31/01/04 (B232) Hommage à mon Père. La cruauté du régime et de ses sbires t’a arraché à nous, une deuxième fois. (Lecteur)

Après les vivants,
ce régime d’oppression s’attaque maintenant aux morts. J’aimerais attirer
votre intention sur ce qui vient de se passer à Doraleh. Malheureusement
cela n’a eu aucun écho dans les médias.

Pourtant les faits méritent
d’être soulignés afin de tenter de mettre un terme aux pratiques
barbares. Pour l’histoire.

Il y a trois semaines,
des bulldozers et des pelleteuses sont venus retourner le cimetière
de Doraleh. Accompagnés d’une horde de Policiers, qui ont pris soin
d’éviter que la souffrance des gens deviennent un obstacle à
leur projet. Ces pauvres gens, impuissants, n’ont eu d’autres choix que d’assister
de loin à la profanation.

Encore une fois, la cupidité
l’a emporté sur le respect de tous les principes humains.

Ce régime sanguinaire
et quelques entrepreneurs sans scrupule ont profané des centaines de
tombes sans même avertir les populations concernées. Les Djiboutiens
sont placés devant un dilemme : admirer ce port flambant neuf dont
‘ils ne verront d’ailleurs jamais les retombés financières ou
faire abstraction de leur dignité bafouillée.

Toutes les familles auraient
souhaité, au minimum, faire transférer les corps de leurs proches
enterrés à Doraleh, dans des conditions décentes. Les
ennemis du peuple ont choisi la discrétion et la force. D’après
de nombreux témoins présents, cette scène morbide sera
à tout jamais gravée dans les mémoires.

Imaginez : des corps en
pleine décomposition ont été déterrés,
sous le regard attristé de leur famille. Une odeur repoussante a envahi
ce village d’ordinaire paisible. Mais la majorité des habitants ne
seront informés qu’une semaine plus tard, par la rumeur.

Après avoir regroupé
les restes humains dans une fosse commune, la Police a poussé les curieux
à regagner leur domicile et à garder le silence sous la menace
d’encourrir les foudres du régime.

On comprend que cette
violation n’aurait pas été possible sans la complaisance des
religieux qui se sont empressé de donner leur feu vert et leur bénédiction.

Ils pourront tout me dire
mais ils ne pourront jamais éteindre cette haine qui bouillonne en
moi.

J’ai perdu toute raison
et rien ne pourrait ni me satisfaire ni me convaincre. Une deuxième
fois, j’ai perdu que j’avais de plus cher dans mon cœur, mon Père.

" Tu es parti
très tôt. Je n’étais qu’un adolescent, tu nous as laissé
maman et les plus jeunes de tes enfants ne comprenaient pas cette triste réalité.
Ce jour là tout a basculé pour nous, rien n’avait plus de sens.
Je ne te cache pas que j’ai ressenti une profonde injustice. En grandissant
j’ai appris à canaliser cette colère sans jamais t’oublier.

Je me souviens encore
combien tu nous chérissais, on représentait tout à tes
yeux.

Pour nous tu symbolisais
notre bonheur, notre raison d’être. Si tu étais là, je
pense que tu serais fier de nous, on a su rester unis. Nous avons grandi dans
le respect des valeurs et des principes que tu nous as transmis. Ils nous
ont servi à affronter les épreuves douloureuses de la vie.

Bientôt onze
ans que tu n’es plus là, c’est comme si c’était hier et je pense
à toi chaque jour qui passe. Mon seul rêve est de te ressembler,
d’être digne de toi.

J’aimerais servir mon
pays comme tu l’as fais pendant toute ta vie ne ménageant pas tes efforts.

Si je
t’écris aujourd’hui, c’est pour te dire que j’ai l’impression qu’on
t’a arraché une seconde fois. Je ressens une profonde humiliation,
comment vivre avec ce fardeau ? Je te promets que ceux qui ont profané
ta tombe ne connaîtront plus aucun répit de mon vivant. Ils sont
venus perturber ton repos et ils ont volé mon âme par la même
occasion. Je n’ai plus rien à perdre, je n’ai plus de repère.
"

Au
nom de maman, des tes enfants et tous les personnes
affligées par ces évènements tragiques.