21/02/11 (B592) Les chroniques du Sergent Ariko. Le récit des manifestations en détail. LA REVOLUTION KAHMSIN EST EN MARCHE.

À Djibouti, l’ensemble de l’opposition avait appelé vendredi dernier à une grande manifestation pour demander tout simplement le départ de l’actuel locataire du palais présidentiel.

– Une manifestation pacifique

Les leaders de l’opposition dont Aden Robleh Awaleh, Ismail Guedi, Ahmed Youssouf, Souleiman Farah London, ainsi que l’enfant terrible de l’opposition DAF ont appelé la population à descendre dans les rues de Djibouti pour dire non a l’instar de leurs frères et sœurs arabes qui ont obtenu le départ de leurs despotes nationaux.

Les habitants de Djibouti et des 5 districts de l’intérieur ont répondu positivement à cet appel. (La majorité des leaders de l’opposition avait servi l’ancien régime de feu Hassan Gouled). La population, qui commence en avoir marre des méthodes de gouvernement et de son Chef flanqué de sa tigresse, est descendue en masse à Djibouti devant le siège du parti d’Ismail Guedi Hared.

Vers 15h30 après la prière, les gens ont commencé à se retrouver par centaines devant le siège de l’UDJ qui est à côté du siège, fermé sur ordre du despote…

Vers 16h30 la foule atteignait 2.000 personnes. Les leaders de l’opposition sont arrivés pour délivrer un message de remerciements et de félicitation à la population djiboutienne, toutes ethnies confondues.

Le message de l’opposition a été très clair. « il faut sauver la Nation ». À l’instar de la Somalie voisine, Djibouti risque de s’engager sur le même chemin. La population a vite compris le message et tout le monde a scandé des mots très durs à l’encontre du régime.

Vers 17h10 la foule atteignait environ 10.000 personnes. Après les discours, une partie des gens ont demandé à ce qu’ils puissent faire un « sitting » à côté du stade Hassan Gouled, baptisé place de la Liberté par les jeunes.

Les leaders de l’opposition sont convenus qu’il était préférable de laisser la foule s’installer sur place, plutôt qu’elle ne se dirige vers le palais d’Haramous pour se faire tuer par la Garde républicaine. Ils leur ont offert la possibilité de rester là, comme en Égypte, jusqu’à que le despote IOG parte du pouvoir.

La police et spécialement les compagnies d’intervention surveillaient de prés l’évolution de la manifestation.

Le service d’ordre de l’UAD assurait l’encadrement pour éviter les débordements.

– Trois policiers somaliens tirent sur la foule.

Vers 18h, les choses ont commencé à se gâter très sérieusement. Trois policiers somaliens, en stage de formation de policiers, ont commencé à tirer sur la foule.

A ce moment là, le colonel Abdillahi Abdi a reçu un coup de téléphone personnel du dictateur lui demandant de déblayer la place aux grenades lacrymogènes pour la libérer.

 Les gens crurent que c’étaient les compagnies d’intervention de la police qui avaient ouvert le feu. Pour se protéger, les manifestants se piétinèrent, car les coups avaient été tirés derrière la foule.

Les gens fuyaient à gauche, à droite. Persuadée que certains manifestants étaient armés, la brigade spéciale de la police tira sur les gens sans sommation. Les compagnies d’intervention de la police commandée par le capitaine Abdillahi Ibrahim Fod lancèrent une pluie de gaz lacrymogènes sur la foule, tandis que les brigades spéciales commandées par le commandant Elmi Jess tiraient sur la foule.

– Un premier djiboutien tomba sous les balles de la brigade spéciale.

Fou de rage, les jeunes se ruèrent alors sur la route d’Arta où ils mirent le feu à deux gros camions éthiopiens tout en molestant leurs chauffeurs. Ils s’en sont pris ensuite au poste d’essence d’Abdi Yabeh Galab qui est le frère de l’ex-général Yacin Yabeh Galab.

