24/09/10 (B570) Nouvelles de Somalie – Chiquer du khat « contribue à la recrudescence de la TB à Burao » – Les civils pris entre deux feux – Kouchner dénonce un « attentat immonde », demande à l’ONU un « effort » – creuser pour avancer dans le champ de bataille urbain de Mogadiscio (4 articles)

____________ 4 – IRIN News (ONU)

SOMALIE: Chiquer du khat « contribue à la recrudescence de la TB à Burao »

Le nombre de patients tuberculeux a augmenté à Burao, dans la république indépendante autoproclamée du Somaliland, en Somalie, en raison de la consommation de khat et des déplacements de population de plus en plus nombreux, provoqués par la sécheresse et le conflit, selon des responsables.

« A l’heure actuelle, le centre hospitalier de Burao a admis 130 hommes et 30 femmes au service de traitement de la tuberculose [TB] », a indiqué à IRIN Abdijibar Mohamed Abdi, directeur du service de traitement de la tuberculose de l’hôpital. « Une des raisons qui expliquent le taux élevé d’infection chez les hommes, c’est qu’ils passent de longues heures à chiquer du khat dans des pièces mal aérées. Ces hommes sont également plus exposés en raison de la faim et du manque de sommeil, car ils chiquent le plus souvent la nuit ».

L’hôpital a soigné 1 200 patients tuberculeux depuis 2009, a expliqué le docteur Abdi. Il fournit des médicaments à 250-300 tuberculeux chaque trimestre, en vertu du système DOTS (traitement de courte durée sous supervision directe) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dans le cadre duquel les travailleurs de la santé s’assurent que les patients prennent les doses de médicament qui leur ont été prescrites, a-t-il ajouté.

Autre facteur de recrudescence, a indiqué le docteur Abdi, le manque d’accès des communautés nomades aux centres de santé.

« Ces personnes ne s’installent nulle part et ne sont peut-être pas suffisamment sensibilisées à la TB. Comme il est difficile de communiquer avec elles car bon nombre d’entre elles font paître leurs troupeaux loin des centres de santé, certaines finissent par contribuer à la propagation de la TB », a-t-il dit.

En outre, a-t-il expliqué, de nombreuses personnes déplacées par la sécheresse ou le conflit ne viennent pas se faire soigner. « Lorsque les gens se trouvent dans de telles conditions d’urgence, leur propre santé n’est pas la priorité ».

Selon le docteur Abdi, l’hôpital a récemment construit deux unités de traitement de la tuberculose supplémentaires pour pouvoir faire face à l’augmentation du nombre des patients.

Problèmes de santé publique

« Une des raisons qui expliquent le taux élevé d’infection chez les hommes, c’est qu’ils passent de longues heures dans des pièces mal aérées » Pour Hussein Mohumed Hog, médecin représentant du ministère de la Santé du Somaliland, la tuberculose est un problème de santé publique « énorme » dans la région de Togdheer, où se situe Burao, et la gestion de la maladie est d’autant plus compliquée que les travailleurs de la santé n’ont pas été rémunérés depuis quatre mois.

« La région de Togdheer [dans l’est] affiche un des taux de TB les plus élevés, pourtant les travailleurs de la santé n’ont pas perçu de salaire pendant la période de transition, depuis les élections présidentielles de juin ; cela fait l’objet d’une des plaintes que nous avons reçues de la part du personnel », a dit le docteur Hog. « Le ministère est en train de procéder au versement de ces salaires et prévoit de rouvrir la plupart des centres de santé mère-enfant des zones urbaines de l’est du Somaliland pour assurer le suivi des cas de TB ».

Selon d’anciens rapports du ministère somalien de la Santé, Togdheer, Mudug et Bay comptent parmi les régions du Somaliland qui affichent des taux de tuberculose élevés, a indiqué le docteur Hog.

Le centre hospitalier de Burao a été construit en 1945, sous l’empire britannique.

Selon le docteur Abdi, les autorités locales de Burao ont, depuis lors, rénové la structure, qui bénéficie également de financements accordés par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Cela a permis d’assurer que les populations urbaines aient facilement accès à un centre de santé offrant des services de traitement de la tuberculose, a-t-il dit.

« Nous ne manquons pas de médicaments ; nous les obtenons auprès du Fonds mondial, par l’intermédiaire de World Vision International et de l’OMS », a dit le docteur Abdi. « La communauté commerçante locale soutient aussi certaines structures de l’hôpital ».

