28/01/11 (B588) Nouvelles de Somalie – Plus de 6.000 blessés en 2010 à Mogadiscio – la transition doit être achevée en août, rappelle l’ONU – des blessés de guerre toujours plus nombreux dans les hôpitaux de Mogadiscio – l’impasse, ou presque, après vingt ans de guerre civile (4 articles)

___________________ 4 – 20 minutes (France) avec Reuters

Somalie: Plus de 6.000 blessés en 2010 à Mogadiscio

Les combats entre forces somaliennes et insurgés islamistes à Mogadiscio ont fait plus de 6.000 blessés en 2010, un record depuis au moins dix ans, selon les chiffres fournis ce jeudi par la Croix-Rouge internationale. Ces blessés, dont près de 40% étaient des femmes et des enfants, ont été soignés dans les hôpitaux de Keysaney et Medina, les plus importants de la capitale.

En 2009, les affrontements à Mogadiscio avaient fait 5.000 blessés, et 2.800 l’année précédente. Aucun chiffre n’a été fourni sur le nombre de tués.

____________________ 3 – Centre Actualité de l’ONU

Somalie : la transition doit être achevée en août, rappelle l’ONU

« Nous avons moins de sept mois avant la fin de la transition, et pourtant beaucoup reste à faire. Il ya eu un accord unanime, tant à l’intérieur et l’extérieur de la Somalie, que la période de transition doit prendre fin en août, comme prévu par l’Accord de paix de Djibouti », a souligné mercredi, le Représentant spécial de l’ONU en Somalie, Augustine P. Mahiga, en marge du Sommet de l’Union africaine qui s’est ouvert à Addis-Abeba, en Ethiopie.
Il a annoncé qu’une réunion spéciale de haut niveau sur la Somalie, convoquée conjointement par le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et le Président de la Commission de l’Union africaine, Jean Ping, se déroulerait en marge du sommet afin de « passer en revue l’état actuel du processus de paix en Somalie ».

« Cette réunion intervient à un moment crucial dans le processus de paix somalien », estimé Augustine P. Mahiga, avant d’indiquer que le Gouvernement fédéral de transition avait mis au point « une feuille de route sur les tâches prioritaires qu’il aura à accomplir avant la fin de la transition en août ».

« Dans l’intervalle, les consultations se poursuivent pour élaborer un consensus sur la façon de mettre fin à la transition et sur la nature des arrangements politiques qui seront mis en place ensuite », a poursuivi le Représentant spécial.

Selon lui, pour savoir « ce qui suivra la fin de la transition », il faut « commencer par des consultations internes entre les Somaliens eux-mêmes, dans un processus qui englobe toutes les toutes les parties prenantes, afin d’établir un consensus sur la marche à suivre ».

Il a ensuite indiqué que ce processus de consultations avait déjà commencé au sein des Institutions fédérales de transition (IFT), où des échanges entre le Président, le Président du parlement et le Premier ministre sont en cours. Augustine P. Mahiga a par ailleurs entamé des consultations avec d’autres intervenants de la région et la communauté internationale.

« Il est essentiel que le processus visant à trouver un consensus assurent la pérennité des gains engrangés à ce jour et qu’ils demeurent au-delà de la fin de la transition », a-t-il insisté, avant de se dire « confiant » dans la volonté des Somaliens de travailler avec la communauté internationale pour réaliser « leurs aspirations à une paix durable et à la stabilité dans leur pays ».

« Après deux décennies de souffrances, le moment est venu pour la Somalie de redevenir une nation dont les citoyens peuvent vivre une vie fructueuse, dans la paix et la sécurité », a-t-il conclu.

L’Accord de paix de Djibouti signé en 2008, sous la houlette de l’ONU, prévoit l’intégration de toutes les factions armées dans une coalition, à l’exception des opposants irréductibles, comme les dirigeants islamistes d’Al-Shabaab, pour une période de transition devant s’achever en août 2011.

Alors qu’approche l’anniversaire de deux décennies sans gouvernement national fonctionnel en Somalie, l’ONU a appelé lundi la communauté internationale à intensifier son appui à ce pays qui lutte pour consolider la paix et améliorer le sort de sa population. De grandes parties de la Somalie restent en proie à des affrontements, entraînant une situation humanitaire catastrophique pour plus de deux millions de personnes.

_______________________ 2 – CICR

Somalie : des blessés de guerre toujours plus nombreux dans les hôpitaux de Mogadiscio

Le nombre de blessés de guerre traités dans les deux grands hôpitaux de la capitale somalienne, Mogadiscio, a atteint un niveau très élevé en 2010.

Plus de 6 000 patients ont été admis dans les hôpitaux Keysaney et Medina l’an dernier, contre 5 000 en 2009 et quelque 2 800 en 2008.

L’hôpital Keysaney, géré par le Croissant-Rouge de Somalie, et l’hôpital communautaire Medina sont tous deux soutenus par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

« Les médecins et le personnel infirmier de ces établissements travaillent sans relâche pour faire face à l’afflux constant de patients », déclare Pascal Mauchle, chef de la délégation du CICR en Somalie. « Il semble que les combats sont devenus plus fréquents. Les personnes gravement blessées affluent à toute heure – même en plein milieu de la nuit. Nous sommes particulièrement préoccupés par le grand nombre de civils, notamment de femmes et d’enfants, victimes de blessures par arme. »

Quelque 2 300 femmes et enfants ont été admis dans les hôpitaux Keysaney et Medina l’an dernier avec des blessures de guerre – soit près de 40 pour cent de tous ces accidents. Bon nombre avaient été pris dans des combats violents opposant les forces du Gouvernement fédéral de transition, soutenu par l’Union africaine, à des groupes comme Al-Shabab.