Là, ils volèrent des barils d’essence et brulèrent la voiture d’une pauvre djiboutienne voilée qui était venu voir sa sœur qui avait accouché à l’hôpital dal Hanane. La police les poursuivit partout. Entendant ces informations, la population de Balbala est descendue en force et elle a balayé les quelques policiers mal payés qui avaient été placés sur le pont d’Ambouli par le colonel Abdillahi Abdi Farah de la police nationale.

Les gens en colère ont commencé à s’en prendre aux symboles du régime. L’annexe du RPP des cités Progrès, Carton et Ambouli a été incendié mais seulement après avoir fait évacuer les brouteurs qui s’y trouvaient.

Même l’appel de l’Imam qui n’a pas donné raison aux jeunes n’a pas été entendu. Désormais la jeunesse en voulait au régime et a son chef Ismail Omar Guelleh.

Poussés par l’ivresse de la vengeance, ils s’en sont pris aux maisons du quartier chic de Gabode 5.

Beaucoup de voitures ont été saccagées et des boutiques ont été pillées. La gendarmerie ainsi que la garde républicaine ont été appelé en renfort. Même avant que cela ne dégénère, le petit dictateur est descendu de sa résidence d’Arta. Comme à son habitude sous bonne escorte, il fusilla du regard cette population qui lui disait NON.

Déçu par les piètres résultats du dispositif policier, le dictateur a compris que c’était la fin de son régime. Il salua de sa main les gens qui commençaient à l’injurier et à cracher en signe de protestation. La police voulu charger mais les leaders de la sécurité de l’UAD ont réussi à l’en empêcher.

IOG a-t-il compris alors que tout irait de mal en pis ?

Les jeunes ont continué leurs saccages. Ils voulurent aller chez le dictateur à Haramous. Mais ils se sont heurtés au fameux colonel Mohamed Djama en face de la route de l’aéroport.

Le colonel Mohamed Djama donna ordre aux jeunes de partir sous peine de les abattre comme des chiens.

Sagement, les plus âgés donnèrent l’ordre du repli mais les jeunes s’en prirent aux vendeuses de khat et à la caserne des sapeurs pompiers qui avait déjà été mise à mal. Deux voitures ont été brûlées sur la route de l’aéroport tout prés de l’annexe du RPP du quartier 5, puis les jeunes s’attaquèrent à un symbole de la première folle de Djibouti, Kadra Haid. Ils saccagèrent sa fameuse Union nationale des femmes djiboutiennes. Le malheureux gardien a été molesté et les bureaux ont été saccagés, comme la conduite d’eau mis a sac et l’alimentation électrique.

Cela n’a pas suffi pour apaiser la rage des jeunes ne s’arrêtent pas la. Ils s’attaquèrent ensuite au CDC d’Arhiba. D’autres jeunes s’attaquèrent à la bêtise au pouvoir : le SMI 2 qui est situé au quartier 6. Ils ont mis à sac l’Arrondissement 2.

Au passage, ils ont libéré par la force les prisonniers et chassé à coups de pierres les quelques policiers de faction.

– La situation avait atteint le point de non retour.

A la tombée de la nuit, c’est au tour du quartier Balbala. Les jeunes attaquèrent les postes de policiers et de gendarmerie à coups de pierres. Ces jeunes qui laissés pour compte par ce régime ont voulu montrer leur forces à IOG qui les croyaient définitivement anéantis par la drogue et le khat.

Ces jeunes Djiboutiens savent que dans les conditions actuelles, leur avenir est sans espoir alors ils disent tout simplement NON au dictateur.

Celui-ci devra assumer ses responsabilités mais ce n’est certainement pas en continuer à sévir contre les leaders de l’opposition, qu’il va se donner une chance de rester au pouvoir. Il donna ordre à sa SDS d’arrêter immédiatement les leaders de l’opposition dont Ismail Guedi, Aden Robleh Awaleh ainsi que Mohamed Daoud Chehem.

