28/12/2015 (Brève 577) 24 heures -Suisse / L’armée chinoise s’implante en Afrique

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Poursuivant méthodiquement le développement de ses capacités militaires, la Chine du président Xi Jinping est en passe d’installer sa première base navale permanente à l’étranger. Son choix, qui ne doit rien au hasard, s’est porté sur Djibouti dans la Corne de l’Afrique, position stratégique pour le contrôle des grandes routes maritimes entre l’Asie et l’Europe via le Détroit de Bab-el-Mandeb et la mer Rouge. Mais aussi poste avancé idéal pour surveiller cette Afrique où, malgré les tensions et les conflits, Pékin investit beaucoup et s’approvisionne massivement en matières premières et hydrocarbures.

Partenariat stratégique
Dans l’air depuis la signature en février 2014 d’un «partenariat stratégique de sécurité et de défense» entre Djibouti et Pékin, la décision a été annoncée le 4 décembre dernier en marge du sommet sino-africain à Johannesburg. Mahamoud Ali Youssouf, ministre des Affaires étrangères de Djibouti, affirmait alors que Pékin allait disposer dans son pays d’une base «logistique navale opérationnelle en principe d’ici à la fin de 2017». Pour Djibouti, la Chine «est un allié stratégique supplémentaire», en plus de l’ancienne puissance coloniale qu’est la France et des Etats-Unis qui disposent d’importantes bases militaires dans ce petit Etat, assurait le ministre. Cette nouvelle base «s’inscrit dans les efforts que Djibouti déploie dans la lutte contre le terrorisme et la piraterie», a-t-il ajouté. Elle sera située sur l’un des quais du nouveau port de Djibouti actuellement en construction.

«La décision de Pékin d’installer une base navale à Djibouti n’a rien de surprenant», commente Alexandre Vautravers, rédacteur en chef de la Revue militaire suisse et spécialiste des questions de sécurité aux Global Studies Institute de l’Université de Genève. «Elle est le fruit de l’expérience acquise dès la fin de 2008, quand la marine chinoise a commencé à participer à la lutte contre la piraterie le long des côtes somaliennes et dans le golfe d’Aden», assure l’expert. «Très vite, il est apparu que les règles d’engagement appliquées jusqu’ici étaient totalement inadéquates, que les équipages – interdits d’escale durant des mois – avaient d’énormes problèmes sanitaires, que les matériels, comme les hélicoptères, souffraient de la corrosion, bref, que les navires chinois, loin de leur port d’attache, avaient absolument besoin de faire relâche durant leur mission pour ravitailler.»

«Par ailleurs, dit encore Alexandre Vautravers, en créant cette base à Djibouti, la Chine veut aussi montrer qu’elle peut rayonner, être dynamique et apprendre de ce que font les autres.»

Garantie de sécurité
Quant à Djibouti, petit pays sans ressources, il serait doublement gagnant. D’abord sur le plan économique, la location de ces bases rapportant plusieurs dizaines de millions de dollars aux caisses de l’Etat. Mais surtout, explique encore Alexandre Vautravers, en plus des aspects financiers, «la présence militaire internationale est la meilleure garantie pour la sécurité de Djibouti, un petit Etat sans profondeur stratégique et sans réelle force militaire.»

Enfin, selon le professeur Shen Dingli de l’Université de Shanghai cité par le New York Times, la Chine est en train de se donner les moyens de faire ce que les Etats-Unis font depuis 150 ans: «assurer la sauvegarde sa liberté de navigation». «L’établissement d’une base permanente à Djibouti est nécessaire, ajoute le professeur chinois, car si quelqu’un – des pirates, Daech ou les Etats-Unis – veut couper le passage, nous devrons être en mesure de le rouvrir.» (24 heures)