09/02/05 (B284) LE NOUVEL OBSERVATEUR / AP La juge en charge de l’affaire Borrel refuse de transmettre le dossier à Djibouti.

PARIS (AP) — La juge
d’instruction parisienne Sophie Clément a refusé mardi de transmettre
à la justice djiboutienne son dossier sur le décès mystérieux
du magistrat français Bernard Borrel en 1995 dans ce pays africain,
a-t-on appris auprès de l’avocat de Mme Borrel, Me Olivier Morice.

Une première information
judiciaire djiboutienne sur le décès de Bernard Borrel avait
été clôturée en décembre 2003 par un non-lieu.
Devant un premier refus en septembre dernier de la juge Clément de
transmettre son dossier à la justice de Djibouti, sans qu’un juge d’instruction
soit désigné, une nouvelle information judiciaire y a été
ouverte en octobre 2004.

Sollicitée par
le nouveau juge d’instruction, Sophie Clément a estimé mardi
«que cette ouverture d’information judiciaire apparaît comme un
détournement de procédure effectué dans l’unique but
de prendre connaissance d’un dossier contenant notamment des pièces
mettant en cause le procureur de la République de Djibouti dans une
autre information suivie à Versailles».

Pour se prémunir
de toute transmission de ce dossier par le parquet de Paris au parquet de
Djibouti, permise par la convention d’entraide judiciaire entre les deux pays,
Sophie Clément a averti que la France «peut refuser l’entraide
judiciaire» si elle est de «nature à porter atteinte à
sa souveraineté, à sa sécurité ou à son
ordre public».

Or, l’enquête sur
le décès du juge Borrel a permis à plusieurs reprises
la déclassification de documents classés «secret-défense».
«Communiquer notre dossier aurait pour conséquence de livrer
indirectement des documents des services de renseignement français
à une autorité politique étrangère», a souligné
la magistrate.

«Ce refus du juge
démontre que la demande des autorités djiboutiennes est totalement
dilatoire et que la pression qui a été faite par le Quai d’Orsay
s’avère totalement déplacée», a commenté
Me Morice qui a porté plainte lundi contre le porte-parole du Quai
d’Orsay, Hervé Ladsous pour «pressions sur la justice».
Ce dernier avait promis dans un communiqué du 29 janvier que la France
allait communiquer le dossier Borrel à la justice de Djibouti.

Bernard Borrel a été
retrouvé mort et brûlé le 19 octobre 1995 face à
l’Ile du Diable à Djibouti. Elisabeth Borrel soutient que son mari
a été assassiné et accuse le président Ismaël
Omar Guelleh d’être le commanditaire du crime.

Une version fermement
contestée par Djibouti, où des premières investigations
entreprises après la découverte du corps du magistrat ont conclu
à son suicide. Une thèse appuyée par les premiers juges
d’instruction français, mais mise à mal par de nouvelles expertises
médico-légales qui concluent au meurtre de M. Borrel. AP