Aden Robleh et Ismail Guedi ont été vite appréhendés par la police politique agissant dans le cadre d’une « enquête judicaire ? ». Mohamed Daoud Chehem fut arrêté brutalement avec ses gardes du corps. Il fut jeté au commissariat central de Djibouti. Ses militants, que je félicite tout particulièrement sont partis pour le délivrer des griffes de la police. S’en est suivie une bataille féroce entre les militants de Mohamed Daoud Chehem et la Police.

– Guelleh prend personnellement les commandes.

Le président dictateur trouva refuge dans l’enceinte du camp Omar Aline de la Garde républicaine. Il y établit son poste de commandement

Pendant ce temps, en ville, les maisons des dignitaires du régime étaient caillassées et leurs voitures (mal acquises) pillées ou carrément mis hors d’état de fonctionner.

Les jeunes de Balbala à qui revient « la palme d’or » ont continué pendant deux jours à affronter la police qui a vite été débordée et obligée de demander l’aide de la Garde républicaine.

La police déplore dans ses rangs 2 morts et plus de 100 blessés dont 20 dans un état grave.

4 voitures des compagnies d’intervention ont été saccagées dont une qui a été totalement incendiée.

Du côté de la Gendarmerie, on ne déplore aucun mort et seulement 15 blesses légers.

Voyant la situation dérapée, le Président donna ordre à ses forces de police de réprimer, avec la plus grande sévérité, tous les manifestants.

– C’est ainsi que même des simples passants ont été arrêtés.

La prison de Nagad est bourrée à craquer. On y trouve des étudiants, des élèves du Kycée d’état et des CES de la ville de Djibouti. A Djibouti, les medias d’état sont sortis de leur hibernation, depuis que leur patron un certain Abdi Atteyeh a été viré par « la première et dernière » dame de Djibouti.

La RTD a montré à la population les dégâts causés par les jeunes du pays et surtout la série de mesures qui étaient décrétées pour ramener le calme à Djibouti.

Le pouvoir a même annoncé la création d’une commission d’enquête présidée par le premier ministre Dileita.

– Conseil très restreint de sécurité

Ce matin lors d’un conseil restreint de sécurité qui a été retransmis à la TV, on voyait le colonel Hassan Saïd, patron de la sécurité, entouré du colonel Abdillahi Abdi, patron de la police, du colonel Zakaria patron par intérim de la Gendarmerie ainsi que les deux procureurs de la république qui eux visiblement jouaient les larbins devant « leurs patrons ».

Eux sont les premiers à savoir que la justice djiboutienne n’a qu’une fonction : exécuter les ordres donnés par la Présidence.

Etonnant ! Le ministre de l’intérieur Yacin Elmi Bouh n’avait pas été convié à ce conseil. (Ni le Général Zakaria ni le Colonel Berger n’y participaient. Comme les lecteurs le découvriront ci-dessous, ils sont en quarantaine pour n’avoir pas accepté tous les ordres).

Yacin Elmi Bouh a reçu l’ordre de ne pas assister à cette réunion qui était pourtant axée sur la sécurité nationale, pourtant son domaine spécifique d’intervention, en qualité de ministre de l’intérieur !

Hassan Saïd le soupçonne d’avoir partie liée avec les jeunes et le dictateur avait préféré la faire présider par ce dernier. Ensuite, sur les ondes de la RTD, il ânonna avec moult difficultés, un speech préfabriqué. Il a menacé ceux qui susciteraient des bagarre des peines les plus lourdes.

– Appel à la délation publique

Il a demandé aussi la collaboration de la population pour prévenir tout débordement et éviter que Djibouti ne soit livrée à la contestation comme cela se passe dans les pays arabes proches ou lointains.

Il est très rare qu’Hassan Saïd parle en public ou s’exprime face à une camera.

Mais il sait aujourd’hui que son poste est en jeu et il n’a pas mâché ses mots.

Malheureusement pour lui, il se perdait parfois dans ses menaces. C’est Abdillahi Abdi, patron de la police qui a joué le rôle du souffleur de service, tandis que le p’tit Zak de la Gendarmerie nationale gêné par le soleil, faisait des gestes d’impatience pour que l’interview se finisse au plus vite.

