24/12/10 (B583) Yémen Express – Les Yéménites se soucient plus de la pauvreté que d’Al Qaïda – 5 personnes enlevés (2 articles)

_______________________ 2 – Nouvel Obs avec AP

Les Yéménites se soucient plus de la pauvreté que d’Al Qaïda

Avec plus de la moitié des enfants qui souffrent de malnutrition et près de la moitié de la population qui vit au-dessous du seuil de pauvreté et sans installations sanitaires correctes, les Yéménites se soucient plus de leur survie que du combat occidental contre Al-Qaïda.

A Sanaa, Maram, sept mois, se remet après avoir failli mourir de malnutrition. Sa mère a parcouru près d’une centaine de kilomètres depuis son village de montagne pour l’amener à la capitale, les remèdes traditionnels ayant échoué. Mais la famille a quatre enfants et pas les moyens de payer le traitement de son autre fillette de deux ans et demi, qui tient à peine debout -là aussi, un symptôme de malnutrition. "Je ne veux plus d’enfants", gémit leur mère, Sayeda al-Wadei, "je ne veux même pas de moi-même".

La malnutrition au Yémen atteint des niveaux comparables à ceux de zones de guerre comme le Darfour (Soudan) ou certaines régions d’Afrique sub-saharienne, et d’autres statistiques sont tout aussi effrayantes: près de la moitié des 23 millions de Yéménites vivent avec moins de 2 dollars (environ 1,5 euro) par jour et dans de mauvaises conditions sanitaires. Moins d’un dixième des routes sont carrossables, l’eau manque, des dizaines de milliers de personnes déplacées par les conflits affluent dans les villes. Le gouvernement rongé par la corruption ne contrôle guère que la capitale, et sa principale source de revenu -le pétrole- pourrait être épuisée d’ici dix ans.

Dans ces conditions, la plupart des Yéménites ont bien autre chose en tête qu’Al-Qaïda, à l’heure où les Etats-Unis font pression sur Sanaa pour qu’il combatte les terroristes sur son territoire.

Organisations humanitaires, économistes et autorités appellent les donateurs qui se réuniront en février à Riyad, en Arabie saoudite, à débourser des millions de dollars pour le développement du Yémen, afin de réduire la pauvreté et de restructurer l’économie du pays.

Washington a débloqué pour le Yémen 150 millions de dollars (114,5 millions d’euros) d’aide au développement, en plus de l’aide consacrée au combat contre Al-Qaïda, qui devrait passer de 150 à 200 millions de dollars l’an prochain. D’autres pays ont également contribué, estimant que la lutte contre le terrorisme passe par celle contre la pauvreté.

"Les enjeux sont élevés pour les pays voisins, l’Europe et les Etats-Unis, non seulement au Yémen mais au Moyen-Orient. Personne ne veut que le Yémen échoue", remarque Benson Ateng, responsable de ce pays à la Banque mondiale.

Mais des organisations humanitaires craignent que le gouvernement, qui tient par le clientélisme, ne privilégie les tribus alliées ou que les donateurs ne donnent priorité aux zones d’implantation d’Al-Qaïda, au détriment des régions les plus pauvres. Avec le risque d’alimenter le ressentiment du reste du pays.

La malnutrition est typique de l’imbrication des problèmes au Yémen: il est importateur net de denrées alimentaires alors qu’il manque d’argent et qu’une bonne partie de l’agriculture et jusqu’à 30% de l’eau sont consacrées à la culture du qat, plante aux vertus stimulantes et légèrement euphorisantes dont les Yéménites mâchonnent les feuilles en permanence.

Le pays manque d’infrastructures médicales et d’éducation et seuls 10% des enfants de moins de six mois sont nourris au sein. Faute de statistiques officielles, la malnutrition est largement passée inaperçue, alors qu’elle atteint des niveaux jamais vus ailleurs dans le monde", explique Greet Cappelaera, responsable du Yémen à l’UNICEF (Fonds des Nations unies pour l’enfance).

Les autorités yéménites font valoir leurs dépenses de sécurité, face à la rébellion sévissant dans le Nord, aux séparatistes du Sud et à Al-Qaïda. "Sans sécurité ni stabilité, il n’y aura pas de développement, de recul de la pauvreté et d’investissement", plaide Hesham Sharaf, vice-ministre du Plan et de la coopération internationale.

Les revenus du pétrole représentent au moins les trois quarts du budget gouvernemental mais la production de brut décline et le Yémen pourrait devenir importateur net dans les cinq ans tandis que ses réserves pourraient être totalement épuisées d’ici 2021, selon le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale.

L’argent du pétrole a fait bondir la consommation dans une frange très étroite de la population. Hôtels, restaurants, centres commerciaux et projets immobiliers se multiplient à Sanaa, mais dès que l’on sort de la capitale, l’autorité centrale cède le pas à celle des tribus.

A 10km seulement de Sanaa, à Wadi Dhaher, des maisons en torchis endommagées par des inondations sont abandonnées. Les routes boueuses mènent aux plantations de qat, qui absorbent la plupart de l’eau. Le village se sert d’un puits creusé à 400 mètres alors que la loi limite la profondeur à 60m pour éviter la surconsommation d’eau.

Les habitants appartiennent à la tribu des Hashed, officiellement alliée du gouvernement mais qui se soucie peu de l’autorité centrale. "Nous sommes autosuffisants. Notre autorité, c’est le cheikh. Même le président a besoin de son accord", lance Abdullah Muhsen, 27 ans.

Et si la jeunesse est l’avenir d’un pays, celle du Yémen pourrait être son cauchemar. Avec la septième plus forte croissance démographique du monde (2,9, des dizaines de milliers de jeunes arrivent chaque année sur un marché du travail qui n’a pas grand-chose à leur offrir.

Beaucoup se retrouvent à Sanaa, comme Mourad Hamoud, qui a abandonné le lycée à Taiz (sud), et se voyait fonctionnaire dans la capitale. Il est devenu barbier. "Si les choses étaient normales, je n’aurais pas dû renoncer aux études pour travailler", regrette-t-il.

Pour Mohammed Abdel-Malik Mutawakel, professeur de sciences politiques à l’université de Sanaa, les jeunes risquent de penser que "l’économie leur est fermée". Du coup, "ils voudront lutter politiquement, et si ça aussi c’est bouché, ils prendront les armes, avec Al-Qaïda, avec le Sud, ou ailleurs", prévient-il.

________________________ 1 – Le Figaro avec AFP

Yémen/sud: 5 personnes enlevés

Cinq personnes, dont un fonctionnaire du gouvernement, ont été enlevées par des hommes armés dans un village du sud du Yémen, ont indiqué un responsable local et des sources tribales.

Des activistes du Mouvement sudiste, un groupe séparatiste, ont établi un point de contrôle dans le centre de Habilayn, dans la province de Lahj, où ils ont arrêté trois personnes originaires du nord du Yémen, a précisé le responsable qui a requis l’anonymat.
Deux autres personnes, dont un fonctionnaire du secrétariat du Premier ministre, ont été kidnappées à Habilayn par un autre groupe d’hommes armés, relevant du Mouvement sudiste, a-t-on indiqué de sources tribales qui ont identifié le fonctionnaire comme étant Tahar Hussein al-Maliki.

Les rapts de civils mais aussi de militaires se sont multipliés dans le sud du Yémen, notamment dans la région de Habilayn où la présence des insurgés sudistes a perturbé la circulation sur l’axe routier reliant Aden, la capitale du Sud, à Sanaa, selon le responsable local.