Le CICR et le Croissant-Rouge de Somalie rappellent une fois de plus à toutes les parties au conflit qu’elles doivent se conformer au droit international humanitaire, en particulier en veillant constamment à ce que les opérations militaires soient conduites de manière à épargner la population civile. Les parties au conflit doivent distinguer en tout temps les civils des combattants. Elles ne doivent pas recourir à des moyens et méthodes de guerre indiscriminés. Le personnel médical, les hôpitaux et les dispensaires doivent être respectés et protégés en toutes circonstances.

Les hôpitaux Keysaney et Medina traitent tous les patients, indépendamment de leur origine ethnique et de leur appartenance religieuse ou politique. Le CICR leur fournit du matériel chirurgical et des médicaments, prend à sa charge les dépenses de fonctionnement (les salaires et l’achat de carburant, par exemple) et contribue à la réparation et à la modernisation des établissements, si nécessaire.

_______________________ 1 – AFP

Somalie: l’impasse, ou presque, après vingt ans de guerre civile

De Boris BACHORZ

La Somalie subit depuis vingt ans ce qui devient la plus longue guerre civile en Afrique: une descente aux enfers que seul un changement de cap de la communauté internationale pourrait – peut-être – arrêter, estiment des analystes.

Le 26 janvier 1991, le général Siad Barre, porté au pouvoir par un coup d’Etat en 1969, est destitué.

Cet autocrate qui rêvait de s’affranchir des clans et de libérer les femmes tombe sous les coups d’une guérilla venue du nord, sur fond de répression féroce et de crise économique aiguë.

Commencent deux décennies de déchirements internes et d’interventions militaires étrangères infructueuses. Mais si les guerres qui ont ensanglanté pendant à peu près aussi longtemps l’Ouganda, l’Angola ou le Soudan ont trouvé une issue plus ou moins durable, des combats opposent quasi-quotidiennement à Mogadiscio les milices islamistes shebab aux 7.500 soldats dépêchés par l’Union Africaine au secours d’un très virtuel "gouvernement transitoire".

De nombreux Somaliens mettent volontiers la guerre sur le compte du morcellement du pays en une arborescence complexe de clans et sous-clans. "L’opposition (à Siad Barre) était affiliée à un clan, comme le régime de Barre lui-même. Toute politique fondée sur les clans constitue le plus sûr moyen de perpétuer le conflit", estime Abdirazak Said, un dignitaire religieux de Mogadiscio.

Pour le chercheur Roland Marchal (Sciences Po et CNRS), "la Somalie s’est construite en bénéficiant de la rente diplomatique et économique de la guerre froide (…) Quand tout cela s’est achevé, (le pays) est devenu très difficile à soutenir".

Parrainé d’abord par l’URSS, Siad Barre s’était tourné en 1977 vers les Etats-Unis. "Quand commence la guerre civile en Somalie, ce pays n’est pas important car il n’y a plus d’URSS (…) La communauté internationale a été très divisée et assez dilettante dans sa gestion de la Somalie. C’est le jour et la nuit avec ce qu’on a fait avec le Soudan", estime M. Marchal.

Après le fiasco de l’intervention américaine sous mandat de l’Onu en 1993, la communauté internationale se contente d’une aide humanitaire et financière au profit de ce qui est devenu un +failed State+, un Etat en déliquescence.

Mais les mouvements islamistes, nés du malaise social des années 80, gagnent en puissance militaire, et prennent brièvement Mogadiscio en 2006. Aujourd’hui les shebab, ralliés à Al-Qaïda, occupent l’essentiel du sud et du centre du pays.

"Il y a maintenant un enracinement régional d’Al-Qaïda grâce à la crise somalienne qui ne peut que soulever beaucoup d’inquiétude chez les Occidentaux, pas prêts à accepter que Nairobi ou Zanzibar deviennent des cibles du jihadisme international", relève M. Marchal.

Pour le chercheur J. Peter Pham, la communauté internationale doit d’urgence innover. Toute aide à un gouvernement se prétendant centralisé revient "à vouloir réanimer un corps décédé depuis deux décennies". "Mieux vaut s’adapter à la nature décentralisée de la réalité sociale somalienne" et soutenir les pouvoirs locaux et régionaux partout où ils sont légitimes. A commencer par le Somaliland, dont l’indépendance du reste de la Somalie n’a été reconnue par personne depuis 1991.

"Comme pour l’Afghanistan, il apparaît très clairement la nécessité qu’il faut réfléchir à quelque chose d’autre", renchérit M. Marchal, qui estime inéluctable une forme de dialogue avec les islamistes.

La guerre aurait fait 400.000 morts, selon une estimation jugée prudente par les experts. 1,4 million de personnes sont déplacées dans leur pays, 570.000 réfugiées à l’étranger. L’espérance de vie est inférieure à 50 ans.

A Mogadiscio, le colonel Mohamed Adan, un responsable des services de sécurité, se souvient avoir contribué à la chute de Siad Barre. "Nous avions rejoint la guérilla pour renverser un régime militaire qui avait beaucoup de défauts. Mais ce qui a suivi a été un million de fois pire", soupire-t-il.