07/04/11 (B598) A Djibouti, le régime d’Omar Guelleh étouffe l’opposition (Le Monde)

Philippe Bernard

L’opposition boycotte l’élection présidentielle après une manifestation réprimée à la mi-février

Sur la carte des révoltes en Afrique et dans le monde arabe, le petit Etat de Djibouti, où une élection présidentielle doit avoir lieu, vendredi 8 avril, est rarement mentionné. Pourtant, le 18 février, le pays avait été le théâtre d’une manifestation, sans doute la plus importante depuis l’indépendance du pays en 1977, pour réclamer le départ du « dictateur 10G [Ismaél OmarGuellehj », qui exerce un pouvoir sans partage depuis 1999.

Le rassemblement, destiné à obtenir « un changernentpacfique et démocratique» du régime «à l’instar de la Tunisie», avait été réprimé dans le sang. Les autorités avaient fait état de deux morts et les opposants de cinq. En avril 2010, le président Guelleh avait obtenu d’un Parlement à sa botte le vote d’une réforme constitutionnelle lui permettant de briguer un troisième mandat.

Depuis la manifestation de février, le régime a interdit les rassemblements de l’opposition et expulsé en mars les représentants de Démocratie internationale, une organisation non gouvernementale financée par les Etats-Unis, accusée de soutenir l’opposition. Cest dire combien le climat n’est guère propice à une élection présidentielle sereine.

Legouvemement a porté atteinte aux droits qui confèrent précisément à un scrutin son caractère libre et démocratique», a estimé, lundi, Human RightsWatch.

L’organisation de défense des droits de l’homme rapporte que 8o participants à la manifestation de février ont été traduits devant un tribunal, et que le ministre de la justice a démis de ses fonctions le juge qui avait annulé la moitié deprocédures.

Finalement, manifestants ont été condamnés à des peines de prison, portant à 71 le nombre de prisonniers politiques.

Dans ce contexte, l’élection présidentielle est dénuée d’enjeu réel :
l’opposition, qui dénonce 1’» opacité » du scrutin et n’a pu s’accorder sur un candidat commun, boycotte le vote. M. Guelleh n’affrontera donc qu’un adversaire alibi. –

Alors que Djibouti, fort de sa position stratégique exceptionnelle, connait une croissance économique soutenue, sa population reste frappée par un fort taux de pauvreté (42%), de chômage (6o%) et .d’analphabétisme(a %).

L’espérance de vie n’y atteint que 49 ans.

Tandis que les partisans du président Guelleh assurent que « l’emploi des jeunes » sera la priorité de son prochain mandat, l’opposition dénonce la mainmise de sa famille sur l’économie et souligne les responsabilités de la France et des Etats-Unis. Les deux pays possèdent chacun une base militaire à Dibouti, lieu stratégique dans la lutte contre le terrorisme et contre la piraterie dans l’océan Indien.

Les contributions américaines et françaises fournissent une pari vitale des ressources du pays qui, en vertu d’un accord de coopération, est placé sous la protection militaire de Paris.