08/05/03 (B196/2) L’affaire DAF : une faute politique majeure de Guelleh. Pourait-elle devenir l’événement qui marquera le début de la chute du régime ? (Jean-Loup Schaal)

En harcelant DAF
sur plusieurs fronts :

  • sa liberté
    :

    en le faisant condamner par deux fois à de la prison avec sursis
    et en le faisant incarcérer dans des conditions assimilables à
    la torture,
  • sa famille :

    soumise à des violations de domicile et à des perquisitions
    abusives et non mandatées par une autorité judiciaire indépendante,
  • son
    journal :

    dont le dernier numéro a été saisi au moment de même
    de sa mise en vente et dont les archives et les ordinateurs ont été
    volés par la Police,

Guelleh commet à
notre avis la faute majeure la plus grave de son règne, avec le concours
(complicité) de plusieurs personnalités du régime, dont
Me AREF qui semble avoir choisi maintenant de soutenir les thèses officielles
du régime et ses arguments fallacieux ou trompeurs, au moins dans des
conversations privées, qu’il ne nous appartient pas de relater plus
avant.

Une faute politique
majeure :
Comme en 1991/1992 et 1999, les deux incarcérations de Me AREF,
qui se positionnait, à l’époque, comme un ardent défenseur
des Droits de l’Homme reconnu de tous, l’Affaire DAF soulève aujourd’hui
une forte réprobation dans l’opinion publique et elle mobilise. Loin
de se calmer, nous constatons que le mouvement prend de l’ampleur chaque jour
:

  • deux pétitions
    sur Internet, où s’accumulent les signatures,
  • des associations qui
    préparent des actions de mobilisation et qui vont faire pression
    sur les gouvernements pour obtenir que Guelleh ne soit plus soutenu aussi
    abusivement sur le plan financier,
  • l’opinion publique
    qui se réveille et qui prend conscience de la véritable nature
    du régime, avec en réaction, des cohortes imaginables de manifestants
    devant les Ambassades, des chancelleries, pour exiger de Guelleh pour qu’il
    libère DAF,
  • et bientôt probablement
    la presse européenne quipourrait entrer dans le jeu avec des articles
    peu complaisants sur le régime ?

En dépit de ces
risques, Guelleh reste ferme, insensible et inflexible. Il n’écoute
plus les conseils et il se renferme dans ses positions. Nous avons même
tendance à penser qu’il se fige dans cette décision suicidaire.
Au fond, aimerait-il se donner une nouvelle image publique (lui qui a tant
trahi, lui qui a tant détourné de fonds) ? Celle d’un « Guelleh
l’homme inflexible, qui ne cède jamais !!. Dans d’autres circonstances,
cela nous aurait fait hurler de rire.

Le temps joue contre
IOG

Il semble qu’une nouvelle
fois, IOG n’ait pas encore compris que son blocage mental est fort mal ressenti
et qu’il lui est fortement préjudiciable (Le comprendra-t-il ?) :

  • Il renforce immanquablement
    et de façon durable, l’image de DAF qui devient le martyr, le héros
    et l’un des libérateurs potentiels et crédibles du peuple
    djiboutien.
  • Les chancelleries (surtout
    française et américaine) qui étaient, jusqu’à
    présent, bienveillantes et qui lui lâchaient des paquets d’Euro
    ou de Dollars à la première demande, comme l’on donne de l’argent
    de poche à un adolescent aux poches percées, vont finir par
    être sensibles à cette vague de réprobation populaire
    qui enfle et qui ne va pas s’arrêter demain,
  • Les rapports accablants
    sur la situation des Droits de l’Homme et des Libertés, concernant
    son régime (Bureau fédéral américain, Reporters
    Sans Frontières, Confédération des syndicats, …)
    qui passaient souvent inaperçus, vont être montés en
    épingle.

En dehors de son cercle
‘d’obligés’, favorables par principe (au moins tant qu’il a la capacité
de leur distribuer de l’argent !), Guelleh n’a jamais su communiquer. C’est
un fait. A chaque fois qu’il a essayé d’allumer des contre-feux, il
s’est non seulement ‘planté’, mais aussi couvert de ridicule (Cf la
dernière réponse de la TV djiboutienne au reportage de Canal
+ ou les articles de La Nation ou de l’ADI).