_______ 3 – Radio Canada avec AFP et Presse canadienne

Les civils pris entre deux feux

Au moins 21 civils ont été tués et 86 autres blessés quand des insurgés islamistes ont attaqué les forces gouvernementales et la force de paix de l’Union africaine (AMISOM) à Mogadiscio, la capitale de la Somalie.

Les combats se sont déroulés à l’aube au nord et au sud de la ville, où sont situées les forces du gouvernement de transition (TFG) et celles de l’AMISOM.

Selon le chef du service d’ambulances de Mogadiscio, Ali Muse, la plupart des civils ont été victimes de bombardements sur le marché densément peuplé de Bakara.

Un obus est entre autres tombé sur un camion rempli de passagers.

Je n’ai jamais vu un tel bain de sang, neuf personnes sont mortes d’un coup à Bakara.

— Abdirahman Adan, témoin.

Le porte-parole de l’AMISOM, Ba-Hoku Baridgye, a déclaré que 25 combattants islamistes ont été tués dans les districts de Hodan et Holwadag tandis qu’un soldat a perdu la vie et deux autres ont été blessés.

Cette attaque vient après l’annonce par le groupe militant al-Shabab, le mois dernier, d’une « nouvelle » guerre contre le gouvernement somalien fragile. Le groupe militant a lancé une offensive le 23 août qui a duré plus de 10 jours et qui a forcé les troupes du TFG à abandonner plusieurs de leurs positions avancées.

Plus de 7000 soldats de l’Union africaine sont stationnés à Mogadiscio pour protéger le gouvernement transitoire, qui a l’appui des Nations Unies.

La Somalie n’a pas eu de gouvernement fonctionnel depuis 1991 et les militants d’al-Shabab, considérés comme les plus dangereux du pays, désirent renverser le gouvernement transitoire et gouverner le pays selon une interprétation stricte de l’Islam.

Au cours des trois dernières années, il est estimé que le conflit entre les forces gouvernementales et les militants a coûté la vie à plusieurs milliers d’habitants de Mogadiscio et déplacé des centaines de milliers d’autres.

Selon plusieurs associations de défense des droits de la personne, les forces armées ainsi que les militants ont tiré sur des quartiers densément peuplés au cours de la bataille de Mogadiscio.

L’AMISOM affirme tout faire pour épargner la vie des civils. De son côté, le gouvernement somalien a déclaré que des militants tués pendant les combats sont parfois inclus comme civils dans les bilans.

______________________ 2 – AFP

Somalie: Kouchner dénonce un "attentat immonde", demande à l’ONU un "effort"

Le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner a condamné jeudi un nouvel "attentat immonde" des insurgés islamistes à Mogadiscio, demandant aux agences de l’ONU de "faire un effort" avant une réunion aux Nations-unies sur la Somalie.

Les shebab ont lancé jeudi une nouvelle attaque à Mogadiscio contre les forces gouvernementales et la force de paix de l’Union africaine (Amisom), au cours de laquelle au moins 19 civils ont été tués, ont indiqué des sources médicales et des témoins.

"Il y a encore un attentat immonde avec des femmes et des enfants qui ont été tués dans Mogadiscio, et nous attendons que se manifeste avec plus de fermeté la communauté internationale", a dit à l’AFP le ministre français, avant de prendre part à un mini-sommet sur la Somalie à l’occasion de l’Assemblée générale.

"Nous soutenons le gouvernement légal (de transition, TFG), mais il faut que cela se traduise par quelques victoires sur le terrain. On ne peut pas simplement défendre deux quartiers de Mogadiscio, ce que les forces des Nations-unies font d’ailleurs très bien", a-t-il observé.

"Il va falloir que se manifestent d’autres forces populaires pour soutenir ce gouvernement", a estimé le ministre.

"Nous allons dire (à la réunion) qu’au moins les agences des Nations-unies doivent faire un effort", a-t-il ajouté.

M. Kouchner a observé que "la France a entraîné 2.000 soldats" somaliens censés renforcer le pouvoir légal face aux insurgés. "Mais où sont ces soldats. Je voudrais bien savoir à quoi ils servent et à qui ils obéissent?", a-t-il dit.

