher tout nu en position (migue) dans un lieu obscure et plein de palu. Mon chef (!), le sergent Guerissa m’a même craché dessus et il me confirma que j’irais en prison pour le reste de ma vie.

J’étais humilié devant mes collègues de MOB. Moi, j’étais le seul citoyen né à Djibouti et je n’avais pas confiance en ces gens venus d’autres horizons.

C’est ainsi que j’ai souffert pour avoir sauvé la vie d’un jeune innocent qui aimait son pays. Je me rappelle très bien que pendant sa détention, il m’avait dit qu’il était né dans le petit Oued près du camp et que cela lui rappellait beaucoup de souvenir.

Les bourreaux, les éléments de la mort, ce sont des gens sélectionnés sur une base purement ethnique par les hauts responsables et IOG.

Il faut justifier de "compétences" très spéciales pour être intégré dans ce groupe.

– être issu du clan au pouvoir,
– ou avoir été un délinquant notoire,
– être surtout totalement illettré pour exécuter en tremblant les ordres des chefs,
– être proche du régime,
– être liés à des personnels de la sécurité militaire qui est dirigé par un membre du clan,
– Il est bien vu d’avoir été recruté dans l’un des camps de réfugiés Holl-Holl ou Ali-Adde,

Après une année et demi, Abdi Bouh a finalement été démobilisé, sans métier ni formation. Avec uns famille sur les bras, il siège désormais dans le vaste département du chômage créé par IOG pour ligoter tous les jeunes du pays.

Mais Abdi conserve beaucoup de souvenirs de son passage dans l’active et en particulier celui-ci, dont il est légitimement fier.