08/11/03 (B220) AINACHE, qui a participé à la réunion de Bruxelles du FDP le 1er novembre, nous fait part de son sentiment et de ses avis.

LA VOIX AU CHAPITRE
: par AÏNACHÉ

APPARENCE DEMOCRATIQUE

Compte tenu de la situation
politique de notre pays, faut-il s’exiler pour qu’une réunion politique
puisse se dérouler normalement?

Cette question pourrait
avoir malheureusement une réponse positive. Compte tenu, également,
du climat de suspicion qui règne dans notre pays. C’est la raison pour
laquelle a été organisé à Bruxelles le 1er novembre
dernier, le Forum pour la Démocratie et la Paix.

Ce Forum a pu réunir
la diaspora, les syndicalistes et toutes les tendances de l’opposition Djiboutienne
dont les représentants sont venus des nombreux pays d’Europe et même
de Djibouti.

Nos dirigeants actuels
soignent l’aspect extérieur de la démocratie.
Je veux dire par-là que, vu de l’extérieur, nous donnons, du
moins sur les papiers, toutes les garanties d’un Etat de droit.

Nous avons, un gouvernement,
un parlement, des syndicats et des partis politiques. Mais à y regarder
de plus près, nous ne pouvons que constater que tout cela n’est qu’un
leurre, destiné à tromper les observateurs étrangers
et à bercer d’illusion les naïfs nationaux.

Pour illustrer mon propos,
je prends l’exemple de l’introduction de cette journée d’information
: L’accord de paix signé le 12 mai 2001 entre le gouvernement et le
FRUD-Armé, célébré en grande pompe, qu’en reste-t-il
aujourd’hui ?

Malheureusement cet accord
et ses applications ne sont ni fait ni à faire. Les différents
intervenants, sur ce sujet, lors de ce forum, Mohamed Kadamy et Hassan Mokbel
acteurs de cet accord nous l’ont démontré, témoignages
à l’appui sur les violations des Droits Humains et l’introuvable paix
en République de Djibouti, avec des précisions argumentées
et inconstatables.

Nous avons aussi mesuré
l’état de la justice, ou plutôt de l’injustice, aux ordres du
pouvoir dans notre pays expliqué par l’ancien juge contraint à
l’exil, Monsieur Saïd Mohamed Saïd.

L’impossibilité
d’exercer leur activité syndicale a été détaillée
par l’ancien professeur syndicaliste Abdoulfatah avec une grande émotion
à l’évocation de ces camarades disparus suite aux tortures subies.

A l’écoute de cette intervention, nous avons mesuré le nombre
faramineux de professeurs et de cadres Djiboutiens de haut niveau vivant à
l’étranger.

Sur la dernière
élection législative du 10 janvier, personne n’a de doute aujourd’hui
quant à la manière frauduleuse dont le pouvoir s’est approprié
la victoire. Il était tellement désireux de s’attribuer la totalité
des sièges de l’Assemblée que les  » ministres-députés
 » n’ont pas osé démissionner de leur mandat de parlementaire
de peur de retourner devant les électeurs.

Je voudrais m’attarder
quelques instants sur ce sujet. : Tout le monde se souvient qu’il y a eu deux
listes, l’une de l’opposition et l’autre de la majorité présidentielle.
Chacune des listes comportait 65 noms de candidats à la députation.

Parmi les 65 candidats
de la liste de la majorité présidentielle figuraient la quasi-totalité
des membres du gouvernement. Et comme il fallait s’y attendre la liste de
la majorité présidentielle a raflé tous les sièges
à pourvoir. Certains ministres et non les moindres ; le  » premier
 » des ministres en tête, sont donc élus députés
comme le reste de leurs colistiers.

Or, il ne vous a pas échappé
que pratiquement 10 mois après cette élection, nos ministres
n’ont toujours pas démissionné de leurs mandats de député
!

Alors, une question se
pose. Sommes-nous le seul pays ou les mêmes personnes peuvent cumuler
une charge exécutive et un mandat législatif ???

Pour moi, la réponse
est que le pouvoir ne tient pas à vouloir retourner devant les électeurs
et se satisfait de l’apparence démocratique affichée en organisant,
avec un grand renfort de publicités, les élections truquées
à l’échéance prévue.

