21/10/07 (B418) JDD : Borrel : Djibouti dans la rue (Info lectrice)

Par Nicolas MOSCOVICI

La tension monte encore d’un cran entre Djibouti et Paris. A l’appel d’organisations, près de 20 000 personnes sont, ce samedi, descendues dans la rue. Dans leur viseur, la justice française qui soupçonne de hauts dignitaires djiboutien d’être à l’origine de la mort du juge Bernard Borrel, en 1995. « Honte à toi Sarkozy » ou « Justice raciste » ont scandé les manifestants.

La rue, voici un nouvel artifice dégotté par les autorités de Djibouti dans la ténébreuse affaire Borrel.

A l’appel « du collectif des associations djiboutiennes », dixit une agence de presse du minuscule pays coincé entre l’Ethiopie et la Somalie, ce sont près de 20 000 personnes (dans une ville en comptant 700 000) qui ont défilé ce samedi dans les rues de la capitale.

Et la vindicte populaire était dirigée contre la France: « Honte à toi Sarkozy », « Trop, c’est trop » ou « Justice raciste », tels ont été les slogans scandés par les manifestants. Un soutien « spontané » qui intervient alors que l’affaire Borrel envenime plus que jamais les relations entre Paris et Djibouti.

Pour rappel, en 1995, le juge français Bernard Borrel est retrouvé mort, à moitié calciné, gisant au fond d’un ravin. Contre toute logique, les autorités djiboutiennes, auprès desquelles travaillaient la victime, concluent à un suicide. L’affaire est enterrée.

Mais la ténacité de la veuve du magistrat toulousain, puis l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, vont changer la donne. A partir de 2004, la justice française se met en branle. Dans sa ligne de mire, l’actuel président djiboutien, Omar Guelleh, en poste depuis 1999, ainsi que des dignitaires du régime de l’ancienne colonie française.

Des mandats d’arrêt internationaux ont même été lancés par la juge Sophie Clément contre le chef des services secrets du pays, Hassan Saïd, ainsi que le procureur général, Djama Souleiman.

Des ministres avec les manifestants

Ce dernier, clairement visé par Paris, avait d’ailleurs contre-attaqué mercredi lors d’une conférence de presse surréaliste. Pour lui, le dossier Borrel n’est, ni plus ni moins que « le plus grand scandale judiciaire de la République française », renvoyant l’affaire Dreyfus à « un épiphénomène ». Accusant la juge Clément d’être « une manipulatrice », le procureur Souleiman a dénoncé « les mensonges et le racisme qui caractérisent le dossier Borrel ».

« C’est un scandale, un tissu de mensonges, un dossier bidon avec de faux témoins et des expertises effectuées par des rigolos », a-t-il ajouté. Et d’avancer en guise de piste et afin de se disculper des accusations de subornation de témoins qui planent sur lui, une sombre histoire de pédophilie dans laquelle « sont impliqués de nombreux Français de toutes catégories, comme des membres du clergé, des militaires et des diplomates ».

Un argumentaire qui aura du mal à faire mouche à Paris, mais qui, à Djibouti semble faire son effet.

Selon la même agence de presse qui a couvert l’événement, « toutes les composantes de la société djiboutienne étaient présentes » dans les cortèges de samedi. « Des étudiants, des artistes, des syndicalistes, des chômeurs, ainsi que des représentants politiques », mais également des membres du gouvernement de Omar Guelleh. Preuve s’il en est que, sur l’affaire Borrel, la petite république africaine est plus que jamais décidée à l’ancienne puissance coloniale.