Si Guelleh se raidit dans
sa position (qu’il est incapable de justifier sur le fond par des arguments
ou des preuves crédibles pour justifier l’emprisonnement de DAF) et
qu’il maintient, contre l’avis des amériacins et des français,
de la communauté internationale, contre l’opinion publique, son blocage
mental, il va au devant de graves difficultés. Va-t-il les affronter
? En a-t-il encore la capacité ?

L’émergence
d’un leader et le risque d’un embrasement populaire ?
Le risque c’est que cette affaire devienne un catalyseur pour la population
djiboutienne, qui n’a majoritairement qu’une envie depuis plusieurs années
: celle de le congédier pour faute grave et sans indemnité.

Même si DAF était
bien connu de chacun, il n’avait pas encore atteint la crédibilité
suffisante pour devenir un leader possible du peuple. Parfois il était
contesté et certains, y compris dans nos colonnes, avaient exprimé
des réserves sur des accords secrets qu’il aurait pu passer avec Guelleh.

Son arrestation et son
emprisonnement arbitraire dans des conditions abominables modifient la donne.
Qui pourrait dire maintenant qu’il a toujours des accords secrets, en vigueur,
avec Guelleh ? Sa légitimité d’opposant sort renforcé
et Guelleh vient de faire émerger un challenger de poids.

Plus Guelleh s’obstinera,
plus DAF deviendra une solution de rechange non seulement pour le peuple djiboutien
mais aussi pour les pays occidentaux, dont l’influence compte à Djibouti.
D’autant plus qu’il n’y a plus de véritables leaders dans l’opposition
djiboutienne et qu’il y a une place à prendre …. (La nature a horreur
du vide !)

L’affaire DAF n’est
pas la seule épine dans le pied de Guelleh :

De nombreux orages,
des haines tenaces et des rancoeurs féroces s’accumulent au-dessus
de la tête de Guelleh, qui est détesté aujourd’hui
par une grande majorité de la population djiboutienne qui lui
reproche, à juste titre, les difficultés économiques
et la peur dans laquelle elle survit.

Il ne faut pas
oublier non plus que Guelleh voit poindre d’autres orages au-dessus
de sa tête :

  • la condamnation
    ahurissante d’Alhoumekani au cours d’un procès où il
    n’était même pas invité (sic),
  • la relance
    de l’affaire Borrel dont l’instruction se poursuit et pas dans un
    sens favorable à Guelleh,
  • la mission
    des experts des Nations Unies sur les violations de l’embargo vers
    sur les armes pour la Somalie,
  • des affaires
    de drogue qui commencent à être évoquées
    par plusieurs sources,
  • les ballets
    roses, que certains soupçonnent le Général Zakaria
    d’organiser, dans son mabraze privé à l’intérieur
    d’un camp militaire, avec des invitées qui seraient plus ou
    moins consentantes (?)
  • la grande
    rafle de décembre où 5.000 étrangers ont été
    arrêtés,
  • l’incarcération
    des mineurs avec les adultes,
  • les nombreux
    cas de torture,
  • les exécutions
    sommaires de plusieurs personnes qui avaient probablement des choses
    à dire dans plusieurs affaires pénales, etc.

Tout cela pourrait se
retourner brutalement contre Guelleh, comme un boomerang, avec les développements
prévisibles de l’Affaire DAF, s’il maintient l’ordre d’incarcération
inexplicable, sauf pour de basses raisons personnelles. En cherchant à
faire taire un opposant reconnu, Guelleh suscite l’émergence du leader
de l’opposition.

Alors, plus que jamais
: ‘M. Guelleh, Libérez DAF et les six prisonniers politiques’. Si vous
ne le faites pas pour eux, vous le ferez pour la survie temporaire de votre
régime condamnable. Cette vision ne nous réjouit pas, mais la
liberté d’innocents est en jeu … !

Jean-Loup
Schaal