04/09/03 (B210) La FIDHD (Fédération internationale des Droits de l’Homme) monte au créneau pour dénoncer l’opération de ‘nettoyage ethnique’

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Communiqué de la FIDH

La FIDH demande l’ajournement
de l’expulsion forcée
de plusieurs milliers d’immigrés en situation irrégulière

Paris, le 3 septembre
2003

Les 26, 27, 28 août
2003 un nombre impressionnant de véhicules quittait la capitale de
Djibouti vers les pays limitrophes. A leurs bords, plusieurs milliers de soi-disant
 » rapatriés volontaires « , majoritairement Somaliens et Ethiopiens,
fuyaient le pays. Le 26 juillet 2003 gouvernement décidait en effet
d’accorder un délai de 35 jours aux immigrés  » en situation
irrégulière  » pour quitter le Territoire de la République
de Djibouti, avant que des  » mesures de rafles généralisées
ne soient effectuées, à leur égard « . La date limite
est fixée au 15 septembre, a depuis précisé le ministre
de l’Intérieur, M. Abdulkader Dualeh.


Le départ  » volontaire  » des personnes rapatriées,
en réalité expulsées de force, principalement des femmes
et des enfants, peut mener à une réelle catastrophe humanitaire.
D’après les informations fournies par la Ligue djiboutienne des droits
de l’Homme, membre de la FIDH, plusieurs centaines de ces  » rapatriés
volontaires  » sont encore maintenus dans un no man’s land entre les frontières
djiboutiennes et celle du Somaliland, les autorités du Somaliland n’autorisant
l’entrée sur leur territoire qu’aux ressortissants somaliens. Ceux
qui ne peuvent passer la frontière sont rassemblés dans un vaste
camp de réfugiés, sans ravitaillement possible, sans secours
logistique, sous une chaleur insoutenable, faisant craindre déshydratations
et maladies.


La décision d’expulsion est officiellement motivée, pour le
gouvernement, par des raisons économiques et sécuritaires. Pourtant,
l’élément déclencheur de cette décision paraît
être la pression exercée par les Etats unis qui ont récemment
mis en garde les autorités nationales sur de possibles attaques terroristes
visant des intérêts occidentaux à Djibouti. Ces expulsions
constitueraient donc une mesure de prévention. Les Etats Unis utilisent
en effet Djibouti – et sa position stratégique dans la corne de l’Afrique
– comme une base de renseignement sur Al-Qaeda.


Quelle que soit la raison de la mesure prise par les autorités djiboutiennes,
sa mise en œuvre s’inscrit à l’évidence en violation flagrante
des obligations internationales de la République de Djibouti en matière
de protection des droits de l’Homme. Le droit international et régional,
notamment l’article 12 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des
peuples,  » interdit l’expulsion collective des étrangers  »
et, en tout état de cause, l’expulsion d’étrangers sans que
la situation individuelle des personnes concernées n’ait été
valablement examinée et sans que soit garanti le non-refoulement de
ces personnes vers une destination où elles pourraient craindre pour
leur intégrité physique et morale.


La FIDH et la LDDH exigent du gouvernement djiboutien l’ajournement de la
date limite du départ forcé des immigrés en situations
irrégulières afin d’examiner chacune des situations particulières
en vue de possibles régularisations. Et, en tout état de cause,
la FIDH et la LDDH demandent au gouvernement djiboutien d’aider au rapatriement
de ces personnes à l’extérieur de ses frontières, dans
des conditions garantissant le respect des instruments internationaux relatifs
aux droits humains ;


La FIDH considère que la lutte contre le terrorisme, bien que légitime,
ne doit, en aucune circonstance, servir de prétexte fallacieux à
l’expulsion du territoire djiboutien de plusieurs milliers de personnes, principalement
des femmes et des enfants, au mépris des dispositions internationales
de protection des droits de l’Homme ;


La FIDH demande aux autorités des pays voisins concernés d’accorder
une protection aux ressortissants somaliens afin de les aider à retourner
dans leur famille, sans être inquiétées par l’insécurité
connue dans cette zone frontalière ;


La FIDH demande d’urgence à la communauté internationale de
venir en aide à la population se trouvant maintenue dans le no man’s
land entre Djibouti et le Somaliland afin d’éviter une catastrophe
humanitaire ;


La FIDH demande aux Etats voisins de la République de Djibouti de faciliter
le retour de leurs ressortissants, mais également d’autoriser l’arrivée
de réfugiés sur leur territoire, conformément à
la Convention de Genève de 1951 sur la protection des réfugiés
et apatrides.