10/07/2014 (Brève 414) En politique, il n’y a pas de vérité absolue, seulement des réalités successives et momentanées. Tout peut changer du jour au lendemain, c’est une question de volontés communes pour chasser la tyrannie du pouvoir (par Roger Picon)

Génocide des afar à DjiboutiL’une des caractéristiques de Djibouti, aujourd’hui bien plus qu’autrefois, est la contradiction permanente qui s’y manifeste entre un supposé « idéal », artificieux car sans fondements pérennes mais que tente néanmoins de traduire un discours politique factice, et la dure réalité subie à leur corps défendant par les populations : particulièrement celles de l’arrière pays où l’on y survit, sans cesse en situation de catastrophe économique et sociale.

On ne peut qu’être frappé par le contraste existant entre la grande rapidité de l’effet médiatique de telle ou telle promesse ou bonne intention gouvernementale, qui restera lettre morte, et la lenteur avec laquelle évoluent les normes du droit et, par conséquent, les marchandages voire les odieux chantages qui prévalent et conditionnent le Respect des Droits de l’Homme ou pas dans un pays ;

entre l’émotion qui naît du choc de l’événement et la nécessaire réflexion sur les données concrètes d’une situation politique ;

entre la reconnaissance, pratiquement universelle rappelée depuis 1789, des principes de la démocratie et le fait que ses formes sont encore loin de s’imposer partout dans le monde, a fortiori dans un ex territoire français où l’instauration permanente de la terreur est le premier argument de gouvernance ; avec comme seule arme la répression sauvage et dont le seul titre de gloire est de tirer à balles réelles sur des Femmes et des Enfants, sur des Vieillards.

L’Humanitaire au secours des populations en danger !

Notre planète vit dans le domaine de l’humanitaire, comme dans bien d’autres c’est une période de transition propice au flou, à l’inachevé, à l’ambigu, au contradictoire et pourquoi ne pas le dire et l’écrire aux trafics et perversions en tous genres par une minorité agissante dans ces domaines pour le moins « particuliers.»

Exemples en mains, j’ai le souvenir qu’un expert de l’Union européenne, à Bruxelles, me fit la démonstration qu’en moyenne si 15 % du montant des aides internationales notamment dans l’humanitaire atteignaient leur but, c’est-à-dire permettant en théorie aux plus démunies de survivre en Afrique de l’Est, les hautes autorités occidentales estimaient que le but était atteint. Les 85 % « envolés » n’étant, par évidence, pas perdus pour tout le monde.

On ne peut que se satisfaire du fait que les conditions d’attribution des aides humanitaires sembleraient être plus strictes et conditionnées depuis quelques années.

Faut-il s’étonner que tant de malentendus et de blocage accompagnent aujourd’hui le développement de l’action humanitaire avec l’apparition d’un droit d’ingérence dans les « affaires intérieures d’un pays supposé indépendant » ?

Nombreuses sont les Associations étrangères qui tentent spontanément d’apporter leur aide à vocation humanitaire à Djibouti.

Beaucoup s’en retournent d’où elles viennent après avoir compris les dures réalités sur le terrain alors que le gouvernement interdit toute action menée en région Afar pour des raisons de supposée insécurité. 

Osons dire que ce droit d’ingérence est un mal nécessaire car tous les détournements d’aides à vocation humanitaire sont de véritables assassinats des populations chassées de leurs terres, victimes de la sécheresse ou simplement les plus déshéritées.

Pour ce qui concerne l’égalité de Droits en matière de religion, que l’on soit riche ou pauvre, en cette période sacrée du Ramadan nous invitons les squatters du palais d’Haramous et leurs « collabos » à mener en commun une réflexion sur le bien fondé ou pas des actes de détournements, entre autres, des aides financières mises à la disposition de Djibouti par les grands pays arabo- musulmans (notamment l’Arabie saoudite, les Emirats…) afin que quelques indigents puissent effectuer le rêve de tout bon croyant ; c’est-à-dire, au moins une fois dans une vie, participer au saint pèlerinage de La Mecque.

Pour les musulmans qui ont le respect des préceptes d’Al Kürran, la seconde priorité, après celle d’adorer Allah le Miséricordieux, c’est de témoigner une sympathie sincère, de l’amour et un esprit d’entraide à l’égard de l’humanité : celle des plus pauvres, celle des plus déshérités et de participer ainsi à alléger leurs malheurs et leurs peines et contribuer aussi aux bonheurs des autres.

A Djibouti, les politiques et les députés locaux, désignés par la présidence au Palais d’Haramous et certes pas élus, viennent de temps à autre faire acte de présence dans les villes de l’arrière pays, pour se lancer dans de longs discours au cours desquels ils promettent tout et n’importe quoi pour demain ; mais n’oublient pas au passage d’encenser et de porter aux cieux l’occupant du Palais d’Haramous.

En ces moments, la flagornerie prenant le pas sur les vérités criardes, les orateurs du moment lui attribuent tous les superlatifs d’une telle exagération outrancière, digne du Staline djiboutien, dans lesquels Ismaïl Omar Guelleh ne saurait s’y retrouver ; tout le moins s’il lui reste un tant soit peu d’honnêteté intellectuelle, ce dont nous doutons.

Lors de ces visites dans l’arrière pays sinistré, qui se font de plus rare et sous forte escorte de protection, le doigt en permanence sur la gâchette de l’arme, c’est l’occasion de procéder à la distribution de quelques sacs de riz, ça et là, et des sandalettes pour les enfants afin d’attirer la foule de ceux qui ont tout perdu.

Lorsque l’on a qu’un demi repas par jour, sans viande ni poisson, récupérer un peu de riz est une véritable aubaine en remerciant le « généreux donateur », même si la colère est au fond du cœur.

