21/11/10 (B579) Forum de l’opposition djiboutienne à Londres, le 20/11/10 – La Voix au Chapitre – déclaration de M. Aïnache.

FORUM DE L’OPPOSITON DJIBOUTIENNE
Londres, le 20 novembre 2010.

PAS FACILE D’ÊTRE OPPOSANT A DJIBOUTI !

Pour se réunir, réfléchir ou échanger sur la vie politique, syndicale ou même culturelle, cela devient pratiquement impossible pour la grande majorité des Djiboutiens de s’organiser dans leur propre pays.

Toute tentative de cet ordre est à priori soupçonnée d’être une mauvaise intention de la part des personnes ou des groupes. Ceux-ci sont aussitôt assimilés à des ennemis de la république.

Car dans l’esprit de nos dirigeants, tous ceux qui ne font pas partie du cercle réduit des courtisans sont des ennemis de l’ordre établi.

C’est la raison pour laquelle l’opposition politique, syndicale, ou tout autre groupe souhaitant échanger un point de vue sur son propre pays est contraint de le faire hors des frontières nationales, comme c’est le cas aujourd’hui, à Londres. On peut rappeler que bien d’autres réunions semblables ont précédé celle ci et dont les plus récentes sont Bruxelles, Ottawa ou Paris.

Mon souhait, et sans me tromper, le souhait de chacun d’entre nous qui avons fait l’effort d’organiser ce forum ou d’y participer en venant, pour certains de loin, est que notre rencontre serve à faire avancer la coalition de l’opposition et envoie un énorme signal d’encouragement à tous les Djiboutiens qui souffrent sous ce régime policier.

Les thèmes choisis pour cette rencontre sont aujourd’hui:

  • 1er – Non au 3ème mandat et au viol de la constitution
  • 2ème – Des réformes démocratiques y compris des élections libres et transparentes
  • 3ème – Débat : Djibouti, quel avenir avec une dictature et dans une région troublée ?

Le viol de la constitution qui s’est opéré avec les obligés du président, manifestement sans douleur, n’est pas et ne peut être validé par personne encore moins par nous qui sommes rassemblés ici, maintenant, et ceux qui se battent au risque de leur vie au pays.

La preuve s’il en était besoin, la démonstration de la population à Djibouti mardi dernier, jour de l’aïd, à l’appel de l’UAD.

En modifiant la constitution, le président n’a même pas pris la peine de cacher ses intentions. En procédant de la sorte, il visait sans vergogne une présidence à vie. Cela lui parait aller de soit car ayant reçu cette fonction en héritage, dans son esprit il se doit de rester suffisamment longtemps pour léguer la présidence aux siens.

Alors, la première question posée est : comment s’opposer à cette élection anticonstitutionnelle programmée pour le mois d’avril 2011, soit dans seulement cinq mois ?

A la dernière élection présidentielle d’avril 2005, l’opposition avait choisi le boycott, après avoir constaté que les conditions minimales pour participer dignement à cette élection n’étaient pas réunies

Le président sortant qui se présentait à sa propre succession, n’a pas non plus pu susciter un seul candidat, même de complaisance, comme challenger.

Malgré tout, cela ne l’a pas gêné d’aller seul à l’élection dont il avait à l’avance programmé son succès. D’où le surnom dont le journal La Réalité l’a affublé  »LE CANDIDAT SOLITAIRE »

Deux mandats illégitimes :

Le tenant du titre a bénéficié, jusqu’à maintenant de deux mandats illégitimes.

Comme chacun sait, l’élection de 1999 fut très fortement contestée et l’opposition s’est senti volée de sa victoire comme aux législatives de 2003, locales de mars 2006 et législatives de février 2008.

Ni pour l’une ni pour les autres, le pouvoir n’a pu (ou voulu), jusqu’à ce jour, démontrer la véracité de sa victoire ni donner aucun éclaircissement quant à l’organisation et aux résultats du scrutin.

L’élection du second et dernier mandat fut la plus ridicule en l’espèce.

Le candidat sortant n’a même pas pu trouver un adversaire de complaisance pour sauver les apparences. En raison du refus de l’opposition de servir de caution à une élection mascarade, il fut contraint d’aller faire sa cuisine seul.
Les conditions non remplies de l’élection de 2005 sont toujours d’actualité et par conséquent il n’y a eu aucune évolution qui pourrait infléchir la position de l’opposition regroupée au sein de l’UAD.

C’est la raison pour laquelle, les dirigeants de l’UAD préconisent une nouvelle fois, la non participation à cette élection mascarade annoncée.

Il est toujours difficile pour un démocrate de refuser de participer à une élection. Mais quand les dés sont pipés et que tout est joué d’avance en bafouant les règles minimes élémentaires acceptables, il est criminel et irresponsable de cautionner une élection truquée.

