10/01/2016 (Brève 622) Les interviews (presque) imaginaires de l’ARDHD. Cette semaine M Maki Omar Aboulkader, Procureur de la République de Djibouti, a accepté de recevoir les journalistes de l’ARDHD dans son bureau officiel au Palais de Justice

ARDHD : nous vous remercions d’avoir accepté de nous recevoir en urgence.

Maki Omar Aboukalder
: c’est normal. Et dans ma fonction, je me dois d’être neutre et indépendant. Ce n’est pas parce que votre Association lance des attaques contre moi, dans ses différents supports, que je dois m’écarter de ma ligne de conduite : neutralité et indépendance.

Bien entendu ici à Djibouti, j’ai des pouvoirs exceptionnels qui me sont conférés par le Président de la République que je tiens dans ma plus haute estime et je n’ai pas honte de vous le dire, mais je ne lui dois rien en échange. Il le sait et jamais il n’a cherché à forcer la moindre décision de justice. La main sur le cœur, je vous le jure solennellement. Des ministres ont vainement tenté de m’influencer et ils n’ont jamais recommencé.

ARDHD : nous en prenons acte. Mais quand même, dans certains cas, vos positions et les réquisitoires qui ont été prononcés par vous ou par vos substituts ont étonné les juristes. I

MOK : dans toute règle, comme vous le dites, vous les Gaulois (Vous permettez ce sobriquet affectueux ?), il y a toujours une exception. Dans tout le pays, il y a une femme irrésistible. Oh je ne parle pas de charmes physiques, car c’est du passé pour elle, mais je parle d’une véritable force de conviction au service d’une intelligence pure.
C’est Madame Kadra Guelleh, l’épouse du chef de l’Etat. Elle n’a aucun rôle officiel ni titre, mais quand elle vous appelle personnellement au téléphone, il est difficile de lui résister et impossible de lui dire non. Elle sait toujours trouver les bons arguments, les mots justes pour vous faire comprendre que vous jouez votre poste et même votre carrière et au final, chacun d’entre nous s’aperçoit que c’est la plus forte.

ARDHD : curieux dans un état de droit, mais passons ! Dans l’affaire de Monsieur Ewado, nous avons l’impression que vous vous acharnez contre lui, comme s’il était un criminel chevronné, comme s’il avait mis le pays en danger. N’est-ce pas un peu exagéré, lorsque l’on sait que c’est un brave homme, simple et modeste qui ne fait que défendre ses convictions, protéger les victimes et essayer de rehausser l’image du pays en vous encourageant à respecter les droits de chaque citoyen ?

MOK : je le sais bien que c’est un brave homme. Mais ce n’est pas suffisant à mes yeux. Il a « pardonnez-moi l’expression » foutu en l’air ma belle stratégie de communication. Au fond de moi personnellement, je déplore ce massacre honteux, sinistre et inqualifiable, mais en ma qualité de procureur, je l’approuve sans réserve.

ARDHD : effectivement, pas facile de gérer cette contradiction. Comment faites-vous, vous avez une double personnalité. Mr Hyde et Dr Jekill ?

MOK : pas de mauvaise plaisanterie ni d’insulte dans cette enceinte de justice, sinon je vous fais évacuer par mes Gendarmes qui n’attendent qu’un mot de ma part. C’est leur petit plaisir, leur récompense et je regrette de les priver trop souvent d’une bonne interpellation, de la pose de menottes, de quelques coups bien placés pour calmer les ardeurs des innocents que l’on arrête et surtout de la récompense suprême : Le mandat de perquisition. Vous les verriez se mettre au travail et la joie qu’ils ont quand il faut détruire un logement, casser les meubles et les sanitaires, vider les armoires, renverser les bureaux, pour rendre les lieux inhabitables par les familles, les enfants et les vieillards.
Pour en revenir à votre question, rassurez-vous, je gère très bien et comme j’en tire de nombreux avantages personnels, je ne me pose aucune question et j’avance, je pourfends, je condamne, je détruis les hommes et leurs familles et en échange je reçois des marques de considération en provenance directe du Palais, vantant mes mérites et mes succès et des droits de tirage spéciaux sur le Trésor, qui font grossir mon bas de laine.

ARDHD : bon, et maintenant …. (interruption)

Quelqu’un frappe à la porte et entre en trombe. Un employé du substitut manifestement dans l’embarras et en proie à une vive excitation.

L’employé : excusez-moi, Monsieur le Procureur, mais nous venons de recevoir un appel urgent du Cabinet du Président. Il paraît que Son Excellence serait fou furieux contre vous parce qu’avec vos conneries (pardon, mais c’est ce qu’il a dit) vous avez réussi à mobiliser l’opinion internationale qui le désigne maintenant et unanimement comme un dictateur assassin et coupable d’emprisonner ses détracteurs locaux sans jugement. Il exige de vous voir immédiatement …

ARDHD : on comprend bien et on vous laisse, mais ça risque d’être un moment difficile pour vous.

MOK (qui était devenu blanc, et qui reprend un peu de couleur) : oui un mauvais moment, mais ça ne se passera pas comme cela, car j’ai le pouvoir de mettre en examen qui je veux, même le chef de l’Etat et j’ai assez de matière pour cela.
Avant de partir, il convoque son adjoint : « tu me fais libérer Ewado et tous les autres prisonniers politiques sur le champs, tu convoques la chargée de com et tu lui dis de rédiger un communiqué pour dire que nous avons libéré tous les prisonniers politiques et que nous renonçons à toutes les charges contre eux, dans un souci de quiétude et d’apaisement ». Et au plus vite !

ARDHD : alors là, chapeau bas, Monsieur le Procureur. Nous vous soutiendrons si le Président vous envoyait vous reposer à Gabode sans jugement… Au revoir !