15/12/2011 (B634) Sur une mise en scène festive (Troupe Harbi) largement reprise par la RTD, nous avons appris hier que la "grande muette", avec deux mois de retard, allait finalement rejoindre la Somalie. Le mensonge, quand aux véritables objectifs de la mission, est patent. Pour IOG, il ne s’agit que de former les militaires somaliens, pour l’UA et différents responsables, il s’agit de participer directement aux missions militaires. (Infos lecteurs)

__________________________ INSERM
(Institut de recherches stratégiques de l’Ecole militaires – France)

Chronique de Zaila
par Christelle Dumora, doctorante en science politique -Paris Descartes (Paris V) et enseignante au CEDS.

Au-delà du Lower Shabelle, quelles marges de manœuvre pour le contingent djiboutien ?

Initialement conclus en 1977, les accords de défense qui lient la France et Djibouti sont renégociés en profondeur pour la troisième fois depuis plus d’un an, entre les autorités djiboutiennes et françaises. Cette nouvelle orientation s’inscrit dans la volonté affichée du Président français Nicolas Sarkozy dans le Livre Blanc de la Défense, paru en 2008, de redéfinir les modalités de présence et d’engagement de nos troupes en Afrique et plus précisément sur le territoire de Djibouti.

Plusieurs axes importants en émanent :

Le premier concerne les voies et moyens de renforcer les capacités humaines et logistiques de l’armée djiboutienne (FAD, Forces Armées Djiboutiennes).

Le second, la reprise de certains sites utilisés par les forces françaises stationnées, mais aussi la réévaluation du « contrat de bail » qui doit prendre fin en 2012 et dont s’acquitte la France depuis 2003 à hauteur de 30 millions d’euros par an.

Ces accords incluent également la redéfinition des modalités d’engagement de la France dans la sécurité et la défense de Djibouti notamment en cas d’agressions, uniquement, extérieures. Et c’est bien là toute l’acuité de ces accords : l’annonce il y a plus d’un an par le Président Ismaël Omar Guelleh de déployer en Somalie un contingent en appui aux troupes de l’Amisom, risque de changer la donne.

Ce nouveau partenariat semble avoir été souhaité côté français, suite à la visite du président Sarkozy au début de l’année 2010. Côté djiboutien, cette réorientation stratégique remonte au sommet de Kampala en 2009 durant lequel Ismaël Omar Guelleh a émis la volonté de changer de posture en réponse aux sollicitations de ses homologues kényans et éthiopiens pour une coopération élargie au processus d’imposition et de maintien de la paix en Somalie.

Engagement salué en janvier 2009 par le Conseil de sécurité de l’ONU en vue du renforcement de l’Amisom et que le parlement djiboutien vient d’entériner (16 octobre 2011).

Ce contingent de 850 hommes auxquels s’ajoutent 50 instructeurs doit être déployé, normalement, sur zone avant la fin de l’année 2011. Formé pendant dix semaines, par des militaires français puis par des contractors de l’ACOTA (African Contingency Operations Training and Assistance) sur le camp d’ Ali-Oune, la définition de ses missions reste un enjeu pour la réussite de la mission somalienne.

Composé de 6 compagnies dont 3 d’infanterie, une d’appui regroupant blindés et artillerie, des véhicules APC, 6 Platoon, une unité médicale, une unité de véhicules blindés légers ainsi que des officiers de liaison, il rejoint l’Ouganda et le Burundi, principaux fournisseurs de troupes.(1)

Ayant suivi une formation dispensée par une équipe française du DIO (Détachement d’Instruction Opérationnelle) aux officiers et sous- officiers incluant un « aguerrissement » au milieu urbain, ce contingent doit relever une lourde mission.

Les troupes djiboutiennes vont être projetées sur des théâtres urbains où elles n’ont jamais combattu, au sein de troupes ayant déjà une expérience de cet environnement, de cet adversaire irrégulier (ADIR) à la stratégie affirmée, aux ramifications complexes et au pouvoir étendu.

Cette mobilisation régionale et continentale démontre l’implication de l’Union Africaine dans la stabilisation in fine par des modus operandis « classiques ».

Epaulée par le GFT, l’Amisom doit repenser sa stratégie opérationnelle.

Les milices dites « islamistes » de type « Shebab » ancrent des pratiques asymétriques de contrôle du territoire en dépit des dissensions ou désertions qui peuvent les toucher. L’unité tactique de la force centrale d’Al Shebab est de la taille d’un peloton (au moins 50 combattants), employant des armes héritées de la Guerre froide, circulant en toute impunité sur le territoire somalien en dépit de l’embargo sur les armes adopté en 1992 par l’ONU.

Fusils d’assaut, grenades, armes automatiques PKM, roquettes, mines anti-personnel, composent l’armement des Al Shabab.

Désormais, les tactiques militaires des Al Shebab ressemblent à celles se perpétuant en Afghanistan ou en Irak : attentats suicides, voitures piégées, EEI (engins explosif improvisés), snipers. Ces modes opératoires sont, depuis toujours, l’expression du durcissement du climat sécuritaire : la haine de l’autre, de l’étranger, qui s’est muée en un conflit religieux aux fondements extrémistes ; l’environnement permissif où, en dépit de l’embargo sur les armes, un armement lourd circule en toute impunité ; enfin le recrutement par Al Shebab d’anciens combattants – au-delà des cercles de la diaspora élargie- ayant servi dans les Balkans, en Irak, en Afghanistan, leur assure des savoirs faire militaires « nouveaux ».

Sous le couvert de la diffusion d’un islam « modéré » voir « juste », le déploiement de ce contingent dans le cadre de l’Amisom doit sécuriser tout d’abord une ville, Mogadiscio, épicentre de cette guerre « hybride », reconquérir des populations, mais également un territoire segmenté par des groupuscules claniques et privés rendant délicate toute reddition des milices islamistes de type « Shebab » présentes depuis plus de dix ans maintenant sur le territoire.

L’ambition affichée par les Nations Unies d’organiser rapidement des élections, auréole par avance cette mission militaire de lourds défis, d’autant que depuis la déroute des Shebab en août dernier, le climat sécuritaire en Somalie et dans la région s’est durci.

Attentats, enlèvements de ressortissants étrangers ont focalisé l’attention ces derniers mois de la communauté internationale sur la Corne de l’Afrique, et plus généralement sur la nécessaire stabilisation de ce conflit « perpétuel ».

A l’heure où le Kenya a lancé une offensive en réaction aux attentats terroristes perpétrés par des groupes non -conventionnels non- identifiés, la participation djiboutienne dénote la montée en puissance de l’Amisom comme antagoniste et protagoniste au conflit somalien.

L’annonce de la hausse de ses effectifs (9700 actuellement / 12 000 escomptés/ 20 000 demandés), essentiellement fournis par l’Ouganda et le Burundi, partenaires chrétiens et noirs fidèles, sera-t’elle in fine un gage de succès ?

In fine, le cas somalien demeure au sein des relations internationales et régionales, un difficile arbitrage entre éthique de conviction et éthique de responsabilité. L’annonce faite par David Cameron d’organiser au plus tôt en 2012 une conférence sur la Somalie renforce ce terrible dilemme. En attendant, la décision du président Guelleh est actée.

(1) Les troupes de la Sierra Leone ne seront projetées qu’à l’été 2012.