03/09/2013 (Brève 209) ALERTE ROUGE / Revue de Presse / RFI /Djibouti: interrogations autour de la possible extradition d’un témoin-clé dans l’affaire Borrel

Mohamed Saleh Alhoumekani affirme que la président djiboutien Ismaël Omar Guelleh (photo) est impliqué dans la mort du juge français.

AFP/PATRICK KOVARIK Par RFI

Témoin clé dans l’affaire du juge Borrel, retrouvé mort en 1995 à Djibouti, Mohamed Saleh Alhoumekani sera-t-il extradé du Yémen vers Djibouti comme le souhaitent les autorités djiboutiennes ? Cette question angoisse les fils du défunt juge mais aussi la famille de l’ancien officier de la garde républicaine. 
 

Mohamed Saleh Alhoumekani a été arrêté il y a une semaine au Yémen, pays dont il possède la nationalité. Mohamed Saleh Alhoumekani affirme que la président djiboutien est impliqué dans la mort du juge français retrouvé au fond d’un ravin il y a 18 ans. Il était depuis réfugié en Belgique mais se rend régulièrement au Yémen, pays où il possède des attaches familiales et claniques. Sa femme et ses amis redoutent son extradition et craignent que le président djiboutien veuille éliminer ce témoin gênant.

« Il est retenu là-bas arbitrairement sans aucune preuve, s’indigne Asma Abdekadous Alhoumekani, la femme de Mohamed Alhoumekani. On attend toujours des nouvelles de lui et je ne sais pas ce qui va se passer. Il n’a rien à faire avec Djibouti pour le moment. Je ne sais pas pourquoi ils veulent l’extrader. Je demande aux autorités yéménites de comprendre l’affaire et de relâcher mon mari immédiatement parce qu’il n’a rien fait. […] Ce sont juste des dossiers que Djibouti a monté. Je demande à tout le monde de m’aider. Je demande surtout au gouvernement belge qui est mon pays de m’aider parce que j’ai frappé partout mais je vois aucune réponse de leur part. Ce n’est pas normal. »

« Là au mauvais moment »

Par ailleurs, le président de l’association Cultures et progrès, et spécialiste de Djibouti, Dimitri Verdonck, estime que le président djiboutien Ismail Omar Guelleh a réactivé l’affaire Borrel afin de détourner l’attention de la communauté internationale sur les problèmes internes à Djibouti. En effet depuis les législatives de février dernier, une féroce répression s’est abattue sur l’opposition djiboutienne et le président Guelleh pourrait utiliser cette extradition pour démontrer à ses opposant qu’il reste très puissant.

« Il faut savoir qu’Alhoumekani se rend régulièrement au Yémen, explique Dimitri Verdonck. Il est Yéménite, il a de la famille sur place donc ce n’est pas la première fois qu’il se trouve dans la région. Selon moi, il se trouve aujourd’hui vraiment au mauvais moment. […] Le problème, c’est que, la rue, depuis maintenant six mois a vraiment le courage de dire non à des années de violences, de tortures, d’injustices. La situation interne à Djibouti fait que le président n’est plus en mesure d’assurer la sécurité. Evidemment s’il parvient à faire extrader Alhoumekani, il parvient par la même occasion à montrer à la population de Djibouti qu’il est encore très fort, qu’il peut encore compter sur des soutiens particulièrement puissants.

Enjeux claniques

Dimitri Verdonck explique aussi cette affaire Alhoumekani est devenue un enjeu de lutte interne au Yémen où les différents clans au pouvoir s’opposent sur l’extradition d’Alhoumekani.

« Le Yémen, détaille-t-il, se trouve dans une assez grosse difficulté avec cette histoire parce qu’il doit à la fois répondre aux attentes de la communauté internationale, évidemment de la Belgique puisque Alhoumekani est Belge, de l’Union européenne. Elle souhaite aussi répondre à la demande djiboutienne. Djibouti est un voisin, un voisin puissant. Ce n’est pas simple non plus parce que la situation intérieure est la suivante : le président est contre l’extradition et le Premier ministre est par contre pour l’extradition et souhaite répondre à la demande de Djibouti. […] Par ailleurs le clan dont est issu Alhoumekani a rejoint Sanaa la ville et campe littéralement devant la prison pour faire valoir les intérêts d’Alhoumekani en membre du clan. Et ce sont évidemment aussi des clans qui s’affrontent, de manière parfois très violente. »

Alhoumekani avait obtenu l’asile en Belgique et la nationalité belge après avoir quitté Djibouti en 2007. Ce lundi 27 août et malgré les craintes de sa famille, les autorités belges ont dit avoir eu des garanties de leurs homologues de Sanaa sur l’impossibilité d’une extradition.