13/07/07 (B403) Guelleh aurait été soupçonné par Moumin Bahdon de trafics d’armes, d’ivoire et d’alcool détaxé. Ce qui aurait conduit le Ministre de la Justice de l’époque à demander au Juge Borrel de mener cette enquête qui aurait pu le conduire à la mort. (Info lectrice)
__________________________________ AFP (Pierre ROCHICCIOLI)
Le juge Borrel aurait été chargé d’enquêter sur des trafics du président djiboutien
Le juge Bernard Borrel, tué en 1995 à Djibouti, a été chargé avant sa mort par le ministre djiboutien de la Justice d’enquêter sur "des trafics" auxquels Ismaël Omar Guelleh, actuel président djiboutien, aurait été mêlé, selon le témoignage d’un ex-membre du renseignement militaire français, recueilli par la justice française.
Ce militaire, ancien membre du deuxième bureau (renseignement militaire, ancêtre de la DGSE) s’est exprimé le 27 juin dans le bureau de la juge Sophie Clément, chargée de l’enquête sur la mort du juge Borrel, lors d’une confrontation entre plusieurs militaires français en poste à Djibouti à l’époque de la mort de Bernard Borrel.
Selon ce témoin, pour qui "l’assassinat" du juge Borrel ne fait "aucun doute", la mission confiée au magistrat visait les agissements d’Ismaël Omar Guelleh (IOG).
Celui-ci était l’un des candidats au pouvoir, alors détenu par son oncle, le chef de l’Etat Hassan Gouled Aptidon, dont il était le chef de cabinet.
"Il y avait des menaces graves du fait de luttes de pouvoir pour la présidence. C’était des batailles de clans". Selon "mes sources" et celle d’un autre officier dont il cite le nom, "le ministre de la Justice Moumin Badon Farah avait chargé M. Borrel de constituer un dossier sur l’ensemble des trafics auxquels Ismaël Omar Guelleh était mêlé", explique le militaire.
"Il s’agissait d’avoir des arguments pour écarter IOG de la course au pouvoir. Je précise que lorsque je parle de mes sources, cela représente des informations venant d’environ 80 personnes. Cette diversité permet de recouper les informations", précise-t-il.
Selon ses déclarations, Ismaël Omar Guelleh "participait à un certain nombre de trafics qui incluaient des coopérants français". "Agir contre lui dérangeait par conséquent tant la communauté djiboutienne que la communauté française", a-t-il expliqué à la juge Clément.
Ismaël Omar Guelleh était à l’époque des faits le dauphin désigné du président Aptidon auquel il succédera en 1999 et Moumin Badon Farah l’un des nombreux prétendants à cette succession.
Une note de la direction des renseignements généraux (DCRG), versée au dossier d’instruction et que l’AFP a pu consulter, mentionne divers trafics (ivoire, armes et alcool détaxé) dans lesquels Omar Guelleh aurait été impliqué avant d’accéder au pouvoir.
"On ne peut que s’étonner qu’il ait fallu autant d’année à cet ex-membre du renseignement militaire pour venir faire ces révélations", a indiqué à l’AFP Me Francis Szpiner, avocat de Djibouti, selon qui Moumin Badon Farah avait à l’époque "peu de chance d’accéder au pouvoir".
"Elles sont de plus en contradiction avec les propres déclarations de Mme Borrel, selon qui son mari entretenait des relations exécrables avec le ministre de la justice et avec la réalité locale, ce dernier étant connu pour ses sentiments anti-français", a-t-il estimé.
Le corps en partie carbonisé du juge Bernard Borrel a été retrouvé le 19 octobre 1995 en contrebas d’un ravin à 80 km de Djibouti. Le magistrat français travaillait, au titre de la coopération, auprès du ministre de la Justice de Djibouti à la réforme du code pénal.
Parallèlement à l’instruction de Sophie Clément sur la mort du juge, deux magistrates parisiennes, Mmes Pous et Ganascia, enquêtent sur d’éventuelles pressions politiques sur la justice dans ce dossier.
Lundi et mardi, elles ont perquisitionné dans ce cadre les domiciles parisien et provençal de Michel de Bonnecorse, l’ex-"Monsieur Afrique" de l’Elysée durant la présidence de Jacques Chirac.