16/11/10 (B578) Yémen Express – Le Yémen lance une vaste opération contre Al Qaïda – Vers la perte du statut automatique de réfugiés pour les Somaliens (2 articles)

______________ 2 – Paris Normandie avec Reuters

Le Yémen lance une vaste opération contre Al Qaïda

par Mohamed Soudame
Jean Stéphane Brosse et Marc Delteil
pour le service français,
édité par Gilles Trequesser

Les autorités yéménites ont annoncé mardi avoir déclenché une vaste opération antiterroriste contre Al Qaïda, dont le renforcement de la présence dans le sud de la péninsule arabique inquiète l’Occident.

L’opération vise notamment à mettre la main sur l’activiste saoudien Ibrahim Hassan al Assiri, soupçonné d’avoir conçu les tentatives d’attentats au colis piégé déjouées vendredi à bord d’avions-cargos venant du Yémen et à destination des Etats-Unis.

L’opération menée par les forces de sécurité yéménites dans les provinces méridionales désertiques et difficiles d’accès de Maarib et Chaboua vise également à capturer l’imam radical d’origine américaine Anouar Al Aoulaki, recherché « mort ou vif » par Washington.

Aoulaki, qui a appelé les musulmans des Etats-Unis au « djihad », a reconnu en février avoir eu comme disciple au Yémen le jeune Nigérian qui avait tenté de faire sauter le 25 décembre 2009 un avion de ligne américain assurant une liaison entre Amsterdam et Detroit.

Selon des responsables américains, le prédicateur yéménite, dont le gouvernement de Sanaa refuse par avance l’extradition aux Etats-Unis, était en outre en relation avec le psychiatre militaire américain de confession musulmane qui avait tué 13 de ses collègues il y a un an sur une base du Texas.

Au moment même où les autorités yéménites disent être passées à l’offensive contre Al Qaïda, l’organisation djihadiste est soupçonnée d’avoir fait sauter mardi, grâce à un engin à retardement, un petit oléoduc dans la province de Chaboua dont l’opérateur est sud-coréen.

PETIT PRODUCTEUR

Al Qaïda a menacé dans le passé de s’en prendre aux infrastructures pétrolières et gazières du Yémen, mais ce type d’attaque a été plutôt rare jusqu’à présent et généralement attribué à des tribus mécontentes du gouvernement central.

Le mois dernier, un activiste passant pour être lié à Al Qaïda a abattu un ressortissant français sur un site de la compagnie d’hydrocarbures autrichienne OMV à Sanaa.

Le Yémen est un petit producteur de pétrole – 300.000 barils par jour – par comparaison notamment à son voisin saoudien – et toute interruption de sa production n’aurait pas d’impact majeur sur le marché.

Mais les bastions djihadistes sont situés dans les régions productrices du pays, posant une menace pour sa stabilité et nourrissant les craintes des pays occidentaux.

Le président américain Barack Obama a accru cette année l’aide américaine à ce pays, lui fournissant pour 150 millions de dollars d’assistance militaire.

Des drones américains réunissent des informations sur les activités des islamistes au Yémen et ont occasionnellement tiré des missiles sur des cibles humaines, même si ni Washington ni Sanaa ne le reconnaissent.

Mais les efforts déployés en commun cette année par les Etats-Unis et le Yémen n’ont pas réussi à neutraliser la direction d’Al Qaïda sur la péninsule arabique (Aqpa).

L’Association internationale du transport aérien (Iata) a pour sa part mis en garde contre des décisions précipitées en matière de sécurité aérienne dans la foulée de l’interception des deux colis piégés.

__________________ 1 – Irin News (ONU)

SOMALIE-YÉMEN: Vers la perte du statut automatique de réfugiés pour les Somaliens

Le Yémen a beaucoup de mal à faire face aux arrivées massives de Somaliens par bateau et tente de mettre fin au statut de réfugié prima facie (accès automatique à l’asile) qu’il leur accorde depuis 20 ans.

Le gouvernement dit que certains sont des migrants économiques et ne devraient pas avoir automatiquement le statut de réfugié et que les autres sont des militants qui essaient de rejoindre des groupes d’Al-Qaida pour déstabiliser le pays.

« Tous les Somaliens ne fuient pas le conflit. Beaucoup de ces immigrants viennent de régions sans danger comme Bosasso [un port dans la région du Puntland, au nord de la Somalie] à la recherche de meilleures opportunités économiques », a dit à IRIN Essam Al-Mahbashi, un membre du sous-comité de la Commission yéménite pour les réfugiés (National Committee for Refugee Affairs, NCRA).

