26/09/2013 (Brève 252) Le dossier du « Corbeau repenti » commence à mériter le détour. Trois articles de presse parus depuis 2011 où son nom est cité dans des affaires troubles avec son beau-frère.

1°) Le Point du 25/09/2013
Le Point.fr – Publié le 25/09/13 à 13h00

EXCLUSIF. Affaire des tableaux : les nouveaux mensonges de Claude Guéant

Les 500 000 euros arrivés de l’étranger sur le compte de l’ex-ministre en 2008 proviennent d’un avocat djiboutien bien connu dans le milieu des affaires.

L’ancien ministre Claude Guéant est impliqué dans plusieurs affaires sensibles. AFP

Par Mélanie Delattre et Christophe Labbé

Lors d’une perquisition menée le 27 février dernier, les enquêteurs ont découvert que Claude Guéant avait reçu 500 000 euros sur son compte, une somme expliquant qu’il ait pu payer comptant un appartement de 90 mètres carrés dans le 16e arrondissement de Paris en 2008. Depuis, l’ancien secrétaire général de l’Élysée avait toujours maintenu la même version rocambolesque : le demi-million d’euros mis au jour par la PJ serait issu du coup de foudre d’un avocat malaisien pour deux marines du peintre flamand van Eertvelt que possédait Guéant.

Le Point.fr est en mesure de révéler que l’ex-bras droit de Sarkozy a menti et que les 500 000 euros ont en réalité été payés par un avocat de Djibouti, dont le nom n’est pas inconnu dans le petit monde des grands contrats… On croiserait ainsi cet homme discret dans certaines opérations aux côtés de l’insaisissable homme d’affaires Alexandre Djouhri, un ami de Claude Guéant, très actif en Libye, notamment au cours du précédent quinquennat.

Affaires sensibles

Un coup dur pour l’ancien ministre de l’Intérieur, déjà au coeur de plusieurs affaires sensibles. Claude Guéant est actuellement visé par une enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris au sujet de primes en liquide dont il a affirmé qu’il les avait perçues entre 2002 et 2004 lorsqu’il était directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy. L’ancien secrétaire général est également accroché dans le cadre de l’arbitrage contesté entre Bernard Tapie et le Crédit lyonnais, ce qui devrait conduire à son audition par la brigade financière dans les semaines qui viennent…

L’identité du véritable acheteur et toute l’enquête sur le mystère des tableaux flamands de Guéant à retrouver dans Le Point n° 2141, en kiosque jeudi.

2°) Charlie Hebdo du 17 mai 2013
Guéant des marchands d’armes aux marchands d’art17 May 2013

Les juges qui cherchent les traces d’un financement libyen de Sarkozy pourraient enquêter sur la vente par EADS d’avions à Kadhafi. On se souvient des SMS de Guéant exigeant qu’une commission soit versée à un intermédiaire…

Alors comme ça le super-préfet barbouzard, comme Charlie surnommait Claude Guéant en septembre 2011, se piquait aussi d’art ? Il possédait des tableaux d’un maître du xviie siècle, et nous n’en savions rien. Celui qui aimait passer ses fins de semaine chez Bachar el-Assad, Kadhafi ou Bongo, émissaire de Sarkozy ou de lui-même, on ne sait trop, se voyait aussi en marchand d’art entre deux rendez-vous avec le marchand d’armes Takieddine.

Ce dernier, après avoir offert ses services aux balladuriens de 1994 à 1995 dans les ventes de sous-marins et de frégates, avait repris du service auprès de Sarkozy. Les deux perquisitions menées fin février par des juges et des services de police différents chez Guéant, à son domicile du 15e arrondissement de Paris, et à son cabinet avenue George-V, ont permis d’ouvrir la boîte de Pandore sur les revenus surprenants de l’ancien bras droit de Sarko. Si la première perquise, menée dans l’affaire Tapie, n’a rien donné sur ce point précis, c’est la seconde, dans le cadre cette fois-ci du financement présumé de Sarkozy par la Libye, qui a permis de découvrir dans les relevés bancaires du sieur Guéant les 500 000 euros visiblement reçus d’un compte en Malaisie et des traces de paiements faits en liquide.

S’il a immédiatement évoqué des « primes » — non déclarées ! — touchées quand il était au ministère de l’Intérieur, il n’a pas moufté sur l’émetteur du virement bizarre. Évoquant dans Le Canard une somme reçue d’un « confrère avocat » qui lui aurait acheté deux peintures, Guéant n’en dit pas plus.