– Un jeune artiste djibouto-canadien arrêté par le SDS

De toutes les façons il ne maîtrise même pas la langue somalienne. Le chef de la sécurité n’a pas lancé des paroles en l’air. Immédiatement les services secrets dont il a la charge, ont commencé à arrêter des gens y compris un jeune artiste du nom de Dileita Tourab qui a la double nationalité djibouto-canadienne.

il a été jeter à la sinistre prison de Gabode. Sa seule faute est d’avoir soutenu la lutte pour le changement démocratique à Djibouti.

– Manifestation dans les districts de l’intérieur

En parallèle, les jeunes des districts de l’intérieur se sont aussi soulevés contre la dictature. La Gendarmerie a commencé par arrêter deux grandes figures de la coalition de l’UAD. ils ont été transféré à Djibouti ville sous bonne escorte.

Actuellement, ils sont détenus à la Section de recherche et de documentation (la fameuse SRD-services secrets de la Gendarmerie nationale).

– Expulsion de la presse internationale

Avant cette affaire l’état avait déjà expulsé tous les correspondants des medias étrangers. Par exemple, une équipe d’Al Jazeera a été empêchée de débarquer à l’aéroport de Djibouti. Le Qatar a demandé des explications et l’ambassadeur du Qatar s’est plaint auprès du président dictateur.

Ensuite, c’est l’émir du Qatar qui a téléphoné personnellement au président dictateur pour se plaindre.

Une équipe de VOA a été empêchée de couvrir les événements. L’équipe de VOA a bien tenté de résister mais des instructions venues de Washington lui ont demandée de ne pas provoquer le dictateur et VOA a cédé.

Seule la fameuse BBC Somalie, qui ne joue pas franc jeu, a été autorisée à rester sur place. Elle est sous le contrôle du pouvoir en place. Aden Robleh a immédiatement parlé sur la BBC pour dire ce qui s’était vraiment passé.

– Un procureur incapable d’argumenter à la TV

Le régime a réagit aussitôt en demandant au procureur zélé de Djibouti de démentir aussitôt les propos d’Aden Robleh Awaleh.

Malheureusement pour Guelleh, il s’est révélé comme toujours, un bien piètre orateur dont les minces arguments sonnaient faux. Il faut savoir que le porte-parole attitré du régime, Ali Abdi Farah a été hospitalisé à Paris pour avoir trop abusé (du khat, des cigarettes, des boissons alcoolisées et des filles de joie). Son cœur à lâché et il avait été transporté dans l’avion du dictateur dans un état de coma avancé.

Faute d’un porte-parole de meilleure qualité, le régime avait fait appel au jeune procureur Djama Dago.

A l’occasion, on a appris que le général Zakaria avait refusé de faire sortir ses chars pour impressionner la population djiboutienne. Il a été mis en quarantaine par le régime. Lui même n’a pas été invité a la réunion de crise qui s’est tenue au palais de la présidence

Ce matin, le commandement des opérations de répression a été confiée au colonel Mohamed Djama Doualeh.
Et pourtant, à la dernière minute le colonel Mohamed Djama a refusé ce commandement, (imaginant peut-être se racheter une conduite, au cas où les choses tourneraient vraiment mal ?)

Il a été placé en quarantaine au camp Omar Aline. Lui aussi n’a pas été invité a la réunion de crise.

– Les rats quittent progressivement le navire
Même ses plus proches soutiens lâchent petit à petit le dictateur.

Ses grands amis, dictateurs comme lui, comme par exemple Ali Abdallah Salah,
font la « une » et sont sur le point de partir.

Le dictateur Ismail Omar Guelleh a-t-il encore un autre choix que de quitter le pouvoir, et par la petite porte maintenant ?

Le peuple l’a d’ores et déjà averti : plus rien ne sera comme avant.

La lutte a commencé, elle ira jusqu’au bout.

Sergent-Chef Ariko
Actuellement en visite à Addis Abeba. Éthiopie.