13/05/2016 (Brève 791) RTB : Une grève de la faim pour dénoncer les soldats violeurs de Djibouti
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C’est la deuxième fois en deux mois qu’elles font grève de la faim. A Paris, le mois dernier. A Bruxelles cette fois, depuis 18 jours déjà. Réunies à Saint-Josse, en région bruxelloise, une dizaine de membres du Comité des femmes djiboutiennes contre les viols et l’impunité ont décidé de recourir une fois de plus à cette solution extrême. “Cest notre dernier recours“, explique Aïcha Dabalé, la représentante de ce comité. “Il y a parmi nous des jeunes et des moins jeunes, qui mettent leur vie en danger par obligation, parce que cela fait des années que nous nous battons mais que personne ne nous écoute“.
Viols en toute impunité
Que dénoncent-elles ? Une série de viols commis par des soldats djiboutiens dans le nord et le sud-ouest du petit pays, situé dans la Corne de lAfrique, entre lEthiopie, la Somalie et le Yémen. Des viols commis dans les montagnes et les villages sur des femmes soupçonnées de sympathie avec le mouvement dopposition (pacifique ou armé), dans un pays qui na changé de président quune fois en près de 50 ans. “Le plus terrible, cest limpunité. La reconstruction de ces femmes est rendue impossible par le fait quelles croisent leur bourreau tous les jours dans leur village“, explique Aicha Dabalé. “Quelques-unes ont porté plainte, sans résultat“, poursuit M., un opposant djiboutien qui désire garder lanonymat. Pire : certains de ces soldats seraient même promus. “Tout cela laisse penser que tout est pensé, missionné.“
Géopolitiquement incontournable
Djibouti, tout petit pays (à peine 630 km²) du continent africain, est, de par sa situation géographique, un lieu géopolitiquement très important. Plusieurs pays étrangers, dont la France, les Etats-Unis et le Japon, y disposent dailleurs de bases militaires. La Belgique y a aussi déployé quelques soldats dans le cadre de lopération Atalante. “Cest le porte-avion mondial“, explique lopposant réfugié en France. Et face à un tel atout, les accusations de viols sur les Djiboutiennes font peu le poids. “Nous sommes victimes de notre position géostratégique, alors quelle aurait pu être un atout“, explique Aicha Dabalé. “Nous nous retrouvons face à un mur de silence de la part des pays étrangers, un silence complice. Les militaires étrangers sentraînent dans les villages où sont commis les viols!”.
249 cas recensés
Le Comité des femmes djiboutiennes contre les viols et l’impunité a été fondé en 1993 après le viol et lassassinat crapuleux dune Djiboutienne, mère de plusieurs enfants. Depuis lors, lassociation a recensé 249 viols, “mais cest sans compter tous ceux qui sont tus, car il est difficile den parler, cest considéré comme un terrible déshonneur“, explique Aicha Dabalé. Cest donc presque clandestinement que ces viols sont recensés à Djibouti.
Sans répondre vraiment aux accusations à lencontre de ses soldats, le gouvernement djiboutien se contente de dénoncer une manuvre électoraliste. Le porte-parole du gouvernement, interrogé par RFI, incite par ailleurs les femmes à porter plainte. “Mais celles qui osent le faire sont menacées dêtre à nouveau violées. Et de toute façon, il ny a jamais eu la moindre condamnation“, explique M.
Le Parlement européen réagit
Aujourdhui pourtant, laction des militantes djiboutiennes semble commencer à porter ses fruits. Le Parlement européen a adopté aujourdhui une résolution concernant Djibouti, dans laquelle il demande ” quune enquête internationale indépendante puisse être mise en place afin de mettre fin à limpunité vis-à-vis des viols commis par larmée djiboutienne , que tout soit mis en uvre pour mettre fin à de tels actes, que les responsables soient poursuivis et condamnés et que les femmes victimes de ces crimes bénéficient dun soutien psychologique et physique“. Un soulagement pour le Comité, qui espère quà terme, ces crimes seront également reconnus comme des crimes de guerre. En attendant, il a lancé le hashtag #stopvioldjibouti pour également sensibiliser l’opinion publique.