Pourquoi ne pas rendre publique l’identité de cet avocat amateur de marines flamandes du xviie siècle ? « Je donnerai toutes les explications au juge », dit-il à Charlie. Il faudra qu’il explique aussi pourquoi, lors de la vente de quelques dizaines d’Airbus et de missiles Milan au régime de Kadhafi, il fit pression sur la direction d’EADS pour que l’un de ses nouveaux copains bénéficie d’une juteuse commission, quelque 13 millions d’euros, via une société amie appartenant à un groupe saoudien.

Ce beau montage a été raconté par Pierre Péan dans son livre La République des mallettes, mais oublié depuis. Le héros de ce bouquin, l’intermédiaire Alexandre Djouhri, devenu soudainement l’homme à tout faire de la Sarkozie après avoir été celui de la Chiraquie, devait percevoir la somme en échange de on ne sait trop quels services. Guéant avait nié l’épisode.

Pourtant ses SMS virulents adressés aux patrons d’EADS ne sont sûrement pas passés à l’as. Peut-être qu’ils réapparaîtront si les juges le demandent… Quant à l’argent, impossible de savoir s’il a finalement été versé. « Séduit », comme il l’a confié un jour à la presse, par cet homme d’affaires insolite au croisement des réseaux en tout genre, Guéant ne jurait plus que par Djouhri. Ce dernier, curieusement, est un grand copain d’un avocat djiboutien aux confins des affaires, Mohamed Aref, qui représente à Djibouti les intérêts de la Malaisie dans certains dossiers, aux côtés d’un autre proche de Djouhri, le financier Wahib Nacer, comme la presse locale l’a évoqué à plusieurs reprises. Cet avocat lié à Kuala Lumpur serait-il par hasard l’acheteur des fameux tableaux ? « Non », assure Guéant à Charlie, sans en dire plus. S’il le dit. Aux enquêteurs de faire la lumière… Tout le monde est étonné, mais il n’y a finalement rien d’étonnant que Guéant investisse dans les Marines…

Blanchiment mode d’emploi

Guéant l’a assuré à la télé, il ne sait absolument pas comment on blanchit. Eh bien voilà comment ça se passe. Toucher du fric en liquide pour des raisons parfois peu avouables — paiements non déclarés, commissions indues, corruption, trafic de drogue, etc. — et le réinjecter dans l’économie légale, c’est un casse-tête. Récemment, un type, Mourad Benhaddou, arrêté par la BAC au cours d’un banal contrôle de routine dans le 19e arrondissement de Paris, non loin de lieux de deal, trimbalait 400 000 euros en billets dans un sac.

En perquisitionnant l’appartement qu’il venait de quitter, les flics tombent sur 700 000 euros supplémentaires — soit en tout 1,1 million ! Le juge Philibeaux l’a mis en examen. Mais loin d’être un trafiquant de drogue, il ne serait, assure son avocat, Alain Guibère, qu’une fourmi d’un « réseau de compensation » chargé sur instruction de livrer du fric n’importe où et à n’importe qui. L’argent venait-il d’un trafic de stups ou pas ? Mystère. On le sait, le fric n’a pas d’odeur.

Par : Laurent Léger

3°) Nouvel Obs du 10/11/2011

EXCLUSIF. Karachi : Ziad Takieddine balance les réseaux chiraquiens

A nouveau entendu ce mercredi par la justice, l’homme d’affaires libanais a envoyé une longue lettre au juge Van Ruymbeke. « Le Nouvel Observateur » en publie les principaux extraits.

L’homme d’affaires libanais, Ziad Takieddine, soupçonné d’avoir joué les intermédiaires dans le financement occulte de la campagne d’Edouard Balladur, en 1995, est entendu ce mercredi par le juge Van Ruymbeke.

Dans une lettre de neuf pages adressée au magistrat chargé du volet financier de l’enquête sur l’attentat de Karachi, dont nous publions, en exclusivité, les extraits les plus importants, Ziad Takieddine fait des révélations explosives. Après son arrivée à l’Elysée, Jacques Chirac avait ordonné le blocage et la destruction de deux contrats de vente d’armes à l’Arabie saoudite, contrats qu’il soupçonnait d’avoir servi à alimenter les caisses noires balladuriennes.