Faisant mine de s’intéresser aux doléances des responsables locaux, les « porte-serviettes » des autorités prennent des notes qu’ils égareront ensuite au fond d’un tiroir alors que les médias locaux choisissent les angles de prises de vues les plus favorables pour donner l’illusion que la misère entretenue par Haramous soutient le président autoproclamé, Ismaïl Omar Guelleh.

Puis la délégation s’en retourne bien vite pour se réfugier dans la capitale où l’on pourra y « brouter » à loisir son khat, refaisant le monde par des mots, des promesses et des engagements dans l’euphorie du moment mais dont on aura plus souvenance le lendemain, au réveil ; tout cela dans la douce quiétude des appartements et des villas cossues, bercé par le ronronnement des climatiseurs.

Quant à l’évolution, au progrès tant attendu dans l’arrière pays et qui ne viendra pas ou si peu, ce sont des centaines de bestiaux amaigris par le manque de nourriture et qui sont décimés par la quasi absence d’eau, alors que les aides alimentaires externes, tant attendues, sont détournées en majeure partie pour être revendues sur les marchés d’Ethiopie….voire même dans les marchés de la capitale djiboutienne ; encore dans leurs sacs d’origine, indiquant le pays donateur.

Par ailleurs, les rapports des organismes internationaux de santé publique, sont enterrés et, là encore, interdits de publication alors que ce sont des documents administratifs publics ; donc consultables par toutes et tous.

On y lit que du fait d’une malnutrition gravissime et des carences en vitamines, les populations spoliées souffrent de la recrudescence de maladies que l’on pensait éradiquées avec un déplorable système de santé publique qui n’ose quasiment plus quitter la capitale tant il manque de moyens et surtout de volonté ; laissant ainsi aux intervenants « étrangers occidentaux » le soin de « régler le problème. »

Les observateurs occidentaux n’osent pas publier de chiffres car ils sont bien trop catastrophiques alors que le « diplomatiquement correct » loes contraint à se taire et que des consignes fermes sont données en hauts lieux aux journaux étrangers de ne rien publier et de détourner leur regard des réalités profondes d’un peuple qui se meure lentement.

Que valent, quel est le poids politique de ces êtres victimes du pouvoir Guelleh face aux centaines de victimes qui tombent au quotidien en Syrie, en Afghanistan, en Irak ?

Si peu de choses, presque rien !

C’est « le monde du silence », du génocide anti-afar programmé et de l’exclusion des Gadaboursis !

L’histoire de l’après indépendance ne donne plus confiance au peuple djiboutien dans son ensemble et tout particulièrement aux populations du Nord et du Nord ouest car elles observent une longue et véritable procédure de bannissement maquillé dont le seul but, à court terme, et de les chasser des terres de leurs ancêtres tout en évitant de se faire trop remarquer pour y faire venir de nouveaux occupants étrangers, bien plus malléables et « aux ordres » du pouvoir central.

Oui mais la pierre qui coince les rouages du fonctionnement de la « machine exclusion-répression » est solide. Ce sont les populations Afar qui confirment aujourd’hui leur capacité de résistance collective lorsque le péril se fait trop flagrant ; trop criard.

Leurs forces sont l’ingéniosité et leur patience, leurs indéniables aptitudes au combat subversif auxquelles le gouvernement, fantoche et autoproclamé, les y contraint depuis 1977, et pire encore depuis 1999, dans les conditions les plus dures, les plus difficiles, voire les plus inégales.

Cette capacité de résistance à l’oppression, les populations Afar en ont d’ailleurs encore fait la preuve récemment face à deux hélicoptères armés et aux bombardements qui ont fait des victimes civiles.

Emergeant à peine d’une longue domination étrangère que fut la colonisation française, elles s’opposent par l’entremise du FRUD historique à la répression sauvage actuelle qui, souvenons-nous, a déjà utilisé en des temps pas si lointains des obus au phosphore pour les faire taire.

Oseront-ils rééditer les mêmes « exploits » que dans les années 90/95 ?

« Il faut passer les Afar aux rouleaux compresseurs »…« transformer le pays Afar en réserve…d’indiens pour touristes.. », telles furent, à quelques mots prés mais dans l’esprit, les formules lancées à la volée à cette époque, et à qui voulait bien y prêter attention, par certains ignobles personnages de l’appareil d’Etat ; n’appartenant pas forcément à la tribu dominante.

Les reportages éloquents, parus sur les écrans de la RTD, furent bien vite supprimés sur ordre du président Hassan Gouled alors que de gros engins de travaux publics furent dépêchés sur place pour creuser, dans l’urgence, des fosses communes puis y pousser, pêle-mêle, les cadavres des victimes de la barbarie afin de les enfouir et les cacher tant la vision était insoutenable.

A la longue liste des villes martyres, il convient d’y mettre en évidence Yoboki à cette époque là et qui comptait ses morts, principalement femmes, enfants et personnes âgées qui étaient de plus de 300 victimes.

Le temps n’effaçant pas l’histoire récente, il est des concepts dont la seule évocation impose le silence, et des silences dont l’obstination suffoque la mémoire.
Il est des faits dont la pondération, la dénonciation, le simple récit semblent exiger de l’histoire qu’elle se refasse, de la philosophie qu’elle se refonde, du droit qu’il se redise et se répète inlassablement.

« Génocide » est l’un d’eux !

Celui lancé contre les populations Afar doit cesser au plus tôt.

Faute de quoi, le péril se faisant trop flagrant, la capacité de résistance collective des Afar risquerait de se transformer en réactions de grande violence ne se limitant pas à leur seule région mais frappant jusque dans la capitale.