13/07/07 (B403) AFP – Borrel : l’enquête du juge sur le président Guelleh jugée « inconcevable » par Djibouti (Info lectrice)
Le procureur général de Djibouti a jugé jeudi dans un communiqué "inconcevable" qu’un ancien ministre de la justice djiboutien ait pu charger le juge Bernard Borrel d’enquêter sur des trafics auxquels Ismaël Omar Guelleh, actuel président de Djibouti, aurait été mêlé.
Qualifiant cette information "d’étape supplémentaire dans l’intoxication et la manipulation de l’opinion publique, le procureur Djama Souleiman Ali, a souligné dans son communiqué, adressé à l’AFP à Paris, "une contradiction insurmontable" dans cette version.
"Les nombreux témoignages de l’entourage de Bernard Borrel et notamment celui de sa veuve ont toujours corroboré les relations conflictuelles entre le ministre djiboutien de la justice et son conseiller technique (le juge Borrel, NDLR)", a-t-il expliqué.
Un ancien membre du renseignement militaire, qui s’est exprimé le 27 juin dans le bureau de la juge chargée de l’enquête sur la mort du juge Borrel, a affirmé que "le ministre de la Justice de Djibouti, Moumin Badon Farah, avait chargé M. Borrel de constituer un dossier sur l’ensemble des trafics auxquels Ismaël Omar Guelleh était mêlé".
Ceci, afin de trouver des arguments pour écarter Ismaël Omar Guelleh de la course à la succession du président de l’époque, Hassan Gouled Aptidon.
"Il est inconcevable que Moumin Bahdon ait pu chargé M. Borrel d’effectuer pour son compte ou même pour le compte d’autrui une quelconque enquête sur quiconque à Djibouti", affirme le procureur de Djibouti dans son communiqué, en soulignant que B. Borrel n’avait "aucun pouvoir d’investigation", aucune "autorité sur aucun service à Djibouti" et ne parlait pas "les langues locales".
Elisabeth Borrel, veuve du juge, a pour sa part estimé sur France inter que la version du militaire pourrait expliquer "les obstructions" exercées sur la justice durant l’enquête par Paris et Djibouti.
"Je pense qu’il va y avoir d’autres déclassifications (de documents liés à cette affaire) et j’espère qu’on aura alors des éléments qui viendront corroboré ce qu’explique ce militaire", a-t-elle expliqué.
"De plus, personne ne veut me dire quel était ce document qu’on (les autorités françaises de Djibouti, ndlr) m’avait demandé de rechercher pour la France le jour de la mort de mon mari. J’ai le sentiment qu’il avait trait justement à cette affaire là", a-t-elle ajouté.
Mme Borrel a enfin souligné que le ministre de la justice, M. Moumin Bahdon, était à l’époque des faits l’un des principaux opposants à M. Guelleh à Djibouti (dans la course à la présidence, ndlr) et qu’il avait été mis en détention pour "offense au chef de l’Etat" après la mort de son mari.
Le corps du juge Bernard Borrel a été retrouvé le 19 octobre 1995 à 80 km de Djibouti. Le magistrat français travaillait, au titre de la coopération, auprès du ministre de la Justice de Djibouti à la réforme du code pénal.