Or, selon le financier libanais, une seconde équipe chiraquienne aurait pris le relais de ces contrats, pour alimenter, cette fois, un réseau lié au nouveau Président. « La destruction des deux contrats Estar et Rabor, à Genève, le 10 mars 1997, qui a suivi la transaction, a dû être confirmée officiellement par la France, directement ou au travers de la Sofresa (société d’Etat chargée des ventes d’armes à l’Arabie saoudite, ndlr) ». Or, poursuit Ziad Takieddine, cette mise au pilon des deux contrats douteux a eu « pour effet d’effacer toutes traces de deux contrats légaux, pour les substituer par des paiements à d’autres destinataires, sans l’accord du contractant, l’Arabie saoudite, sur la base de contrats fictifs, voire simplement sans contrat .

Ces nouveaux destinataires ont donc été introduits illégalement dans le cadre du contrat d’origine, Sawari II. (…) Il apparaît dans votre instruction que l’Arabie saoudite a continué à payer la Sofresa comme si les contrats détruits étaient toujours en vigueur. » Le magistrat, qui a requis un supplétif auprès de sa hiérarchie pour pouvoir enquêter sur ce « système bis » dénoncé par Ziad Takieddine, devrait lui demander de préciser l’identité des destinataires de ce second réseau.

Dans sa lettre, ce dernier précise que le circuit de versement de l’argent saoudien aurait pour plaque tournante le groupe saoudien Al Bughstan. « Ce groupe, accuse Takieddine, dispose en Suisse d’une structure gérée par Wahib Nacer, connu à Genève pour sa proximité avec l’homme d’affaires français, M. Alexandre Djouhri, qui résiderait dans la même commune (Chêne Bougerie). Les deux hommes paraissent avoir un lien commun avec l’avocat Mohammed Aref (financier du site d’information backchich.fr, ndlr), qui apparaît dans votre dossier. Au sein de cette structure se trouve la société Parinvest, basée à Tortola (paradis fiscal dans les Iles Vierges britanniques, ndlr) avec une domiciliation en Suisse, dont Monsieur Wahib Nacer est le gérant de fait. (…) Les virements effectués par Sofresa à Parinvest s’élèvent à 85 MF ( 85 millions de francs). »

Toujours selon l’accusateur, pour financer ce réseau politique français, qui impliquerait Alexandre Djouhri, ami intime de Dominique de Villepin, et aujourd’hui proche de Claude Guéant, « les premiers virements ont été effectués sur les comptes de la banque Al-Ahli commercial Bank BSC Manama Bahrain, n°00001-032-001 et n° 0001-721-610-001. Les virements suivants ont été effectués sur le compte Crédit Agricole Indosuez LImited (Bahamas), n° 1000-170 (géré par Michel de Robillard). »

L’autre destinataire des fonds saoudiens qui auraient transité par la Sofresa serait la société saoudienne ISSHAM, basée à Jeddah, qui aurait reçu plus de 1,3 milliard de francs « pour des destinataires à ce jour non clairement identifiés », poursuit Takieddine, qui ajoute : « Il me semble que ces transferts n’ont fait l’objet d’aucun contrat, en tout cas approuvé par le contractant, et que les montants concernés ont été directement payés par la Sofresa : l’abus de biens sociaux n’est-il pas là et les receleurs ne sont-ils pas dans les société destinataires ? »

L’audition de l’homme d’affaires libanais qui accuse, en clair, le clan chiraquien d’avoir fait main basse sur l’argent des commissions des contrats signés sous l’ère Balladur pourrait provoquer un cataclysme au sein de la droite française qui n’en finit pas de voir se rouvrir les cicatrices de la guerre des clans qui dure depuis vint ans. Le juge Van Ruymbeke pourrait bien s’intéresser aux sources qui ont alimenté Ziad Takieddine en informations aussi précises. Quel intérêt celui que le magistrat considère comme un des hommes clés de son dossier a-t-il à « balancer » des rivaux en affaires ?

Agit-il pour un commanditaire politique, en l’occurrence l’Elysée, pour que le dossier Karachi se perde dans un labyrinthe de vraies et de fausses pistes ? Le juge Van Ruymbeke sait qu’on va lui jeter des « leurres » et que les opérations de diversion, quelques mois avant l’élection présidentielle, ne font que commencer.

Serge Raffy – Le Nouvel Observateur