08/04/2021 (Brève 1782) Élections présidentielles sans enjeu à Djibouti (SURVIE)

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Ismaïl Omar Guelleh, au pouvoir à Djibouti depuis 22 ans et vieil ami de la France se présente ce vendredi 9 avril à une parodie de scrutin présidentiel. Soucieuse de préserver ses intérêts stratégiques, notamment le contrôle du trafic maritime de la mer rouge et sa seule base militaire à l’est de l’Afrique, Paris ferme les yeux sur les nombreuses violations des droits humains commises par le régime de Guelleh.

C’est un scrutin largement boycotté par l’opposition qui doit se tenir vendredi à Djibouti. Celle-ci est convaincue que ces élections, comme les précédentes, sont jouées d’avance et qu’Ismaïl Omar Guelleh ne partira jamais de lui-même. Ce n’est donc qu’à un seul concurrent « de circonstance » que le dictateur-candidat sera opposé. La population, elle, se désintéresse totalement de cette comédie électorale. A tel point qu’il y a quelques semaines, les autorités ont déployé de grands moyens pour inciter les Djiboutiens à retirer leur carte d’électeur. Lorsqu’elle n’est pas boudée, cette élection sans véritable enjeu est tournée en dérision et qualifiée « d’auto-réélection ».

Outre des fraudes électorales de grande ampleur, le règne d’Ismaïl Omar Guelleh (IOG) est marqué par une longue succession de violations des droits humains : massacres de civils, arrestation d’opposants, répression brutale de manifestations pacifiques. En parallèle, IOG a recours à une stratégie bien rodée de pompier-pyromane, en ravivant les dissensions intercommunautaires, latentes dans certaines régions, pour se présenter comme le seul à pouvoir rétablir l’ordre.

Il est vrai que le régime en place à Djibouti peut compter sur la bienveillance de ses « partenaires internationaux » au premier rang desquels la France, ancienne puissance coloniale dont l’influence décline néanmoins, pour qui ce petit État stratégique constitue un élément essentiel de son maillage militaire en Afrique et au Moyen-Orient. La politique française de coopération avec le régime n’est nullement affectée par ces dérives autoritaires. La justice française collabore volontiers avec son homologue djiboutienne lorsqu’elle convoque et met en examen Mohamed Kadamy, opposant de longue date au régime d’IOG et réfugié en France, au titre d’une commission rogatoire émise par cette dernière [1] ou lorsqu’elle se rend coupable de manipulations visant à étouffer l’affaire Borrel, du nom de ce juge assassiné en 1995 à Djibouti [2].

La coopération militaire, elle, se maintient bien qu’IOG ait ouvert depuis quelques années son hub militaire à la concurrence, mettant ainsi fin au monopole de la France sur Djibouti [3]. Le maintien d’un contingent de 1500 soldats demeure néanmoins d’une importance cruciale pour préserver son influence en Afrique, ces derniers ayant participé à deux tiers des opérations extérieures menées sur le continent depuis les années 1960.

La France reconnaîtra-t-elle à nouveau la validité d’un scrutin joué d’avance, organisé par un régime ami qui continue à bafouer les droits humains ?

[1]    Voir https://mondafrique.com/france-les-petits-arrangements-du-juge-serge-tournaire/
[2] Voir notamment https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/160320/assassinat-du-juge-borrel-djibouti-l-etat-francais-condamne?onglet=full
[3]    Le pays abrite à présent des bases militaires américaine, japonaise, chinoise, et bientôt saoudienne.

Contact presse :Mehdi Derradji (+33 6 52 21 15 61)                mehdi.derradi@survie.org