Notre Autocrate est un adepte de la malheureuse phrase de l’ancien président français J. CHIRAC, je cite : »Il faut laisser les dictateurs gagner les élections, sinon ils ne l’organiseront pas ».

Pour finir, permettez-moi d’aborder, la troisième question posée pour notre rencontre :

Quel avenir avec une dictature et dans une région troublée ?

Sans espace de liberté, nous nous réunissions une fois de plus en dehors de notre pays. La parole publique est confisquée sauf dans les Mabrazes truffés d’oreilles intéressées.

Nous apprenons régulièrement la difficulté que rencontrent les militants des partis légalisés de se rendre dans les annexes afin de participer à des réunions ou de rencontrer les dirigeants.

Ils subissent constamment à proximité des sièges des partis ou aux domiciles de certains dirigeants des provocations et intimidations policières.

Nous savons désormais que le recours à la guerre civile est la pire des solutions et pourtant cela nous traverse parfois l’esprit.

Certains d’entre nous ont franchi ce pas avec toutes les conséquences que cela a pu engendrer. L’expérience de la guerre civile (dont les braises couvent encore de nos jours) des années quatre vingt dix avec son cortège de malheur a stoppé net le développement du nord de la république.

Il ne faut pas perdre de vue que le conflit sommeille en nous, prêt à surgir.
Pour éviter une nouvelle guerre civile abominable, nous sommes forcés d’abandonner nos divisions intestines qui en définitive ne profitent qu’aux tenants du pouvoir.

Il est illusoire de vouloir établir une nation sans des citoyens égaux. Il ne se passera rien de sérieux dans le domaine politique tant que l’unité politique ne sera pas réalisée autour d’un leader charismatique adoubé par l’opposition nationale.

La malédiction Djiboutienne veut que les politiciens visent une alternance ethnique ou tribale au lieu d’une alternance des programmes politiques.

Ce n’est pas que nous manquons de généraux, mais d’un GENERAL EN CHEF.

Tout le monde se souvient de la raillerie de l’ancien Secrétaire d’État USA, Henri Kiesinger à propos de l’absence d’un interlocuteur représentant l’Europe dans les années quatre vingt : ‘’L’Europe quel numéro de téléphone ? »

D’où vient cette impuissance sinon des rivalités ethniques et tribales savamment entretenues ?

Pour ma part, je me demande souvent, si le pouvoir ne rêve pas d’entretenir un conflit permanent le rendant indispensable aux yeux des puissances étrangères qui sont évidemment inquiètes à propos de leurs intérêts économiques et géostratégiques dans cette région troublée !

Ainsi, notre président leur vend l’idée qu’il est par sa fermeté et sa longévité au pouvoir, le garant de la stabilité dans la région.

On murmure ça et là qu’il n’est pas étranger aux conflits qui perdurent en Somalie

Notre président, par son refus d’affronter le débat démocratique, s’approprie l’adage que les chrétiens attribuent à Jésus-Christ : Celui qui n’est pas avec moi est contre moi. Donc pas de débat, pas de démocratie pas de civisme.

Depuis toujours, les occidentaux ont privilégié leur intérêt stratégique qui vient de prendre une dimension colossale avec la guerre civile en Somalie qui perdure depuis bientôt vingt ans et ses conséquences multiples.

La désormais célèbre et très ‘’lucrative » piraterie maritime au large de la Somalie a augmenté l’intérêt déjà réel aux yeux du monde sur notre petit pays.

Notre pays a donc pris, à cause ou grâce, c’est selon, les troubles de la région et la piraterie, une dimension qui nous dépasse. Nos dirigeants n’ont vu que les retombées financières comme d’habitude à leurs usages personnels.

Leur cupidité les a aveuglés et comme toujours, ils n’ont pas su trier le bon grain de l’ivraie.

Nous intéressons, à n’en pas douter, le monde entier. Il faut que nous soyons à la hauteur de l’espoir d’une stabilité que notre pays suscite.

Nous avons claironné et voulu que notre pays soit une « terre de rencontre et d’échange » et je suis persuadé que nous pouvons restaurer cette maxime. Il ne suffit pas de le dire mais il faut le faire.

Le plus important ce n’est pas de se doter des institutions sur papiers et de se flatter de voter des lois mais de les appliquer !

La mobilisation générale des démocrates préconisée à de multiples reprises doit s’organiser rapidement. Parce que nous n’avons plus de temps à perdre.

Il est plus qu’urgent que nous prenions lors de cette rencontre des décisions audibles, visibles et concrètes pour mettre hors d’état de nuire ce pouvoir usurpé qui n’a que trop duré.

Vive le peuple Djiboutien uni !

Vive la Démocratie!

AÏNACHÉ