Selon lui, l’émergence en Somalie de groupes extrémistes, comme as Al-Shabab, est l’une des raisons pour lesquelles le Yémen veut mettre un terme à la politique de statut de réfugié prima facie.

« Des membres de ces groupes veulent entrer au Yémen pour aider Al-Qaida à organiser ses complots contre la sécurité et la stabilité nationales », a dit M. Al-Mahbashi.

Le NCRA, qui travaille avec l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a été mandaté pour mettre en application la nouvelle mesure lorsqu’elle prendra effet.

Mohammed Al-Fuqmi, rapporteur du NCRA, a rappelé que la proposition de ce changement de politique avait été soumise au Conseil des ministres pour approbation il y a deux mois.

« Le gouvernement doit s’assurer le soutien international pour couvrir les coûts engagés pour rapatrier les immigrants illégaux, qui n’ont pas droit au statut de réfugié, avant que la nouvelle mesure ne prenne effet », a-t-il dit. « Le statu quo nécessite ce changement de politique ».

Il a dit que tous les immigrants seraient ramenés dans leur pays d’origine par avion « en coordination avec leur gouvernement », mais il n’a pas expliqué ce qui se passerait dans le cas de la Somalie qui n’a pas de gouvernement en place.

M. Al-Mahbashi a déclaré que les demandeurs d’asile somaliens et non somaliens seraient traités de la même manière dans le cadre de la nouvelle politique.

« Des processus de filtrage plus stricts et reconnus internationalement vont être appliqués à chaque cas individuel, afin de déterminer qui mérite le statut de réfugié », a-t-il dit, et il a ajouté que ceux-ci seraient appliqués une fois que le processus actuel d’enregistrement des réfugiés serait terminé, dans plusieurs mois.

Le 18 janvier, le ministre de l’Intérieur avait annoncé que tous les réfugiés qui n’étaient pas enregistrés au Yémen devaient s’inscrire auprès des autorités dans les deux mois suivants.

Les groupes extrémistes tenus pour responsables

Date butoir pour l’enregistrement des réfugiés Les réfugiés somaliens rendent les groupes extrémistes de leur pays responsables des conditions misérables qu’ils doivent endurer chez eux et au Yémen.

« Ils nous ont forcés à fuir la Somalie. Et maintenant, ils nous créent des problèmes au Yémen. C’est à cause d’eux qu’il nous est trop difficile d’obtenir le statut de réfugié », a dit à IRIN Enab Abdullah, une femme somalienne de 35 ans, à Sanaa, la capitale du Yémen.

« J’ai obtenu ma carte de réfugié du centre d’enregistrement de Sanaa le mois dernier, mais mon mari n’a pas pu en avoir une, parce qu’il était soupçonné d’avoir des liens avec ces groupes », a-t-elle dit. « Ils veulent le forcer à rentrer en Somalie où la situation empire de jour en jour ».

Patrick Duplat, de l’ONG Refugees International (RI) a dit que RI encourageait les pays, dont le Yémen, à fournir aux Somaliens la plus large protection possible, étant donné la situation qui règne actuellement chez eux.

Cependant, a-t-il dit, la nouvelle politique du Yémen serait en accord avec les lignes directrices sur les Somaliens récemment émises par le HCR : celles-ci permettent le filtrage, mais demandent que les Somaliens à qui n’est pas accordé le statut de réfugié reçoivent « des formes complémentaires de protection internationale ».

« Nous appelons cependant à la prudence : Une politique d’asile plus restrictive envers les Somaliens fait partie d’une tendance plus générale dans la région marquée par une xénophobie croissante et une augmentation des arrestations et des détentions arbitraires ».

Selon le HCR, il est trop tôt pour juger la proposition de changement du gouvernement yéménite.

Le gouvernement affirme qu’il y a environ 780 000 Africains au Yémen, dont la plupart, selon lui, sont des immigrants illégaux. D’après le HCR, il y avait environ 178 000 réfugiés africains au Yémen en juin 2010, dont 168 000 Somaliens. La population du Yémen est de quelque 23 millions.

Pour M. Al-Mahbashi, seulement 10 pour cent des Africains qui arrivent au Yémen passent par les centres d’accueil gérés par le HCR.