Cette nouvelle attaque shebab intervient après une violente offensive lancée le 23 août par les insurgés dans la capitale et qui a duré près d’une dizaine de jours. Les forces du TFG avaient alors abandonné plus d’une dizaine de leurs positions avancées sur les lignes de front, forçant l’Amisom à intervenir pour les remplacer.

______________________ 1 – AFP

Somalie: creuser pour avancer dans le champ de bataille urbain de Mogadiscio

Hervé BAR

Cela s’appelle la "tactique du trou de souris et du tunnel". Dans Mogadiscio en guerre, les troupes ougandaises de la force africaine (Amisom) mettent en oeuvre une nouvelle méthode pour progresser, maison par maison, vers les positions des insurgés shebab.

A coup de pioches et de pelles, en un long travail de fourmis, les soldats déployés sur la ligne de front d’Hodan, en plein centre de la capitale, se font un chemin dans un dédale d’habitations abandonnées et de ruelles sablonneuses.

Ce qui fut sans doute autrefois un quartier cossu, avec ses agréables villas au jardinet ombragé dissimulées derrière de hauts murs d’un blanc immaculé, n’est plus qu’une ville fantôme aux façades éventrées par la mitraille.

Sacs plastiques souillés et douilles d’armes automatiques jonchent des allées devenues de minces sentiers, mangées par les épineux.

Tels des squelettes d’acier, des carcasses tordues de voitures encombrent carrefours et arrière-cours, témoignages des batailles de rues acharnées qui se sont déroulées ici.

Appuyés par des miliciens pro-gouvernementaux du chef de guerre Yousouf Mohamed Zihad Indaade, les soldats ougandais y sont stationnés dans le poste de Terabunka face aux shebab.

De cette place forte avancée, qu’ils occupent depuis près d’un mois et défendue par des chars T-72, les hommes de l’Amisom affirment avoir pris possession en trois semaines d’environ 25 maisons, progressant de plus 200 mètres en direction du marché de Bakara, un bastion de l’insurrection.

"Tant que nous le pouvons, nous avançons. Lentement mais sûrement, nous arriverons à Bakara", promet le colonel Anthony Lukwabo, patron du secteur.

Aux grandes avancées en engins blindés sur les axes routiers, l’Amisom privilégie là une discrète tactique du grignotage. "Si je passe par les grandes rues, les insurgés me voient et déclenchent leur feu", explique l’officier.

On circule d’une habitation à l’autre par un tortueux réseau de trous, chemins de traverse et échelles de bois. Chaque pouce de terrain conquis est fortifié en poste de combat et occupé par des soldats en armes.

Au hasard de ce labyrinthe, une vingtaine d’hommes creusent une allée poussiéreuse et remplissent des sacs de sable: "ils se préparent à faire mouvement", chuchote leur chef.

Derrière les battants de fer rouillé d’un portail brinquebalant, une patrouille se repose dans la pénombre d’une bâtisse en ruines.

Dans le jardin de mauvaises herbes, un militaire tout sourire fait réchauffer la popote sur une bûche enflammée.

A l’étage, une mitrailleuse lourde pointe par la lucarne d’une pièce couleur pastel, sans doute une ancienne chambre d’enfant, vestige émouvant d’une paisible vie de famille engloutie.

Sur le toit en terrasse, un mortier de 60 mm et un lance-grenades en batterie. Protégé par une muraille de sacs de sable kaki, des soldats scrutent les lignes ennemies presque prises à revers. Les tirs des snipers insurgés sifflent aux oreilles.

"Peu à peu nous approchons de l’objectif", poursuit le colonel Lukwabo, "j’ouvrirai le feu le moment venu".

"Capturer une zone, la consolider, puis avancer de nouveau", résume le porte-parole de l’Amisom, le major Ba-Hoku Barigye: "c’est simple mais ça marche", assure-t-il.

Pour l’armée ougandaise, plus habituée à la guerre de bush, c’est une étape de plus dans son apprentissage du combat en ville sur le champ de bataille de Mogadiscio.

Difficile de juger de l’efficacité de la méthode. De facto, les Ougandais occupent aujourd’hui une zone contrôlée il y a quatre mois encore par les insurgés, à environ 700 mètres au nord du carrefour stratégique "K4".

"Elle nécessite cependant un important déploiement en hommes", remarque le major Ba-Hoku, alors que l’Amisom, forte de 7.200 Ougandais et Burundais, souffre d’un cruel manque d’effectifs