D’ailleurs, pourquoi les
tenants du pouvoir se compliqueraient la vie à organiser des élections
partielles pour remplacer des ministres élus députés
? Premièrement ça n’a pas été prévu, ni
réclamé par l’opposition, encore moins par le conseil constitutionnel.

Deuxièmement, lors
de publication des listes des candidats, ni les partis gouvernementaux ni
les partis d’oppositions n’ont présenté de listes de suppléants.
Donc, pas prévu, et tout le monde s’en contente ou en vérité
personne ne se pose de question déontologique.

Un mot sur l’Etat de
l’opposition.

Elle est à l’image
du pays. Beaucoup de bonne volonté, une analyse souvent exacte mais
elle demeure  » faiblarde  » en action. Comme toujours son dynamisme
ressuscite à l’approche des élections !

Sans tenir compte des
initiatives hasardeuses ou spontanées qui se développent par-ci
par-là, notre grande faiblesse de la démocratie réside
dans le tribalisme qui aveugle la majorité de notre population et dont
se sert allègrement le tenant du pouvoir. Il est malheureusement ancré
chez nous que le citoyen qui avance une idée ou un projet est vu d’abord
par son appartenance tribale avant d’analyser le contenu de sa proposition.

Tant que ce fléau,
que je persiste à appeler,  » LE CANCER DE LA DEMOCRATIE  »
minera notre jugement, le tenant du pouvoir actuel peut dormir tranquillement
sur son oreiller douillet, fabriqué par le tribalisme.

En distillant ce poison,
le tenant du pouvoir a creusé un fossé de haine entre la population
Djiboutienne. Nous avons tous en mémoire le ravage que peut occasionner
le tribalisme dans notre pays et chez nos voisins immédiats qui n’arrivent
pas à s’en remettre encore aujourd’hui.

Bien entendu, je pense
en premier lieu à nos frères somaliens qui malgré treize
conférences, une conférence par an, n’arrivent toujours pas
à restaurer l’Etat dans leur pays.
Pendant que les dirigeants des différentes factions se disputent des
éventuelles fonctions, des centaines des somaliens prennent le risque,
souvent fatal, de traverser les mers pour fuire la haine et les misères
engendrées par les seigneurs de la guerre.

Pour revenir à
nos difficultés, je pense qu’il faut multiplier ce genre d’initiatives
afin de mieux nous connaître et échanger sur les idées
en faisant abstraction de nos appartenances tribales.

Le pouvoir actuel est
adepte de la terreur. Il s’en prend aux faibles et aux étrangers comme
nous l’avons dénoncé récemment.

Il faut donc vaincre la
peur et multiplier ce genre de rencontre surtout à l’intérieur
du pays malgré le risque que nous savons.

Dans son intervention
qui a déclenché beaucoup de questions, Le Président du
MRD, Monsieur Dahir Ahmed Farah a détaillé longuement la manière
abjecte dont est capable ce pouvoir.

Pour finir, je suggère
et je pense indispensable qu’il faut envoyer plusieurs signaux :

– premièrement
: vers la population pour qu’elle sache que nous sommes désireux de
nous unir et attentifs à leurs difficultés d’existence.

– deuxièmement
: vers le pouvoir pour qu’il sache que nous sommes prêts à l’affronter
dans la légalité républicaine et qu’il peut être
sûr que nous ne le laisserons pas faire.

– troisièmement : devant la pratique de la terre brûlée
du pouvoir actuel, il est indispensable que notre population sache qu’il y
a une opposition crédible sur qui elle peut compter.

La ligne générale
qui se dégage de cette journée d’information est, que nous devons
faire barrage à nos divisions en laissant de coté nos querelles,
pour que s’affirme ce qui nous uni.

L’appel, lancé
unanimement par l’ensemble des participants, pour une meilleure coordination
et articulation des forces de l’opposition, et pour une mobilisation de la
diaspora, est à saluer.

Voici chers amis, et
chers compatriotes, quelques-unes des réflexions qu’il m’a semblé
utile de vous soumettre dans le cadre de cette journée d’information.

Je tiens, pour terminer
à remercier chaleureusement les organisateurs de cette rencontre.

AÏNACHÉ